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L’écologie, déjà « has been » ?

Publié le 02 février 2011 par Delits

L’écologie, déjà « has been » ?Aujourd’hui, lorsque l’on parle du troisième homme (ou femme) pour l’élection présidentielle de 2012, c’est Marine Le Pen que l’on évoque et non les représentants possibles d’Europe Ecologie-Les Verts, Eva Joly, Yves Cochet ou encore Nicolas Hulot. Pourtant, il y a encore peu de temps, c’est bien la formation écologiste qui faisait figure de  3ème force. Que s’est-il passé depuis le succès des élections européennes qui puisse expliquer cette perte d‘influence ? Les écologistes – et l’écologie – peuvent-ils encore jouer un rôle important lors des prochaines échéances électorales ?

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Des préoccupations écologiques en berne face aux considérations économiques

Le baromètre des préoccupations des Français de TNS Sofres met en lumière depuis les dernières élections européennes de juin 2009, important succès pour Europe Ecologie, et plus encore depuis les élections régionales de mars 2010, une lente décrue des préoccupations environnementales. En effet, à la rentrée 2009, ces dernières faisaient presque jeu égal avec « l’évolution du pouvoir d’achat » et « le financement des retraites », près d’un Français sur deux citant « l’environnement et la pollution » comme une de ses principales préoccupations. Aujourd’hui, elles sont loin derrière avec seulement un tiers des Français faisant état d’une inquiétude à ce sujet alors que les deux autres items se maintiennent à 49% de citations. De plus, ce chiffre de 33% apparaît même inférieur aux taux relevés au moment de l’élection présidentielle de 2007.

La persistance de la crise économique – et de ses conséquences sur les citoyens – semble remettre en cause, si ce n’est l’importance accordée à l’environnement, du moins l’urgence attribuée à l’action politique dans ce domaine, et ce chez toutes les catégories de population, y compris celles qui comptaient parmi les principaux soutiens des Verts et d’Europe Ecologie lors de leurs succès électoraux.

Une récente enquête Harris Interactive démontre en effet que seuls 33% des Français estiment que l’environnement/l’écologie devrait être un dossier prioritaire pour le gouvernement en 2011, en dernière position, loin derrière l’emploi, le pouvoir d’achat, mais aussi la sécurité ou la prise en charge de la dépendance. Cette proportion monte à peine à 42% chez les 15-24 ans et 37% chez les catégories supérieures (contre 40% parmi les catégories populaires), seuls les sympathisants écologistes étant une majorité (65%) à en faire une priorité.

Reste à savoir si cette moindre préoccupation affichée dans les sondages à l’égard de l’environnement correspond à un véritable recul des thématiques et attitudes écologiques ou si ces chiffres sont davantage la conséquence d’autres phénomènes, sur lesquels il serait possible d’agir.

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Une écologie politique mal en point

L’écologie, déjà « has been » ?
En effet, plusieurs explications peuvent être avancées pour expliquer ces observations :

La première, la plus simple et la plus puissante, évoquée ci-dessus, réside dans la place prise par les préoccupations économiques et sociales en 2010, résultat d’une crise dont les Français n’imaginent pas la fin et d’un agenda politique marqué par les dossiers épineux comme la réforme des retraites. Cependant, lors des élections européennes de juin 2009, la crise économique était déjà bien présente en France, et cela n’avait pas empêché l’environnement d’être un thème de campagne et les listes d’Europe Ecologie de réaliser de bons scores.

La seconde explication pourrait être la progression des idées climato-sceptiques. Toutefois, les études réalisées à ce sujet montrent que les Français partagent toujours largement les constats à l’origine de la prise de conscience écologique des dernières années et que les thèses défendues notamment un temps par Claude Allègre ne trouvent pas véritablement de terreau où prospérer. Selon l’Ifop, seuls 28% des Français se déclarent sensibles aux arguments des climato-sceptiques alors qu’au contraire 74% pensent que l’augmentation de la température observée depuis un siècle est due avant tout aux effets de l’activité humaine. Depuis, l’année 2010, ponctuée de catastrophes écologiques majeures, a été déclarée année la plus chaude jamais recensée sur la planète à égalité avec 2005, depuis les premiers relevés effectués en 1880.

Une troisième piste d’explications est à chercher du côté de la capacité des politiques à porter les thématiques environnementales. Or, force est de constater que  la fin de l’année 2009 et l’année 2010 ont porté quelques coups à l’écologie politique :

- Au niveau international, le Sommet de Copenhague, qui s’est tenu en décembre 2009, s’est illustré par des négociations confuses et par un accord a minima. Ce bilan, unanimement dénoncé comme décevant, a mis en lumière les difficultés de la politique internationale à prendre et imposer de véritables décisions sur ce sujet pourtant nécessairement transnational. Seuls 33% des Français pensaient d’ailleurs à l’issue de ce sommet qu’il allait contribuer à préserver l’environnement.

- En France, après l’abandon de la taxe carbone en mars 2010, le remaniement de l’automne dernier a vu la disparition du poste de Secrétaire d’Etat à l’Ecologie, le transfert de l’Energie à Bercy, ainsi que le départ de Jean-Louis Borloo, figure de proue de l’écologie au sein du gouvernement. Ces faits ont été perçus comme autant de signes d’une rétrogradation de l’environnement au sein de l’agenda gouvernemental. Aujourd’hui, ce sont certaines mesures de la loi Grenelle 2, promulguée en juillet 2010, qui pourraient être modifiées et devenir moins contraignantes. Au vu de l’ensemble de ces éléments, on peut comprendre que seuls 31% des Français se montrent aujourd’hui optimistes et croient possibles des avancées dans le domaine de l’écologie courant 2011. C’est bien la crédibilité de l’écologie politique qui est en question, plus que la nécessité d’agir.

- Enfin, la principale force d’opposition incarnant l’écologie politique n’est pas en reste. Alors qu’elle faisait presque jeu égal avec le Parti Socialiste lors des dernières élections européennes et qu’elle apparaissait à cette date comme porteuse d’une alternative crédible, elle peine aujourd’hui à faire perdurer cette dynamique et à faire émerger un candidat rassembleur. En effet, encore en mars 2010, peu avant les élections régionales, les propositions d’Europe Ecologie suscitaient l’adhésion des Français, 82% acquiesçant par exemple au conditionnement du versement des aides publiques régionales au respect par les entreprises de critères sociaux et environnementaux élevés. En outre, 37% déclaraient faire le plus confiance à Europe Ecologie pour proposer des solutions innovantes pour leur région en matière économique, sociale et environnementale, devant le Parti Socialiste (29%) et l’UMP (26%).

Aujourd’hui, les Français ne sont que 35% à faire confiance à Europe Ecologie pour mener une politique répondant à leurs attentes si la formation était amenée à exercer des responsabilités politiques au niveau national. Certes, cela place la formation écologiste juste derrière le Parti Socialiste à 36% mais c’est l’ensemble de la Gauche qui souffre d’un déficit de crédibilité.

Les intentions de vote pour l’élection présidentielle de 2012 ne permettent guère aujourd’hui de penser que la formation écologiste pourra de nouveau jouer les premiers rôles. Selon un dernier sondage CSA, Eva Joly ne recueillerait en effet que 6 à 8% des intentions de vote pour Europe Ecologie au premier tour de l’élection présidentielle de 2012 (en fonction du candidat socialiste testé). Certes, c’est bien mieux que le score effectivement recueilli par Dominique Voynet en 2007 mais c’est un chiffre nettement en baisse par rapport aux 12% encore recensés en avril dernier (avec Martine Aubry en candidate du PS) selon une intention de vote BVA.  Les Verts, depuis leur origine et leur première candidature à l’élection présidentielle en la personne de René Dumont en 1974, rencontrent des difficultés à remplir une des conditions nécessaires au succès à l’élection reine, à savoir faire émerger une personnalité forte capable de susciter l’enthousiasme des Français.

Mais des raisons d’y croire encore

Malgré ce tableau assez sombre, plusieurs éléments permettent néanmoins de penser que l’écologie pourrait revenir sur le devant de la scène :

Premièrement, les Français n’ont pas relégué l’environnement aux oubliettes et se montrent toujours soucieux des thématiques écologiques dans leur vie quotidienne.  En octobre dernier, 80% des Français déclaraient trier plus systématiquement leurs déchets, 66% choisir des produits de consommation courante moins polluants comme des ampoules basse consommation, 59% procéder à des modifications de leur habitat pour faire des économies d’énergie comme isoler les fenêtres, et 35% réduire l’impact environnemental de leurs déplacements, toutes ces proportions étant en hausse par rapport à 2009.

Ces chiffres traduisent une intégration grandissante par les citoyens des nécessités d’actions pour sauvegarder la planète et un socle toujours important sur lequel s’appuyer pour l’écologie politique. Ce socle est d’autant plus solide qu’il peut entrer en résonnance avec les préoccupations économiques des Français lorsque sont couplés les effets bénéfiques pour l’environnement et les effets bénéfiques pour l’économie / le porte-monnaie. Rappelons qu’au moment des élections régionales, 73% des Français pensaient que la prise en compte de l’écologie par tous les secteurs de l’économie (logement, transport, automobile, énergie…) constituait la solution la plus efficace pour créer de nombreux emplois en France.

Par ailleurs, les candidats écologistes disposent plutôt d’une bonne image. 67% des Français déclarent ainsi avoir une bonne opinion d’Eva Joly, 84% la jugeant honnête, 84% compétente, 79% efficace dans les causes qu’elle défend ou encore 69% sympathique. Elle apparait également comme la candidate potentielle la plus sincère pour l’élection présidentielle de 2012 (à hauteur de 65% contre 52% pour Dominique Strauss-Kahn, 39% pour Jean-Luc Mélenchon ou encore 30% pour Nicolas Sarkozy). En outre, 54% des Français la désignent comme la candidate écologiste la plus capable de lutter contre la crise économique et financière.

Quant à Nicolas Hulot, qui laisse pour le moment toujours planer le doute sur sa volonté d’être candidat à la fonction présidentielle, il occupe la tête du classement des personnalités politiques préférées des Français avec 78% de bonnes opinions, même si, selon l’Ifop, cette bonne image ne lui permet pas pour le moment de réaliser de meilleurs scores dans les intentions de vote qu’Eva Joly.

Quels que soient le ou les futurs candidats représentants de l’écologie politique, la capacité à faire revenir cette thématique sur le devant de la scène n’est pas seulement une affaire de personne mais bien une affaire politique dans tous les sens du terme :

-   Il s’agit d’abord de redonner confiance aux citoyens dans la capacité de l’écologie politique à changer le cours des choses et donc de pratiquer un véritable art politique (Politikè) afin de parvenir à regagner de l’influence dans toutes les négociations que ce soit au niveau national (par exemple dans le cadre du Grenelle 2) ou au niveau international (par exemple lors des prochains sommets du G8 et du G20) ;

-   Mais il s’agit également de faire apparaître la capacité de l’écologie politique à embrasser toutes les dimensions de la vie d’une société organisée et développée (Politeia) et de parvenir à imposer une vision multidimensionnelle du développement durable comme réponse à une gestion stable de l’économie et à un respect profond de l’humain. Les écologistes, s’ils veulent pleinement exister  pour 2012, doivent se saisir aujourd’hui de tous les débats leur permettant d’accéder au rang de parti généraliste et montrer que l’écologie n’est pas une fin en soi mais un prisme à travers lequel lire le fonctionnement entier d’une société : effets de la mondialisation, volatilité du prix des matières premières ou encore conséquences de l’aménagement urbain sur l’équilibre personnel et le vivre-ensemble (notamment en termes de sécurité), autant de sujets sur lesquels une prise de parole « différenciante » est possible et attendue.


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