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Des fleurs pour Zoë

Publié le 04 février 2011 par Auroretaupin

Des fleurs pour Zoë

Quand le bandeau rouge vous annonce " une tornade de 22 ans ", vous, lecteur, êtes toujours légèrement sur vos gardes. " Tornade ", ce n'est pas une appellation très claire qualitativement pour une jeune romancière, et on hésite à y voir le signe d'une écriture fouillis ou celui d'un chamboulement dans la météo tranquille de la littérature française ...

Antonia Kerr, du haut de ses 22 ans, nous emmène aux Etats-Unis suivre les premiers jours de retraite bien méritée de Richard Harris, ex-trader reconverti en vétérinaire malgré lui au fil de ses aventures avec la belle Zoë.

En partant pour une de ces gates-communities dont l'Amérique raffole pour ses petits vieux, Richard fait connaissance avec John-John, rasta amateur de country, et bientôt de Zoë, la nièce de celui-ci. La véritable tornade du roman, c'est elle, 22 ans également ; ce qui nous fait dite que le bandeau touche juste avec son accroche même si le sens en est sûrement volontairement trompeur, même il y a sans doute beaucoup d'Antonia Kerr dans cette jeune fille bahamienne, fantasque et sage, faussement pieuse et vraiment pas farouche.

Ensemble, Richard et Zoë partent sillonner l'Amérique, direction le Canada, voyage initiatique pour elle, voyage introspectif pour lui.

On y suit le cours des pensées de Richard, qui jonglent entre son ex-femme Evelyn, sa fille, son psy fumeur de marijuana resté à New York et ses anciennes amantes, au fil des stops dans les bleds les plus reculés comme les villes les plus emblématiques de l'Amérique. Après avoir recueilli un chat, sauvé un chevreuil et adopté un castor rebaptisté fort à propos Fidel Castor, Richard et Zoë vont surtout faire l'expérience d'un bout de vie ensemble sur les routes américaines. Vivant au rythme de l'appétit carnivore et sexuel de la jeune fille, Richard se laisse peu à peu envoûter par l'insaisissable Zoë, envoutement d'autant plus bénéfique qu'il lui fera oublié que sa femme l'a quitté à l'aube de la retraite, que sa fille est enceinte d'un bon-à-rien, et qu'il n'a plus la vigueur physique nécessaire pour répondre à la libido volcanique de la jeune Bahamienne.

Lucide et très observatrice, la romancière retranscrit avec finesse les relations compliquées d'aujourd'hui. On a toujours le sourire en coin en lisant ce roman, que ce soit quand Kerr y mentionne le mépris de Richard pour son gendre " Artiste, c'était sa réponse à tout. C'était un artiste, alors il ne pouvait pas faire la vaisselle. C'était un artiste, alors il ne pouvait pas payer le loyer. C'était un artiste, alors il ne pouvait pas s'habiller normalement. Rien n'était dans ses cordes sauf la médiocrité. ", ou quand notre héros sans panache accepte de se faire percer le nez façon vache-qui-rit par solidarité pour sa belle.

Antonia Kerr a une indulgence toute bienveillante pour ses personnages, qu'elle n'a délibérément pas fait sans failles : elle laisse place à leurs doutes, leurs égoïsmes, sans y apporter les antidotes de repenti et autres contrepoisons artificiels qu'un romancier plus naïf aurait offert aux lecteurs.

Enfin, Antonia Kerr emploie un langage bien de son époque tout en restant étonnamment poétique. " Il y avait dans notre couple un charme de dessin animé, très La Belle et le Clochard " ou encore " La perspective de cet anniversaire me déprimait encore plus que la vision des mouettes mazoutées sur Discovery Channel ". Sens de la métaphore à la sauce moderne ou maladresse de la tornade, Antonia Kerr a en tout cas un style bien à elle, qui convainc aisément


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