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la philanthropie en Chine au temps de la dynastie Ming

Publié le 30 décembre 2010 par Peg

Vu ici, sur le site Perspectives chinoises, un rĂŠsumĂŠ d’un ouvrage de Johanna Handlin Smith (Directrice du Harvard Journal of Asiatic Studies).

la philanthropie en Chine au temps de la dynastie Ming

L’intĂŠgralitĂŠ de l’article peut ĂŞtre consultĂŠ ici, en voici quelques extraits en guise de rĂŠsumĂŠ !

Ce texte aborde un thème qui est pertinent pour la rÊalitÊ chinoise contemporaine. Dans un contexte oÚ l’État tente d’assurer la stabilitÊ sociale par l’Êtablissement d’une couverture sociale plus gÊnÊreuse et la mise en œuvre de mesures permettant de venir en aide aux populations vulnÊrables, beaucoup s’interrogent sur le rôle de la philanthropie pour appuyer l’État.

La perception a longtemps prÊvalu que les Chinois ne pratiquent la charitÊ qu’envers leurs proches ; que leur bienveillance manque de piÊtÊ et n’est pas entièrement dÊsintÊressÊe, et qu’elle ne sert que les intÊrêts des Êlites. Et pourtant, rappelle Smith, la langue chinoise dispose d’un vaste rÊpertoire sÊmantique pour dÊcrire les activitÊs caritatives, nous permettant de voir là l’indice d’une pratique sociale bien enracinÊe dans ce pays.

Le portrait que trace Smith des  sociÊtÊs pour le bien commun  (tongshan hui) et autres associations philanthropiques, contribue à enrichir davantage notre portrait de cette Êpoque. L’auteur prend bien soin d’Êviter le recours à des critères tirÊs de l’expÊrience occidentale lorsqu’elle cherche à identifier les principes qui motivaient les philanthropes chinois durant la pÊriode Ming. Son Êtude est très sensible à la difficultÊ de comparer la pratique de la charitÊ en Occident, intimement liÊe aux institutions religieuses, et dÊfinie comme une activitÊ qui a lieu à l’extÊrieur du cadre familial, à la pratique de la charitÊ en Chine.

Elle note aussi l’absence de frontière nette entre la philanthropie pratiquÊe par les notables et la mission traditionnelle d’aide aux personnes dÊfavorisÊes qui incombait à l’État.

Les activitÊs caritatives de la fin de la dynastie des Ming ayant laissÊ peu de traces à cause des destructions occasionnÊes par les dÊsordres politiques ultÊrieurs, l’auteure a compensÊ ce problème par l’examen minutieux des Êcrits laissÊs par cinq personnages exceptionnels ayant pris l’initiative de mettre sur pied et de soutenir des activitÊs philanthropiques dans la province de Zhejiang.

Les cinq notables que Smith Êtudie ont vÊcu entre 1548 et 1672, durant la pÊriode tumultueuse qui voit l’empire Ming connaÎtre son apogÊe puis succomber à ses contradictions internes avant d’être submergÊ par les Mandchous.

L’auteure se penche dans un premier chapitre sur les sociĂŠtĂŠs pour la libĂŠration des animaux (Fangsheng hui), qu’elle prĂŠsente comme prĂŠcurseurs des sociĂŠtĂŠs de bienfaisance dans les valeurs de compassion universelle qu’elles ĂŠpousent, mais aussi dans leur souci de prĂŠserver l’ordre social.

Dans le chapitre suivant, elle souligne dans sa prĂŠsentation des sociĂŠtĂŠs de bienfaisance que l’autoritĂŠ de leurs fondateurs reposait plus sur la force de leurs convictions morales que sur l’Êtendue de leurs propriĂŠtĂŠs ou leurs rĂŠseaux d’influence.

Le troisième chapitre indique que ces sociÊtÊs de bienfaisance, les premières du genre en Chine, reprÊsentaient non seulement une alternative aux institutions bouddhistes et à l’État, mais aussi aux pactes ruraux (xiangyue) – ces institutions par lesquelles les fonctionnaires tentent d’inspirer la bonne conduite –, à la charitÊ individuelle et, pour finir, à la pratique du don à travers des associations lignagères (basÊes sur le lignage).

Smith rÊvèle dans le chapitre 4 que les sociÊtÊs de bienfaisance Êmergeaient en rÊponse à une rÊalitÊ socioÊconomique nouvelle, soit la montÊe d’une classe marchande prospère soucieuse d’asseoir sa lÊgitimitÊ dans l’Êconomie morale chinoise, et voyant donc dans la pratique de la philanthropie la dÊmonstration que la valeur ne dÊrivait pas seulement de la connaissance des classiques qui Êtaient l’apanage des lettrÊs.

Le chapitre suivant propose un Êclairage diffÊrent sur les sociÊtÊs de bienfaisance, en s’appuyant sur les Êcrits laissÊs par Lu Shiyi, lui aussi animateur d’une sociÊtÊ de bienfaisance, mais d’extraction plus modeste que ses pairs. Son tÊmoignage, proposant une description rÊaliste et dÊsabusÊe de ces sociÊtÊs et du contexte oÚ elles Êvoluaient, apparaÎt surtout utile et informatif aux yeux de Smith, parce qu’il met aussi en relief le fait que c’est l’optimisme des notables qui permettait à ceux-ci d’assurer le dÊveloppement de leurs activitÊs caritatives.

Les crises que Smith examine jettent des ĂŠclairages diffĂŠrents sur les sociĂŠtĂŠs de bienfaisance.

Elle propose dans le chapitre 6 une explication psychologique pour aider à comprendre la capacitÊ de la population de la prÊfecture de Shaoxing à se mobiliser pour faire face à une situation de famine. Cette mobilisation aurait ÊtÊ rendue possible grâce aux pressions incessantes exercÊes sur le prÊfet par Qi Biaojia, un riche propriÊtaire terrien de la rÊgion responsable d’une sociÊtÊ de bienfaisance, et qui aurait ÊtÊ portÊ à agir de la sorte suite au dÊcès de sa mère.

Le chapitre 7 avance un point capital qui ne manquera pas d’intÊresser le lecteur prÊoccupÊ par des situations contemporaines : le soutien officiel de l’administration publique s’avÊrait indispensable pour permettre l’organisation efficace de secours par des sociÊtÊs philanthropiques.

Dans le chapitre suivant, Smith met l’accent sur les interactions sociales que les sociÊtÊs philanthropiques mettent en œuvre. Elle montre que la fourniture de mÊdicaments et d’autres bonnes actions offraient à des individus de toute condition des occasions pour affirmer leur influence.

Finalement, dans son dernier chapitre, elle dÊmontre à quel point les actions de philanthropes ont contribuÊ à transformer l’Êconomie morale dans la prÊfecture de Shaoxing à la fin de la dynastie des Ming. Les bonnes actions, conclut-elle, n’Êtaient plus tant une obligation morale que la source d’un intense sentiment d’accomplissement, grâce à l’inspiration d’individus exceptionnels.

L’Êtude par Smith des Êcrits laissÊs par les notables ayant mis sur pied des sociÊtÊs philanthropiques rÊvèle l’importance des autoritÊs politiques locales, même lorsque l’autoritÊ du gouvernement central semble flÊchir.

Un autre constat inattendu, souligne Smith, est le fait que quatre dirigeants sur cinq des sociÊtÊs philanthropiques qu’elle a ÊtudiÊes appartenaient à l’Êlite locale. La crainte du dÊsordre, les tragÊdies personnelles, le souci de maintenir la rÊputation de son clan familial constituent autant de facteurs les ayant poussÊs à aller dans cette voie.

Il est nÊanmoins remarquable que ces individus aient agi de la sorte : ceux qui investissaient beaucoup d’Ênergie ou de ressources dans les activitÊs caritatives, note Smith, couraient toujours le risque d’attiser les jalousies de leurs pairs.

L’ouvrage de Smith soulève un grand nombre de questions pertinentes pour la Chine contemporaine.

  • Dans quelle mesure le dĂŠsir de ÂŤ faire du bien Âť demeure-t-il un moteur de la philanthropie aujourd’hui ?
  • Dans quelle mesure les nouvelles gĂŠnĂŠrations d’entrepreneurs souhaitent-ils soutenir financièrement le dĂŠveloppement de la charitĂŠ ?
  • Quel rĂ´le sont appelĂŠes Ă  jouer les associations religieuses dans ces tendances ?

L’ouvrage de Smith apporte un dÊmenti cinglant à la thèse d’un manque d’esprit caritatif, de compassion, ou de comportements dÊsintÊressÊs dans la tradition chinoise qui expliquerait les difficultÊs auxquelles se heurtent les tentatives de dÊvelopper des associations philanthropiques en Chine contemporaine.

L’auteure dÊmontre qu’une longue tradition philanthropique a existÊ dans ce pays, et donc que l’on trouve un vaste rÊpertoire de pratiques sur lesquelles les associations caritatives contemporaines peuvent s’appuyer.

Cet examen, cependant, ne doit pas mener Ă  un optimisme exagĂŠrĂŠ : un gouffre vertigineux sĂŠpare la Chine de la dynastie des Ming et la RĂŠpublique populaire.

Si les communications, la richesse collective et la capacitÊ de l’État permettent de dÊcupler les possibilitÊs de crÊer et d’Êtendre des rÊseaux philanthropiques, les exigences du mode de vie consumÊriste contemporain et la mÊfiance de l’État envers des associations indÊpendantes constituent des obstacles imposants.


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