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Lettre ouverte au Président Sarkozy »Industrie photovoltaïque : vers le Pole Emploi »

Publié le 19 janvier 2011 par Dornbusch
Je reproduis ci dessous l’excellente lettre ouverte de M. Benoit Praderie (parue dans de nombreux journaux et disponible sur ce lien) J’interviendrai sur ce sujet samedi rue de Solférino lors d’un séminaire sur la « transition environnementale »

« Comme beaucoup d’autres ce matin à Toulouse-Blagnac, dans l’immense hall d’assemblage de l’A380, j’ai eu l’honneur d’être invité, en tant que chef d’entreprises et conseiller du commerce extérieur, au discours que vous avez prononcé à l’occasion des vœux aux forces économiques de la nation. « Il faut plus d’industrie française, plus d’innovation, plus d’entrepreneurs » avez-vous dit avec enthousiasme. Vous avez longuement vanté la vitalité industrielle de l’Allemagne. On voudrait vous croire. Las.

Il existe une industrie dont l’Allemagne est leader mondial avec plus de 200.000emplois créés, des milliers de PME, une innovation permanente et une politique industrielle qui donne le « la » au marché mondial. C’est celle des énergies nouvelles et renouvelables (ENR), notamment l’éolien et le solaire photovoltaïque (PV). Curieusement, la veille (12 janv) la France a décidé qu’il ne fallait pas que cette industrie se développe trop vite, sonnant même son hallali. Une des plus dynamiques filières industrielles que le monde ait connues se développe trop vite ?!… « Il faut libérer les forces vives » disiez-vous ce matin aux Acteurs Economiques de la nation.

Ainsi pour assurer le développement (sic) de cette énergie, il est proposé de revenir à des procédures ineptes (quotas et appels d’offre) qui ont démontré,partout dans le monde, leur inefficacité. « Une politique française qui innove et trace l’avenir » nous avez-vous dit.

Cette réunion est la suite logique au moratoire de 3 mois décrété le 9 décembre qui plongeait une jeune et fragile filière dans l’inconnu. Elle était déjà flageolante après une année ponctuée d’une dizaine d’arrêtés changeant si vite les règles que tout le monde continue de s’y perdre. Panique. Déjà on licencie, on abandonne des projets d’investissement.Dans ma propre société, c’est quelques millions d’euros d’investissement qui sont en jeu, des milliers d’heures de travail sur des projets représentant plus d’une centaine de millions d’euros ; la consommation électrique annuelle d’une ville de 50.000 personnes. « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ».Cela ne vous rappelle rien ?

Trop vite !? Ce n’est pas anodin : soit ceux qui écrivent vos discours se moquent de vous, soit vous vous moquez des Français et dans le cas présent, des acteurs économiques du pays.

Illustrons pour les ENR, cette « vision industrielle » que vous souhaitez insuffler : là où la France planifie l’installation de 5.400 MW photovoltaïque en 10 ans,l’Allemagne fera 10 fois plus.Là où la France entend installer 25.000 MW éoliens en 10 ans (qu’elle ne fera jamais), l’Allemagne prévoit 2 fois plus (qu’elle fera). Là où la France assouplit la réglementation sur le nucléaire, l’Allemagne lui impose une taxe de 13,8 milliards d’euros (sur 6 ans) pour financer le développement… des ENR.

A l’évidence, en Allemagne le soleil brille plus fort qu’en France. Trêve de plaisanterie : force est de constater que notre voisin sait bâtir une politique industrielle et a fait le choix des énergies du XXIème siècle, sans forcément renier celles du passé.

De très nombreux chefs d’entreprises ont mis leur énergie (et leurs économies !) pour développer le secteur du photovoltaïque. Nous avons créé des milliers d’emplois ces deux dernières années. Nous avons des projets encours d’instruction, de financement ou de construction. Que vont-ils devenir ? Que vont devenir nos salariés ? La commission Charpin/Trink a répondu hier : il faut purger, limiter, contraindre. Votre éloge au dynamisme est criant de sincérité, mais nous condamne.

Un des problèmes de l’industrie française (notamment vis-à-vis de l’Allemagne, on y revient toujours…) c’est son faible tissu de PME. Pris le doigt dans le pot de miel, votre gouvernement fait preuve d’une remarquable opiniâtreté à faire le contraire de vos discours. La France industrielle, ce n’est pas seulement des grands groupes, même si Toulousains, acteurs économiques et Français, nous sommes fiers de la réussite d’Airbus, qui nous accueillait aujourd’hui.Mais combien de centaines de milliers de salariés en Midi-Pyrénées ne travaillent pas pour Airbus ?

Ne peuvent en effet résister à pareille canonnade que les mastodontes de l’énergie dont on sait combien ils ont fait opposition à la promotion des ENR. Alors que tous les pays de la planète profiteront de quelques millions d’emplois que ces indispensables filières engendreront, la France sabre à tout va, campée sur une idéologie de nécrologues.

Franchement Monsieur le Président, peut-on réellement se passer d’énergies renouvelables et d’une industrie nationale compétitive ? Les ENR sont, après la sobriété et l’efficacité énergétique, la seule réponse pérenne à la disette annoncée. La France « à perdre » continue donc son œuvre, fossoyeuse de nos espoirs et des avenirs communs. Il existe des sports où une main ne sert à rien.

Nos amis allemands disent même : « Mit Speck fängt Man Mäuse ! »[9].

Benoit Praderie

Chef d’entreprises dans le photovoltaïque, Conseiller du commerce extérieur de la France


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