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Octave MIRBEAU "l'Homme aux potins rouges"

Par Bruno Leclercq

Un nouveau portrait par Louis Stiti, paru dans La Plume N° 312 du 15 avril 1902, c’est Octave Mirbeau et ses contradictions qui entre les pattes du petit singe, se trouvent assez méchamment « mis à nu ». Le ouistiti a la dent dure, mais derrière la rosserie du pamphlétaire, se dégage une image assez juste de «l’homme aux potins rouges».
GRIMES
Octave Mirbeau

Talent méconnu et homme fort. Il a fait de tout : politique, corps d’Etat, coup de bourse, fonctionnarisme, théâtre, romans, dernier et premier Paris…
En général, c’est le Jean Lorrain de la gauche, l’homme aux potins rouges.
Ayant fréquenté chez les gens bleus, il a surpris leurs sottises et leurs malpropretés. Il les dénonce à plaisir, avec joie et âpreté. Il connaît les folies du prêtre, les vésanies de l’épicier. L’homme de Daumier et de Forain n’a pas de secrets pour lui.
Mirbeau a l’intuition des mesquines dépravations du comptoir ; il comprend « les grosses mains rougeaudes » que n’affine que la cochonnerie. Ces êtres font pâmer son talent. Parler d’eux, les ridiculiser, les remuer, les définir, voilà sa littérature.
Mais en parlant d’eux, il songe aussi à lui-même, à l’homme armé de grosses mâchoires et dont les yeux ont des éclats déments.
Ne lui demander pas une opinion, la probité intellectuelle, la pensée généreuse.
Il est aujourd’hui contre le lys et le chapeau gris, comme autrefois il était contre le bonnet phrygien.
Un jour, il vilipende Vielé-Griffin et présente Franc-Nohain comme prince des poètes.
Il mange du Leygues à la sauce Roujon et pour sauver Grave réclame la tête d’Emile Henry.
Il a défendu Dreyfus pour les mêmes raisons qu’il a canonisé Maeterlinck…
Tel est le cas Mirbeau ! Oui… Casus Mirbonis existe !
« Casus Mirbonis » c’est… en théorie et en apparence, le sympathique champion des génies méconnus, des talents qui ont besoin d’être soutenus contre l’imbécillité du vulgaire, c’est aussi le défenseur des causes justes et décriées.
Mirbeau est souvent su côté des mots qu’on écrit avec des majuscules.
Rodin et Lajeunesse ont été défendu par lui. Il a créé ce jeune homme fort en gueule que les Napolitan et american bars connaissent… Il a toujours aimé mes frères les ouistitis… qui ressemblent aux hommes, il a toujours aimé ses jeunes miniatures, les Mirbeau sans parure, de braves cœurs à l’appétit simple, à la mâchoire large et au front lourd.
Au fond, Mirbeau manque de ferveur pour les grandes pensées, les subtils génies, les idées mal cotées.
Il est le sombre symbole du paysan échoué dans la grande ville et affolé par la vie nerveuse.
Il lance les grands génies, pour embêter les siens et pour avoir un bagage moral qui excuse devant sa chair robuste sa raison cahotée.
Il se sent si fort et si subtil en commentant à l’épicerie et à la limonade les mystères du monument de Balzac et de la Princesse Maleine.
Il est si heureux en parlant des bombes de donner « la trouille aux haricots bourgeois ».
Ce jouisseur échoué aux démocrates et aux libres-penseurs, au fond a le mépris des lois de la vie, des foules, des individualités. Il adore le rictus et aime voir les faces convulsionnées de ceux qui n’ayant pas été faits pour les hautes beautés, sont effarés devant elles.
En a-t-il vu de ces rictus grâce aux grandes idées et aux grands hommes qu’il avait l’air de défendre !
Ce jouisseur à la cérébration intense et la vésanie généreuse.
Son Calvaire est tragique jusqu’au hoquet, son Jardin des Supplices est la folle tourmente d’un homme bâti en débardeur et qui est obligé de subir la finesse.
Qu’il est simple, son drame intime ! Mirbeau digne de lutter pour le championnat du monde et devenu polémiste et écrivain, son cerveau que des os trop gros défendent contre la vie, subit le choc sourd… Sa pensée est née de chatouillement, elle est éclose parmi les rumeurs de la matière que l’âme agace et gêne.
Aussi expie-t-il ce malheur par de folles souffrances, par de folles générosités, par des attitudes de héros et par des phrases pleines de feu et de boue.
Mirbeau, c’est le penseur par sensualité détourné de son but. Comme tous ceux qui ont mis leur cervelet dans le cerveau il vit dans l’insuffisance et dans l’épouvante.
… Mirbeau maudit. Mirbeau est obligé de maudire. Et comme la plupart des Satans il est le jouisseur inassouvi que Dieu a affolé, le bon dieu de sainte Thérèse, de saint François d’Assise et de tous ces paysans que Saint-Sulpice abrite en leur offrant la parole douce du sacerdoce dans la solitude remplie de hantise et d’effroi.
Les flammes bleues de cet enfer parfois prédisposent à la tendresse, à la bonté et à la finesse.
Mirbeau, à grosse mâchoire, à instinct primitif, souvent sanglote et prête aux solitaires son appui.
Mais souvent aussi, la matière, celle qui est le noyau de son âme, la charpente de son être réapparaît dominatrice. Et alors Mirbeau devient lui-même : L’être déclassé dans ses jouissances et dans ses appétits.
Louis Stiti Ainé.


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