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Pas facile de transcrire le "mystère brahmsien"

Publié le 10 février 2011 par Philippe Delaide

Les brumes automnales de l'Allemagne du Nord que l'on peut s'imaginer en écoutant Brahms, de même que cette impétuosité post-romantique propre au compositeur hambourgeois, peu de musiciens peuvent se targuer de les restituer. Il y avait le fameux Quartetto Italiano avec un Maurizio Pollini au toucher incisif, presque saignant sur le Quintette en fa mineur opus 32. Les Italiano, avec leur lyrisme à couper le souffle.

Depuis, près de trente ans ont passé et les Modigliani, en compagnie de Jean-Frédéric Neuburger, abordent ce monument intimidant de la musique de chambre.

Brahms Modigliani Neuburger
Que dire ? Tout d'abord cette sorte du mariage de la carpe et du lapin que constitue l'association Modigliani / Neuburger. Les Modigliani avec leur belle plasticité, leur vibrato, leur sensibilité, une rhétorique dans la tradition des plus grands (Amadeus, Julliard...) et un JF Nueburger décidemment cérébral à souhait, déroulant ses notes timbrées comme un superbe mécanique bien huilée. Un piano qui sonne, bien "percursif", ne suffit visiblement pas. On pourrait penser que sa fermeté incarnerait la colonne vertébrale de cette oeuvre, évitant ainsi de nous noyer dans les sonorités embrumées des cordes. A l'écoute, ce quintette est indéniablement d'une tenue technique impecable. Tout est propre, net, sans bavures. Le problème est que l'on s'ennuie un peu trop rapidement. Encore cette manie de passer à côté du propos même de l'oeuvre avec une absence désarmante de narration. On se concentre alors sur la propreté et la portée du son, l'articulation générale. Et la lecture, la prise de risque en tentant de nous raconter autre chose ? Rien.

L'Allegro non troppo qui ouvre le quintette nous fait espérer au début une version d'une belle densité mais on est vite fixé sur le propos qui se veut d'une sagesse irréprochable. L'Andante, un poco adagio est tellement lisse qu'on n'y trouve absolument aucune aspérité à laquelle on pourrait se rattacher. Tout cela est tellement confiné et respire si peu. Où sont donc passées la fébrilité et la tonitruance du Scherzo ? Pour sauver un peu la mise, les phrases inouïes du Finale, avec leurs audaces harmoniques semblent plus habitées. Même si le tempo trop rapide du début retire la part de mystère de ce sublime mouvement. Tout cela nous restitue un Brahms un peu raide. Les protagonistes semblent tellement avoir voulu éviter les pièges des sonorités sirupeuses de leurs aînés qu'ils se sont enfermés dans une sorte de fermeté un peu illusoire et particulièrment étouffante.

Quant aux deux lieders pour mezzo-soprano, alto et piano, le vibrato d'Andrea Hill, comme de l'alto Laurent Marfaing sont tels que l'on n'arrive vraiment pas à s'imprégner du climat ténébreux de ces chants.

Pour couronner le tout, ajoutez la mention ridicule du label Mirare selon laquelle il s'agit du "Disque officiel des Folles Journées de Nantes 2011" et vous avez là l'un de ces produits "cleans" mais indiscutablement fades que le marché de la musique est capable de nous servir.

Décevant, alors que les Modigliani sont capables de faire des merveilles comme leur dernier disque Mendelsshon (cf. note du 22 septembre 2010). Qu'ils arrêtent donc avec JF Neuberger. Je trouve qu'ils font fausse route.

Brahms - Quatuor Modigliani - Jean-Frédéric Neubrger (piano) - Andrea hill (mezzo-soprano) - label Mirare.


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