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Patricia Laranco : deux textes.

Par Ananda

1.

ONIRIS.

Un monde autre. Qui, pourtant, a sa réalité.

La nuit, l’inconscience du sommeil se le réservent.

Il me semble parfois qu’on y vit plus intensément.

Que les flux d’émotion le colorent d’un surplus de vie.

La journée, pendant l’éveil, il m’arrive fréquemment de voir rejaillir ces évènements, ces paysages. C’est alors que je perçois pleinement leur densité, leur luminosité tellement particulière !

Pourquoi me paraissent-ils plus présents, plus REELS ?

Non, je réalise : ils ont existé, bel et bien.

Simplement, ils constituent ma vie parallèle.

Celle qui profite de l’éclipse de ma vie diurne. Celle qui pourrait bien, en fait, en être l’envers (exactement comme on dit « l’envers d’un vêtement »).

Ils possèdent leur propre poids de charnalité, leur propre aura tissée d’attente mystérieuse, leur propre degré d’épaisseur délicieusement à cheval entre la présence et la semi absence du mirage.

Et ils en jouent avec une inimitable grâce !

2.

LA DUNE.

A l’assaut de la haute dune.

La pente de sable clair, fin, poudreux.

La difficile progression. Vers les mystères du sommet.

Chaque pas : arraché au sable. Retombant dans le sable, happé.

Chaque pas, hissé : une victoire !

Les acacias bardés d’épines, qui accompagnaient, tout au long du versant, l’effort, sans cependant accorder la moindre parcelle d’ombre salvatrice. Cruels !

Nos jeunes paires de jambes d’enfants, chacune, acharnée, obsédée par l’idée de relever le défi, de l’emporter sur les autres paires de jambettes.

L’exaltation qu’entretenaient ensemble l’air lourd de l’océan et la façon qu’avait le soleil de frapper sèchement la dune, de la blanchir encore.

A chaque escalade, chacun se promettait d’atteindre la ligne de crête. Et chacun, bien entendu, était convaincu qu’il l’atteindrait.

Mais, quelques fussent nos efforts et nos déterminations, l’immense dune avait raison de nous, là aussi  à chaque tentative.

Le plus souvent, je distançais les autres, car étant l’aînée, je possédais l’avantage d’avoir de plus longues jambes. Pourtant, même moi, je ne parvenais jamais au-delà de la mi-pente.

Vidée de mes forces, poissée de sueur, je m’écrasais alors dans le sable d’une pâleur aveuglante, et décidais qu’il était grandement temps de rebrousser chemin.

Toutefois j’étais heureuse : j’avais gravi une respectable distance et j’avais la tête qui tournait légèrement sous l’effet de l’ivresse.

Bien sûr, j’étais loin d’avoir concrétisé mon but qui était de gagner le sommet, et de dominer l’océan – puisqu’on m’avait dit que c’était lui qui se cachait derrière la monstrueuse dune.

Du coup, force m’est de l’avouer, je changeai quelque peu d’humeur ; je me retrouvai partagée ; le dépit de l’échec venait voiler de son ombre la sensation de griserie, cependant que  lui-même se colorait  d’une autre nuance.

Bloquée , toute ratatinée, entre deux acacias chétifs, je levais mon regard vers la crête, qui me faisait à ce moment l’effet d’une inaccessible étoile…et voilà que paradoxalement, de façon presque inexplicable, je me trouvai tout à coup satisfaite que pour la nième fois cette dernière m’ait « vaincue » !

Ne conservait-elle pas, en effet, tous ses précieux secrets ?

Mon imagination ne pourrait-elle pas continuer à s’attarder sur leurs nébulosités fabuleuses, à furieusement et inlassablement renouveler ses broderies autour de cet « interdit d’accès » que je n’avais encore jamais vu ?

Ainsi, le rêve prenait-il, une fois de plus, le pas sur le réel…ainsi tous les possibles intacts se substituaient-ils à nouveau à une réalité déflorée qui eût pu s’avérer, à tout prendre, décevante, et eût, à tout coup, en tout cas, présenté un caractère trop arrêté.

J’étais encore mille fois trop jeune pour le comprendre, en avoir conscience.

Mais je savais déjà l’irremplaçable charme de l’inconnu.

Je savais, sans pouvoir me le formuler, qu’on ne pouvait tout avoir ; que la confrontation avec le concret du réel annule le rêve et vous impose comme la présence d’un incontournable monolithe. Déjà, je ne détestais rien tant que de voir la dictature du réel assaillir et terrasser la liberté ondoyante et sans fin du rêve…

C’était ça, pour moi, au fond, l’aventure (secrète) de l’escalade de la grande dune !


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