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Le temps des foins…

Par Jean33
Le temps des foins… Fin juin, revient le temps de faire les foins. Avec un bon ami, fermier à Montussan, et équipé d’un gros tracteur et d’une botteleuse encore plus grosse, les vingt hectares se ramassent rapidement. Bien sûr, il faut laisser sécher, puis fâner pour que l’herbe sèche, enfin andainer avant de botteler. Mais combien de mains fallait-il pour accomplir ces tâches il y a encore 50 ans? Nous avons perdu en humanité ce que nous avons gagné en productivité.
Le temps des foins…
Jules Bastien-Lepage, Les foins 1877, Musée d’Orsay, Paris.
Faut-il s’en féliciter? On pourrait être tenté de répondre par la positive si on se fie à la vision naturaliste des peintres ou des écrivains de la fin du XIXème siècle, qui ne voyaient que malheur dans la condition ouvrière ou paysanne, grisés qu’ils étaient par les foucades politiques à venir. Mais tout en se gardant de rendre le tableau trop idyllique, est-on sûr que le faucheur était plus malheureux que le travailleur moderne? J’étais tout enfant mais je me souviens de mon grand-père aiguisant sa faux avec une pierre, de son geste sûr, puis de l’herbe qui basculait, sans appel, comme autant de bataillons tombés sous la mitraille. C’était la fin d’une époque et je ne le savais pas. Et puis combien d’enfants ont été conçus lors d’une étreinte volée dans une meule de foin… Le temps des foins… Quand les prairies sont fauchées de frais, elles jaunissent rapidement et on entre vraiment dans l’été, l’été aquitain comme le décrivait si bien François Mauriac. Les brumes de l’aube présagent de la chaleur du jour, les contrevents sont clos pour épargner un peu de fraîcheur, tout est assoupi et l’obscurité intérieure change la topologie et l’usage des lieux. Les chiens halètent couchés en travers des portes, les chats baillent, étendus sans volonté sous les charmilles. La perspective de devoir sortir avant les dernières heures de l’après-midi décourage tout un chacun et cette torpeur nous isole encore davantage. Le ciel est vide de nuages, les fossés se craquèlent en premier, les écrevisses, abondantes, ont foré leurs terriers profondément pour trouver de la fraîcheur. Les terres se lézardent de grandes fissures où on  un poing pourrait tenir…  »…les quelques gouttes d’eau dont on eût dit qu’elles augmentaient la souffrance d’une terre qui meurt de soif, qui se fend comme pour crier, il pleut un peu, il pleut à peine, la plaine est comme un visage renversé, les yeux fermés sous la caresse attendue. » Bloc Notes, 1952. Editions Bartillat. 35 tonnes. Une belle qualité. Le foin est à l’abri maintenant, et ira nourrir utilement cet hiver, en fonction de la demande, chevaux, brebis, ou boeufs de Bazas.

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