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Le raïs égyptien, de plus en plus isolé diplomatiquement

Publié le 08 février 2011 par Alex75

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En Egypte, après deux semaines de contestation - ayant fait de 120 à 130 morts -, le président Hosni Moubarak s’accroche toujours à son fauteuil. Et l’opposition de la rue ne faiblit pas, les manifestants reconduisant le mouvement jour après jour, après la « journée du départ », vendredi dernier, ayant mobilisé près d’un million de manifestants, au Caire. Mais le bureau exécutif du parti de Moubarak, a annoncé sa démission samedi dernier. Ce qui a été présenté comme une étape « positive » par Washington. Diplomatiquement parlant, le raïs semble ainsi plus isolé, suite déjà à l’appel du Département d’Etat américain adressé à tous ses ressortissants, les invitant à quitter le pays dans les plus brefs délais. Les Etats-Unis appellent maintenant à une transition politique progressive, jugée nécessaire, à l’image de l’Union européenne. Le changement de ton étant notable sur le plan diplomatique, comparé aux évènements tunisiens, durant lesquels l’Union européenne s’était montrée très discrète.

Il faut dire que l’Egypte est un pays arabe très peuplé, dans une région géostratégique très importante. Mais sur le plan diplomatique, certaines voix s’élèvent pour comparer ce positionnement de l’administration américaine, à celle de Jimmy Carter, lors de la révolution iranienne, vis-à-vis du régime du Shah. Alors comme aujourd’hui, le président américain avait semblé vouloir ménager la chèvre et le chou, accompagnant le mouvement populaire, sans toutefois brutalement lâcher le régime iranien, diplomatiquement parlant. Il est vrai, les islamistes n’étaient pas dominateurs dans les premières manifestations, lancées par la bourgeoisie commerçante de Téhéran et le Parti communiste. On pourrait rétorquer que l’Egypte de Moubarak en 2011, n’est pas l’Iran du Shah en 1979. Mais pourtant, les conditions économiques et sociales sont assez comparables. Le Shah avait payé une occidentalisation trop rapide, une ouverture brutale de son économie, au prix d’un accroissement féroce des inégalités sociales. L’Egypte - comme la Tunisie -, depuis dix ans, est devenu un des grands succès de la mondialisation à l’anglo-saxonne. L’Egypte affiche ainsi 4 à 5 % de croissance de son PIB, par an, depuis sept ou huit ans. Mais comme la Tunisie, elle paye aussi le prix de la mondialisation néo - libérale,  à savoir une caste de prédateurs qui s’enrichit, une corruption massive, une classe moyenne qui se prolétarise, une urbanisation anarchique. Des diplômés qui se retrouvent marchands de fruits et légumes, comme en Tunisie, mais qui sont branchés sur internet ou facebook ! 

C’est aussi un pays qui compte une importante minorité chrétienne - 10 à 15 % de la population, appartenant majoritairement à l’Eglise copte -, et visée par de récurrentes attaques, en particulier en Haute-Egypte, où cette communauté est la plus forte. Une situation particulière aussi, car l’Egypte n’a pas achevé sa transition démographique. C’est un pays de quatre-vingt millions d’habitants, qui en compte un million de plus tous les dix mois, avec quinze à dix-huit millions d’habitants au Caire, sept millions d’Egyptiens dans des bidonvilles. Et dans l’ensemble du pays, trente millions d’Egyptiens très pauvres, dont beaucoup illettrés qui suivent aveuglément leur imam et les frères musulmans. L’Egypte souffre également d’un manque d’accès à l’eau potable, ce pays étant principalement un désert avec une seule vallée fertile - la vallée du Nil -, dans une densité démographique effrayante. Ce pays est aussi historiquement, le berceau du fondamentalisme. L’association des frères musulmans a été fondée au Caire, en 1928. Son fondateur Hassan el-Banna a été assassiné par les barbouzes du Roi Farouk, en 1949, et la confrérie dissoute par Nasser en 1954. Elle a réapparu sur la scène politique, dans les années 70. Par ailleurs, comme dans de nombreux pays de la région, un basculement vers un Islam rigoriste est constatable. Ces-derniers avaient fait un score important aux législatives de 2007, contraignant Moubarak à les reconnaître en tant que parti d’opposition. Quinze jours perdus ont aussi aggravé les antipathies et les refus de dialogue. Concernant les frères musulmans, ils n’avaient pas suivi les évènements du début. Puis ils ont voulu sortir de leur passivité et récupérer leur positionnement dans leurs places fortes, Alexandrie et Suez. Et dans cette mobilisation compréhensible et légitime, il est constaté par les observateurs que les classes populaires et les islamistes se substituent progressivement aux classes moyennes et aux étudiants, qui en étaient pourtant les instigateurs. Certes, les frères musulmans se sont attaqués au tourisme en Egypte - qui fait vivre deux à trois millions d’Egyptiens -, dans les années 1990, et ils ne bénéficient pas non plus, du soutien de l’ensemble de la population, ce qui vient apporter un bémol.

Certes, l’Egypte tient debout et n’a pas sombré dans l’anarchie, le raïs étant sinon soutenu par l’armée - 450 000 hommes. Hosni Moubarak incarne le régime, mais aussi l’armée. Il a déjà été obligé de faire appel à un vice-président, mais qui est lui aussi un militaire, tout comme le premier ministre. Il y a eu des partis politiques égyptiens, qui sont aujourd’hui dissous. Mais certains hommes sont parfois encore là. L’Egypte compte sinon des élites cultivées. C’est d’ailleurs un pays-phare culturellement parlant, dans le monde arabe, aussi bien du point de vue universitaire, que du cinéma ou de la littérature. Mais un  pays aux problématiques excruciantes, les Américains devant, en tout cas, faire preuve de prudence dans leur positionnement diplomatique. L’Egypte est également un pays francophone et la France a certainement un rôle diplomatique à jouer. Et il serait certainement souhaitable, que le raïs - âgé de 82 ans et par ailleurs malade -, soit maintenu jusqu’aux prochaines élections présidentielles, dans une transition politique habilement menée.   J. D.


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