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"Andalucia" : la cavale

Par Vierasouto


18 - 01
2008
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  Il n'y a pas d'histoire mais des personnages, surtout un personnage, extraverti, attachant, omniprésent, le sujet du film à lui tout seul et ça marche! Yacine, à la recherche forcenée d'un épanouissement personnel, d'un ailleurs... Yacine fait des petits boulots d'intérim pour ne pas se poser, éducateur pour enfants, guide touristique, employé municipal à la soupe populaire ou figurant au cinéma. Il a quitté la banlieue, les quartiers dits sensibles où il a passé son enfance, et habite aujourd'hui dans une caravane entre ici et là-bas, une position d'attente, en quelque sorte.
La liberté de Yacine, sa démarche, c'est de réunir les conditions pour pouvoir s'évader du jour au lendemain, "s'arracher"... Yacine est un coureur, un homme en mouvement, son mode de vie, c'est la cavale... Yacine a la baraka, il la provoque au culot, à la fois pratique et rêveur, il séduit facilement des belles filles, un soir, il aborde une star du rap, l'autre l'invite, dans la foulée, il ramène dans sa caravane Sarah Marshall, le top model, dont il embrassait l'affiche dans la rue, un jour, il regarde un modèle qui pose dans un école de peinture, elle l'invite dans son appartement. Mais, une femme aussitôt séduite, Yacine est déjà immergé dans un autre projet.
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Un jour, il rencontre son copain d'enfance Djibril (très joli flash-back de l'adolescence avec Djibril qui sonne à toutes les portes des copains pour demander qu'on lui prête pour une nuit une paire de Nike, une console vidéo, etc... chacun participe), Yacine se souvient avec nostalgie et culpabilité qu'il les a quittés, ses frères d'infortune, son frère biologique, agressif, rancunier, qui lui reproche de s'habiller comme un notable, il lui répond que lui c'est comme un ado qu'il s'habille...

photo Eurozoom

Le film est tout en zapping de séquences juxtaposées avec un montage très habile qui  dit tout en un mot, un geste, avec beaucoup de fluidité. Un exercice casse-gueule qu’en général je trouve artificiel, ce film étant une exception, ces passages incessants d’une scène à une autre sont je ne sais exactement pourquoi harmonieux (Yacine rencontre une fille, Yacine dans un lit avec cette fille, deux plans, on passe à autre chose, etc…). Il y a une sorte de musicalité dans l’enchaînement des images et des scènes, des fragments de scènes, d’ailleurs, la musique tient une grande place dans le film. Très efficace aussi, ces flashs rapides sur la violence de Yacine, un passé qu’on devine délinquant mais pas trop, parfois, les mauvaises habitudes reprennent le dessus, il casse la gueule d’un type pour lui voler sa moto, puis, il se ravise, le ranime, lui rend ses clés… Il y a une liberté, une fraîcheur quelquefois presque enfantine, comme cette scène où Yacine décrit la plus belle action foot du monde par Pelé, il en parle si bien qu’on visualise la scène et on piaffe de la voir en vrai et le réalisateur nous l’offre en images d’archives…  
Ce film a la grâce, on sourit souvent, on est touché, amusé, c’est un  nouveau cinéma d’une génération de français, enfants d’immigrés, avec cette impression d’être des étrangers chez eux.
"... C’est quand même très bizarre quand tu vis dans un pays où tu as la gueule de l’étranger. Tu es dans un travail constant, en train de regarder ce que l’autre pense de toi... " (Alain Gomis, interview)

Une scène résume de manière vertigineuse la situation de malaise identitaire avec un vigile qui suit Yacine dans un supermarché :
"...il y a une espèce de schizophrénie de la part de ce vigile : un maghrébin suit un maghrébin parce qu’il est maghrébin... » (Alain Gomis, interview)
Un cinéma révolté mais débordant de pulsion de vie, d’énergie, de combativité, un cinéma vivant. On aurait tort d’attribuer le mérite du film à la seule interprétation brillante de Samir Gesmi, c’est l’ensemble du film qui est une réussite. Enfin, un peu de neuf dans le cinéma français…
PS. Pour coller à l'actu... je ne résiste pas à citer ici une phrase de Samir Guesmi (Yacine dans le film) extraite du dossier de presse : A la question "Yacine est-il un symptôme social ?" Samir Guesmi répond "Alain Gomis met la loupe sur ce personnage qui cherche à se dépatouiller dans une société devenue de plus en plus flippante… Que le président de la république sorte avec un top model pendant que les cités brûlent, cela ne veut plus rien dire !"

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