Magazine Culture

Atiq Rahimi : Syngué Sabour

Par Gangoueus @lareus
Atiq Rahimi : Syngué SabourUn homme est blessé dans une chambre quelque part dans une ville afghane. Il est inconscient. Une femme prend soin de lui. Elle prie. Elle égrène un chapelet. Elle lui parle. Elle le caresse. Elle sort. On ne sait pas trop ce qui est arrivé à cet homme, mais les mots de cette femme situent progressivement le lecteur. Elle parle. Dehors, on entend la ville. Des obus par ci, des tirs à l’arme lourde par là.
La femme entre. La femme sort. Parfois les enfants rentrent malgré l’interdiction de leur mère.
Des militaires qui ratissent le quartier, pénètrent. Il trouve l' homme inerte. Des questions. Le silence pour réponse.
On entend la voisine psalmodier. Elle est devenue dingue. Sa famille a été exterminée, sa maison détruite. Elle chante. On l’entend.
La femme parle. Elle dit des choses qu’elle ne devrait pas dire. Des choses qu’elle n’a dites à personne. C’est la voix d’une femme dans une société patriarcale. La voix d’une femme où son silence est réclamé, exigé, imposé.
Vous dire que l’on sent ses boyaux se nouer au fil du déroulement de ce monologue est peu de chose. Vous dire que ce qui terrifie le lecteur que je suis le plus est la question sourde qui sans cesse se répète en moi : « Va-t-il se réveiller ? Entend-il la complainte de son épouse, lui le héros de guerre, abandonné par sa famille dont il faisait la fierté ? Si oui, que fera-t-il ? » .
Je dois dire que je sors émerveillé de cette lecture. Déboussolé aussi. J'avoue ne pas savoir par quel angle vous décrire ce roman qui est en fait une pièce de théâtre se déroulant dans le huis clos de la chambre du malade inerte.
Emerveillé tout d'abord par l'écriture poétique d'Atiq Rahimi qui réussit le tour de force avec des mots simples, une mise en scène sobre, à faire résonner de manière singulière la voix de cette femme afghane inconnue. Emerveillé par l'intensité du cri, de la rage d'une humanité dans ces quatre murs où de l'intérieur on entend le crépitement des armes dans une ville qui pourrait être Kaboul.
Déboussolé et estomaqué par la référence choisie pour mettre en scène le propos de cette femme. La pierre de patience renvoie à un rituel de confession des pélérins à la Mecque. Il faut lire le roman pour comprendre l'association d'idées et découvrir le final de cette affaire.
Déboussolé par cette prise de parole réussie d'Atiq Rahimi dans un texte assez court pour parler de la condition de la femme dans son pays, avec une densité dont je souhaiterais que les visiteurs de ce blog qui auront eu le plaisir de lire ce livre puisse laisser une trace en commentant ce billet.
Merci Martine !Bonne lecture, en attendant la pièce de théâtre...
Atiq Rahimi, Syngué sabourEditions POL, Collection FolioPrix Goncourt 2008
Crédit Photo : PEN American Center/Beowulf Sheehan.
Pour d'autres avis, voir les chroniques de Littexpress, Le blog des livres, le Biblioblog, Lectures et autres


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Gangoueus 8178 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazines