Ces bandes organisées qui nous terrorisent

Mardi dernier sur France 5, un reportage sur les phénomènes de « bandes » qui perturbent la vie de nos calmes cités et effraient leurs honnêtes citoyens. En 2009, le Ministère de l’Intérieur a répertorié 222 bandes dans les quartiers, regroupant environ 2 500 membres ; depuis des années, l’arsenal juridique et judiciaire s’est nettement renforcé pour lutter contre ces bandes et les violences qu’elles provoquent.

Dans le reportage, un ancien habitant du Canal (Courcouronnes) et des Pyramides (Evry) retourne dans ses quartiers d’enfance pour enquêter sur ces phénomènes de bandes.

Plusieurs éléments éclairants ressortent de cette enquête de terrain :

• Le phénomène de bande est généralisé dans les quartiers, n’importe quel jeune appartient à une bande, qui permet avant tout la socialisation et la reconnaissance. A ce titre, le reportage souligne que le recensement effectué par le Ministère de l’Intérieur n’a que peu de sens, car ne définit jamais ce qu’est une bande. D’une bande de copains qui traîne dans la rue à une bande de copains qui utilise la violence pour se défendre, il n’y a parfois qu’un pas. Où commence, où s’arrête la classification ?
• Le rôle social que jouent ces bandes auprès des jeunes (socialisation, identification, reconnaissance, protection) montre bien que ni la famille ni la société en général ne jouent ce rôle auprès d’eux (et ce, malgré les nombreux efforts des mairies et des services sociaux dans les quartiers).
• Dans le même ordre d’idée, ces jeunes développent un très fort attachement à un micro-territoire : une rue, un quartier. La défense de ce « territoire » face à d’autres jeunes d’autres quartiers est généralement très structurante dans la manière dont ces jeunes fréquentent la ville, et évitent certains lieux. Ce rapport très particulier à l’espace souligne également que ni la France, ni évidemment la région ou la commune ne constituent de véritable espace d’appartenance et d’identification. A ce titre, intéressant d’aller explorer le site Ghetto 91, portail regroupant de nombreux blogs de ces jeunes, de leurs quartiers, de leur obsession pour la reconnaissance.

Ces éléments mettent bien en évidence la place que prennent les causes sociales dans la généralisation de ce fonctionnement en bandes : faible identification à l’espace national, absence de confiance dans les institutions, sentiment de n’être ni reconnu ni considéré par la société, sentiment que seul l’argent peut permettre l’ascension sociale…

A côté de ça, le reportage montre également le virage pris par le gouvernement depuis plusieurs années : recul de la présence humaine dans les services sociaux, les associations, les écoles ; et parallèlement renforcement de la vidéosurveillance et des effectifs de police (et de leurs moyens d’intervention). Comme si on avait abandonné l’idée d’une quelconque réhabilitation de ces jeunes, la répression étant la seule réponse à apporter.

A la fin du reportage, on a le sentiment d’un énorme gâchis, et on ressent une grande colère. Sarkozy et ses amis n’ont jamais cherché à comprendre ces phénomènes de bandes, ricanant constamment face à la gauche et sa compréhension coupable face aux jeunes délinquants. Sarkozy et ses amis nous prennent pour des imbéciles en jouant avec nos peurs, et en mettant en scène une répression policière aussi inefficace que dangereuse.

On ne demande pas à Sarkozy et à ses amis de fermer les yeux face aux délinquants, seulement de faire leur boulot. A savoir : analyser les causes avant de proposer des solutions, comprendre un tant soit peu ce qui se passe avant de sortir le fouet et le marteau. Mais bon, pas d’illusion : si ces gens n’étaient pas aussi cyniques, ça se saurait !