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Mosquito coast

Par Evelyndead

Peter Weir est un artiste, un vrai. Avec une vision du monde. Donnez-lui la recette du gâteau aux yaourts, il vous fera le machin et vous y trouverez encore sa vision du monde. En d'autres termes, tous ses films parlent de la même chose, et pose une seule et même question, avec récurrence, acharnement, et angoisse: quelle place, s'il y en a une, pour l'Homme Blanc dans la Nature ?

Mosquito_Coast


Sous ses allures de fausse quête adolescente (un jeune garçon doit remonter la rivière pour voir mourir son père et renaître au monde), Mosquito Coast ose une réponse éminemment déprimante. L'Homme Blanc n'a plus sa place ailleurs que dans les taudis qui composent sa société civilisée.

Allie Fox (HARRISON FORD, en majuscules, s'il vous plaît) est un inventeur génial qui veut fuir une Amérique dénaturée et construire son paradis fantasmé au milieu de la jungle. Là où les nécessités les plus immédiates et évidentes - un toit, à bouffer -  guideront ses actions. Il achète une ville fantôme, somme de cases en tôles brinquebalantes, et s'y transporte avec femme et enfants. Tout semble rouler jusqu'à ce que l'esprit en perpétuelle ébullition d'Allie n'accouche sur place d'une machine à faire froid. Ce péché d'orgueil lui sera fatal, et il se verra chassé de son Eden, sans espoir de retour nulle part. Il faut dire que son Frankenstein fait plusieurs mètres de haut et qu'à grands renforts de produits chimiques il fabrique des pains de glace. Dans la jungle ! Pour Peter Weir, l'analogie est sans ambigüité: l'Homme Blanc, perché sur son omniscience et une foi arrogante en lui-même, n'est rien d'autre qu'une aberration que la Nature a tôt fait d'expulser dès lors qu'elle se sent menacée. La machine d'Allie finit par exploser, ravageant les alentours, contaminant la rivière, et lorsqu'un peu plus tard les Fox tentent de se reconstruire un abri à partir des rebuts de la marée (du plastique, tout ce que la Nature ne digère pas), ils sont encore une fois rejetés, repoussés par la montée des eaux ajoutées à une tempête purificatrice.

C'est à tort, à mon sens, que Mosquito Coast se laisse voir comme une lecture contemporaine du mythe chrétien du Jardin D'Eden (aux simples d'esprit le royaume de Dieu, et gare à tes miches si tu touches au fruit défendu, à savoir la Connaissance). Comme c'est le cas dans le reste de son oeuvre, un puissant mysticisme baigne le film de Peter Weir, mais c'est bien de Mère Nature dont il est question, la Mère de Tout, et pas d'un quelconque dieu d'émanation humaine. Si Allie Fox se voit condamné à l'errance, ce n'est pas tant parce qu'il a voulu s'approprier le pouvoir Naturel, mais bien parce qu'il s'est cru autorisé à en contredire les règles: en changeant les choses de place, en en modifiant l'ordre, en créant de la glace dans la jungle. L'Homme Blanc, selon Peter Weir, comme une aberration dans la Nature. Enfin, c'est ce que je pense ce soir.

Evelyn Dead (qui se fout pas de vot' gueule avec des critiques à deux balles)


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