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Somewhere

Publié le 08 janvier 2011 par Jul

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Qu'importe si Sofia Coppola a reçu pour "Somewhere" un Lion d'Or de la part de son ex-boyfriend Quentin Tarantino aux dépens de tous, acteurs, réalisateurs, techniciens, critiques, membres du jury, films en compétition : son dernier film ne méritait pas le Lion d'or, ni aucun autre prix, avec ou sans Tarantino. "Somewhere", voulant filmer le vide, se vide lui-même de sa propre substance, laissant les sentiments entre Johnny Marco et sa fille en hors-champ, empêchant le spectateur de s'attacher aux personnages, passant d'une idée à une autre sans rapport entre elles, et ne démarrant au final jamais vraiment.

L'idée de départ valait pourtant le détour, inspirée en partie de l'enfance de la réalisatrice elle-même qui tantôt suivait son père sur les plateaux, tantôt devenait actrice malgré elle : les rapports entre une star hollywoodienne se retrouvant suite à un accident face à sa fille Cleo et à lui-même, perdu dans le vide de sa vie. A l'arrivée le spectateur s'attend au minimum à un style personnel et à de l'originalité, au mieux à un film à portée universelle sur ce phènomène propre à notre époque, fascinée par les dieux hollywoodiens. Entre les deux, la réalisatrice semble avoir pensé qu'une façon de filmer le vide était tout simplement de ne pas donner un sens à son film.

Ce qui donne à l'écran de longs plans vides de toute signification, si ce n'est celle de se répondre l'un l'autre (la scène de Johnny seul dans une piscine rappelant obligatoirement celle où il est sur un transat avec Cleo) ; des images n'ayant malheureusement pas besoin d'avoir un sens puisque la réalisation est à peine meilleure que la médiocre photographie de Harris Savides (successeur du formidable Lance Acord qui avait réalisé celle de "Lost in translation" et "Marie-Antoinette") ; une histoire vide, sans action et surtout sans rien à exprimer. Quant à la musique, Sofia Coppola reprend une des formules qui lui avaient réussi dans "Marie-Antoinette" : une bande-son réglant elle-même chaque scène, passant du plus intimiste au plus nerveux ; à la différence que dans "Somewhere", la bande-son, assez hideuse d'ailleurs, n'exprime quasiment rien par rapport à ce qu'on voit à l'écran, si ce n'est un décalage dont on cherchera en vain le sens, comme pour la première scène des jumelles strip-teaseuses.

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Parti sur de mauvaises images, le film se lance ensuite dans une mauvaise représentation des lieux filmés. Du Château Marmont on verra trop de couloirs et pas assez de stars et de soirées mondaines, de Los Angeles et d'Hollywood on ne verra rien, de Milan et de l'Italie on verra le pire, le voyage se résumant à un show de la télévision berlusconienne. On ne retiendra finalement que les belles performances de Stephen Dorff et Elle Fanning, semblant évoluer indépendamment de la caméra de Coppola, mais ne suffisant malheureusement pas à nous sensibiliser au drame de leurs personnages.

Sofia Coppola, qui nous avait prouvé avec ses premiers films être une vraie réalisatrice et non l'une de ces nombreux "enfants de …" venant au cinéma parce qu'ils n'ont jamais connu un autre univers, tourne à présent en rond sans même avoir eu le temps de se renouveler. On aimerait pourtant que la cinéaste qu'elle est devenue se confronte à des sujets plus vastes, sans forcément avoir beaucoup à dire, uniquement pour le plaisir d'un beau film comme pour Marie-Antoinette. En attendant, on ne saura que vous déconseiller d'aller voir "Somewhere", au profit d'un film qu'on espère bientôt voir en France : "Un altro mondo" de Silvio Muccino, racontant comment deux jeunes aussi modernes que superficiels se retrouvent tout à coup mis face à leur réalité par un garçon un peu plus jeune que Cleo, et réussissant à exprimer ce vide que Coppola, en voulant le rendre omniprésent, a à peine su filmer.


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