Festival de la biographie, Xeme ou XIIIeme du nom?

"Romantiques, pas morts. Poèmes suivent".

C'est devenu un rituel, le festival de la biographie s'est ouvert vendredi à Nîmes à « Carré d'Art ». Il est présenté par la municipalité (U.M.P. — Nouveau Centre) sur le site internet de la ville comme le Xe du nom. C'est vrai du strict point de vue de l'appellation officielle, elle date de janvier 2002, mais faux si l'on veut bien considérer que son origine remonte à 1999 quand le « Salon de la biographie » fut créé par la municipalité de gauche conduite par Alain Clary et Alain Fabre-Pujol, l'adjoint à la culture était alors Alain Massot†. Le salon se tenait dans différents lieux dont aux Arènes sous chapiteaux.

Il serait donc permis de dire que nous en sommes à la XIIIe édition, mais, comme sur certaines photos de l'Histoire des pays totalitaires, on a voulu faire disparaître la trace de ce qui fut! Au fil du temps, l'esprit du reste a bien changé avec la montée en puissance de "people" et de célébrités du show-business.

Cette année encore Charles Aznavour, Michel Drucker, le cinéaste Francis Veber, tant de fois vus et revus à la télévision et dans les autres médias sont présents. Et on se demande qui croire lorsque sur la couverture du livre « Le roman de Napoléon III » on lit qu'il a été coécrit par Raoul Mille et Christian Estrosi tandis que le même Raoul Mille déclare : « En fait Christian Estrosi n'a écrit que trente pages du livre »... C'était à l'occasion de la conférence « Sous l'oeil du biographe : l'autre » qui s'est tenue au « Novotel Atria » que Raoul Mille a fait cette déclaration. Ajoutons que M. Estrosi, maire de Nice, a pour conseiller municipal délégué à la culture un certain... M. Raoul Mille. Passez-moi la rhubarbe, je vous passerai le séné.

Dans son livre sur Napoléon III, Raoul Mille s'est surtout attaché à l'enfance du futur empereur et à sa proximité avec sa mère qu'il vénérait. Curieusement a-t-il expliqué, lorsqu'on prononce le nom de Napoléon III deux événements surgissent de manière récurrente : le coup d'État du 2 décembre et la défaite de Sedan. Quid de la période comprise entre ces deux dates ? Or, l'excellent Patrice Zehr¹ l'a souligné avec force, l'apport architectural du Second Empire est considérable. De son côté, Raoul Mille a préféré évoquer le développement du chemin de fer et la création de la ligne Toulon-Nice achevée en 1864 alors que le décret de Napoléon III qui l'instituait ne datait à peine que de quatre ans.

Enfin, revenant sur Sedan, Raoul Mille a raconté un Napoléon III conscient que la défaite était inéluctable, vu la supériorité des forces prussiennes, et, souffrant le martyr en raison de la maladie de la pierre, cherchant à mourir sur le champ de bataille².

Au cours de la même conférence Patrice Delbourg a présenté « L'Odyssée Cendrars », sa biographie du poète créateur de la poésie moderne, quand on sait qu'il suggéra à son ami Apollinaire le titre « Alcools » pour le célèbre recueil de 1913 au lieu de « Eau-de-Vie », titre initialement choisi, et surtout d'abandonner toute ponctuation. Poésie moderne, car Cendrars arrivait juste après des poètes tels Albert Samain ou Émile Verhaeren. Patrice Delbourg voit Cendrars comme un homme qui a su dire non à tout le monde : surréalistes, marxistes, adeptes de la psychanalyse.

Avec Gonzague Saint-Bris on revenait à une poésie plus traditionnelle, même si elle marqua une nette rupture avec le classicisme. Du romantisme, dont il a repris avec éclat le drapeau, Gonzague Saint-Bris reste le chantre. Cette année il s'est focalisé sur Alfred de Musset qui a su si bien chanter les souffrances humaines et qui a vécu entre angélisme et débauche ; aspiration à la beauté dans la recherche de l'éternel féminin, fréquentation assidue des bordels. Musset était hanté par la trahison des femmes :

« Honte à toi qui la première
M'as appris la trahison,
Et d'horreur et de colère
M'as fait perdre la raison! »

(« La Nuit d'octobre »)

Pour illustrer la couverture de son livre, Gonzague Saint-Bris s'est procuré une photo inédite d'Alfred de Musset obtenue auprès de la descendance de George Sand.

Charles Zorgbibe a défendu la mémoire de Rudyard Kipling, cet Anglais des Indes, étonnamment beaucoup moins critiqué en France qu'en Angleterre. Son chef-d'œuvre « Kim » se situe dans la tradition de l'épopée, du roman picaresque. Kipling, franc-maçon fanatique dixit son biographe, rêvait d'être le Cervantès de l'empire anglo-indien.

Patrice Zehr ayant réorienté le débat sur les problématiques induites par la biographie, Gonzague Saint-Bris a précisé que la biographie, selon lui, ne se pouvait concevoir si elle ne permettait pas d'apporter quelque chose de nouveau sur la personnalité choisie. Se pose de même, à propos du dernier livre de Patrick Poivre d'Arvor, la question des sources. Il faut toujours les citer et recourir aux guillemets d'usage, a déclaré Raoul Mille, tandis que Patrice Delbourg, plus laxiste, se méfie des « huissiers de la littérature » qui vous envoient des « bleus »³ si vous oubliez de les mentionner.

Samedi après-midi, j'ai écouté Jean-Louis Bianco, ancien secrétaire général de l'Élysée sous François Mitterrand, dans « Si j'étais président », il esquisse une manière de programme pour la présidentielle de 2012. Il m'a paru sceptique sur les primaires socialistes mais n'a pas exclu de s'y présenter lui-même. Comprenne qui pourra! J'ai ensuite acheté « Zola, la vérité en marche » d'Henri Mitterand. Au fond, tant au plan politique qu'au plan littéraire, je reste fidèle au mitter(r)andisme.

Le festival s'est achevé dimanche soir.

Notes

¹ ce journaliste, auteur de nombreux livres, anime avec brio les cafés littéraires pendant le festival
² voir aussi à ce sujet, Nicolas Chaudun, « L'été en enfer. Napoléon III dans la débâcle », Actes Sud, janvier 2011, 19 € 80
³ les pièces de justice délivrées par les huissiers étaient envoyées sur du papier bleu