Ni célébrer ni camoufler, dire l'Histoire

L'affaire Céline est momentanément réglée : le cinquantenaire de la mort de l'écrivain disparaît de la liste des "Célébrations nationales". Non qu'il écrive mal, mais parce qu'antisémite déclaré et virulent.Le terme de "célébrations" créant l'ambiguïté, il n'a pas été difficile au Ministre d'expliquer que la glorification d'un antisémite forcené n'était évidemment pas le propos. Sa préface au Recueil 2011 évoquait pourtant une publication nécessaire "pour matérialiser de mieux en mieux la conscience historique des Français, en commémorant les heures sombres comme en solennisant les dates fastes". Tout était dit.De même que la place de la Concorde doit être renommée, sans doute faudrait-il commencer par  changer le nom de ce guide des dates historiques élaboré par les Archives nationales, non pour y inclure de force les affreux de la Nation, mais pour ne pas camoufler honteusement des pans entiers de l'Histoire sous prétexte de pressions diverses. L'Histoire n'est ni toujours rose ni toujours glorieuse; elle a ses versants d'ombre et de misère. Les colloques, les débats sont justement là pour donner des éclairages et faire la pédagogie des faits et des hommes. La notion de célébration, avec sa connotation forcément festive, est bien dépassée. Parlons de "Calendrier historique", il n'y a là aucune connotation particulière et aucun jugement de valeur.Pour autant, l'affaire Céline n'est peut-être que le début d'une longue suite d'interventions que j'imagine très bien : défense de parler de Voltaire parce qu'il était raciste, défense de lire le marquis de Sade parce que ses pratiques portent atteinte au corps humain, défense d'évoquer la conquête de l'Algérie par la France parce que la colonisation a produit des effets tragiques... On peut continuer la litanie.Les "commémorations" vont vite avoir du plomb dans l'aile car tout peut être examiné et condamné selon le point de vue et le lobbying qui s'en emparera. Même Jeanne d'Arc sera bientôt infréquentable ! Mais à force de supprimer et de cacher, attention, on verra fleurir en parallèle des versions maudites et underground de l'Histoire de France.Ne peut-on faire confiance aux historiens, aux chercheurs en littérature, aux citoyens eux-mêmes qui s'inviteront volontiers aux débats, pour s'approcher de la vérité historique avec une vision globale et non borgne,  plutôt que de mettre, en catimini,  la poussière sous le tapis ?Ni célébrer, ni camoufler, dire l'Histoire.
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