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La retraite ne doit pas freiner les flèches de Cupidon

Publié le 13 février 2011 par Richardlefrancois

Richard Lefrançois

La Tribune, samedi le 12 février 2011

Les légendes sur la Saint Valentin titillent toujours la curiosité, à commencer par les récits sur ses origines, sur ses coutumes et ses icônes emblématiques tels la rose pourpre, les pendentifs en cœur ou le Cupidon ailé. Selon toute vraisemblance, cette fête tire sa source dans la Rome Antique qui commémorait l’amour, à l’approche du printemps, en l’honneur de Lupercus le dieu de la fécondité.

Les célébrations de l’amour ont pris leur envol, semble-t-il, au Moyen Âge lorsque Saint Valentin fut décrété patron des amoureux en 1496 sur la décision du pape Alexandre VI. À l’époque dominait l’amour courtois conformément au code chevaleresque. Les «valentines» étaient des messages d’amour adressés par de jeunes prétendants ou des lettres d’amitié que s'échangeaient les nobles.

Au fil des ans, les rituels du 14 février ont été travestis sous l’emprise de l’idéologie marchande. Désormais, les étalages des boutiques foisonnent d’idées cadeaux irrésistibles censées charmer sa dulcinée, tandis que la toile regorge de sites proposant horoscopes, tests de compatibilité et thermomètres d’amour. De leur côté, les restaurateurs s’affairent à élaborer d’alléchants menus pour les incontournables rendez-vous culinaires des tourtereaux.

Pour la plupart des couples actuels ou en devenir, la Saint Valentin demeure l’occasion par excellence de réaffirmer leur amour réciproque. Il est certes envoûtant de s’imprégner de son ambiance romantique et festive qui ensorcelle en répandant dans l’air ses parfums et saveurs aphrodisiaques de champagne, de rose ou de chocolat. Mais encore faut-il cultiver cet amour et faire briller à longueur d’année la flamme de la passion!

Peu accessible aux moins fortunés, ignorée par bien des célibataires québécois ─ qui représentent le tiers de la population ─ et décriée pour son caractère excessivement commercial, cette tradition pluriséculaire est loin de faire l’unanimité. Elle passe souvent inaperçue chez les couples fragiles confrontés à des difficultés conjugales, familiales ou financières. C’est pourtant dans l’adversité que cette exigence de bonheur et d’épanouissement a besoin d’être restaurée.

L’épaisse cuirasse des préjugés

Ayant basculé dans le jeunisme, nos sociétés modernes ont tendance à reléguer au rang de tabou la vie sentimentale et l’identité amoureuse des personnes aînées. Un préjugé tenace veut que dès la cinquantaine l’intérêt pour la sexualité périclite au rythme du déclin des capacités. Or une étude de l’Université de Chicago invalide totalement cette croyance : 75 % des participants âgés de 57 à 64 ans ont des relations intimes plus d’une fois par mois. À 70 ans, six femmes et sept hommes sur dix ont des rapports sexuels régulièrement.

Cela dit, est-il besoin de rappeler que l’amour ne tient pas uniquement à la sexualité? La tendresse, l’écoute et le soutien mutuel revêtent une importance primordiale chez les seniors. Loin d’être désabusés, les couples âgés seraient plus heureux en amour, compris au sens large, que la moyenne des gens. Selon le spécialiste Gilles Trudel, l’âge d’or constituerait même une période privilégiée pour entamer une seconde lune de miel!

Cependant, le fait de se côtoyer quotidiennement, une fois à la retraite, peut exacerber des problématiques non résolues que le travail ou les responsabilités familiales refoulaient. Cette particularité mise à part, l’expérience de vivre à deux ouvre des horizons propices à la promiscuité et à une intense complicité. Aguerris, conscients de pouvoir profiter de belles années et libérés des contraintes attachées au travail et aux charges parentales, la plupart des couples retraités prennent plaisir à concevoir des projets de loisir, de voyage ou d’engagement social. Le simple fait d’échafauder des plans communs agit comme un liant venant renforcer leur union.

La maladie d’amour

Les rencontres galantes dans la vieillesse sont devenues courantes, d’autant que la solitude est vécue plus péniblement que jamais. Plutôt que de se morfondre ou de se replier sur elles-mêmes, des personnes veuves, surtout des hommes, essaient parfois désespérément de dénicher l’âme sœur. Plus étonnant encore, 6 % des Québécois de plus de 70 ans se séparent pour un nouveau coup de cœur!

Néanmoins, la maladie d’amour renferme son versant sombre : vivre seul ou le cœur brisé augmente la probabilité de morbidité et de mortalité précoces. Succombant à l’ennui, à une carence affective ou à une peine d’amour, des individus décèdent à la suite d’une pathologie soudaine, voire se suicident. Les personnes veuves sont même 40 % plus à risque de s'éteindre dans les six mois qui suivent la disparition de l’être cher.

La vie maritale s’avère donc une stratégie idéale pour faire vieux os. Des dizaines de travaux scientifiques ont attesté ses effets bénéfiques. Profitant d’un bien-être physique, mental et émotionnel accru et d’un soutien mutuel, les couples âgés sont davantage à l’abri des maladies ou incapacités et des actes de violence. De surcroît, ils bénéficient d’un réseau social plus vaste et diversifié que ceux vivant en solo.

L’égoïsme n’a pas liquidé l’altruisme

Les ressorts de l’amour ne sont pas uniquement érotiques, conjugaux, filiaux ou amicaux. S’illustrent également ceux de la compassion et de la solidarité. En témoigne l’amour philanthropique, celui des bénévoles, donateurs et travailleurs humanitaires. Le philosophe Luc Ferry y voit les contours d’un humanisme et d’une spiritualité laïque en émergence.

Sans conteste, l’amour figure parmi ces sentiments qui ne connaissent pas de frontière. D’où l’importance de se préoccuper de l’affectivité des personnes aînées esseulées ou isolées. L’ouverture d’esprit, l’encouragement et le soutien des proches sont à cet égard des attitudes de première importance. Des initiatives comme le speed-dating senior, les sites de rencontre sur internet et les repas conviviaux en maison d’hébergement favorisent à leur manière la formation de nouvelles relations, en plus de combattre la solitude.

Bref, quelles que soient leurs situations, préférences ou capacités physiques au regard des liaisons amoureuses, les aînés méritent notre respect, notre appui et notre considération. Déboulonner les nombreux mythes entourant la vie sentimentale des aînés devient dès lors une nécessité pressante. Nous pouvons bien sûr tirer profit de connaissances enrichies sur la dynamique de l’amour et ses trajectoires au crépuscule de la vie, considérant que s’améliorent nos propres chances de vieillir plus tard et plus longtemps.

Après mûre réflexion, Cupidon recèle plus d’une flèche dans son carquois. Évitons donc de le contrarier en le laissant exercer librement son métier de tisserand de l’amour!


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