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La femme sera-t-elle vraiment l’avenir de l’homme… suite 3

Publié le 13 février 2011 par Reinach

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Il se penchait vers son coffre à cigares et en l’ouvrant une odeur magnifique venait à mes narines. Vous savez peut-être, cette odeur unique que vous avez peut-être croisée un jour, ce mélange de cuir, de bois, de feuilles qui s’entremêle pour donner ce parfum incomparable.

Puis choisissant avec soin un cigare en l’écoutant et en le humant avant de me le tendre en m’expliquant que celui ci devait être parfait, il me dit :

-Sais-tu Didier, qu’au Yucatan, fumer le cigare était réservé aux rois et aux prêtres !

Oui, lui dis-je, et ajoutant en souriant, il paraîtrait même que cela leur permettait d’entrer en contact avec les puissances invisibles. Alors à défaut d’être rois ou prêtres, laissons les vertus de ces cigares prolonger cette exquise soirée.

Et allant droit au but :
Je vous proposai donc de disserter sur une nouvelle éducation.
En fait je ne sais si elle est nouvelle ou si nous devons retrouver certaines vertus autrefois enseignées. Mais d’abord je voudrai bien faire la différence entre l’enseignement et l’éducation.

Je vois ce que tu veux dire me dit-il en s’installant confortablement dans son fauteuil de cuir tanné par les années. Ce fauteuil qui, s’il avait eu des oreilles et une mémoire avait du participé à bien des conversations avec des personnages économiques et politiques des plus importants qui venaient le rencontrer régulièrement.

Oui, repris-je, l’éducation est pour moi le rôle des parents et l’enseignement en partie le rôle des écoles. Or ne constatez-vous pas que depuis des années les parents n’assument plus leur rôle d’éducateur, on dirait qu’ils ont démissionné en remettant tout à l’école. L’éducation, l’apprentissage des valeurs, du respect, l’apprentissage du raisonnement, du dialogue, du discours, de l’échange ne fait plus, semble-t-il, partie intégrante de la famille.

Entre les parents qui se contentent de répondre aux besoins matériels des enfants, ceux qui laissent faire en accordant la toute puissance à l’enfant, ceux qui utilisent leurs enfants pour se faire servir, ceux qui se dédouanent de leur absence à coup de cadeaux et d’argent, ceux qui ne sont même pas conscients qu’ils ont des enfants et que ces enfants sont l’avenir de notre humanité, les exemples ne manquent pas.

Quant à l’enseignement j’ai l’impression qu’il se paupérise d’année en année. Les bulletins de notes et les mentions des professeurs avec des fautes d’orthographes. Le niveau de culture générale qui est réduit à sa plus simple expression, l’apprentissage de textes fondamentaux, les dissertations, les débats contradictoires qui façonnent la pensée…

J’ai comme l’impression qu’on fabrique des robots, des êtres qui répondent à un besoin techniques mais pas des hommes et des femmes capables d’autres choses que de consommer.

Je partage ton point de vue me dit-il alors, c’est vrai que le mot « éducation » qui est directement issu du latin educatio de même sens, lui-même dérivé de ex-ducere (ducere signifie conduire, guider, commander et ex, « hors de »), faire se développer un être vivant.

Alors que le verbe enseigner, c’est transmettre à la génération future un corpus de connaissances (savoir et savoir-faire) et de valeurs considérées comme faisant partie d’une culture commune.

Les gouvernements ont fait croire qu’ils allaient s’occuper de tout et garantir à nos enfants une éducation et un enseignement. Et effectivement c’est faux car cela n’est pas réaliste, ni possible. Chaque famille, chaque tribu possède ou devraient posséder ses croyances, ses valeurs, ses codes de fonctionnements. C’est cette diversité, ces différences qui font la richesse de l’humanité qui provoquent la créativité.

Pendant des centaines d’années les femmes avaient la responsabilité de l’éducation et de l’enseignement des enfants. Les garçons rejoignaient le clan des hommes à un âge défini par chaque communauté. Il recevait alors une éducation et un enseignement qui lui permettait de se construire. Les filles pouvaient elles aussi se construire et acquérir des connaissances dans le monde des femmes.

On le sait, les femmes ont beaucoup plus contribué à l’évolution de la société, au développement de la culture que les hommes. Et puis depuis 50 ans ont construit un monde dans lequel hommes et femmes devraient être à égalité.

Se redressant dans son fauteuil et de sa voix profonde il exprima, Là aussi c’est faux ! Les écarts de salaires, les comportements, les jeux de pouvoir… pour autant je crois qu’aujourd’hui le problème majeur de notre société est l’éducation, pas l’enseignement. Ce ne sont les accumulations de diplômes qui construisent des femmes et des hommes. J’ai même l’impression que ce serait le contraire.

Tu vois Didier, dit-il en me regardant les yeux perdus dans le vague en tirant sur son cigare, des personnes bien éduquées et autodidactes me semblent souvent plus entreprenantes et parfois plus créatives que des diplômés. Aujourd’hui tu cherches à apprendre une technique, un savoir, si il n’est pas en ligne, tu le trouves dans une école, un Cégep, une université. Mais l’éducation, ta façon de te comporter, ta façon de penser, ta relation avec les autres, les relations hommes et femmes, ta capacité à manager des équipes, à attirer les meilleurs talents, ton potentiel créatif, tes compétences à raisonner en stratégie et en effet systémique, tout cela c’est de l’éducation et non de l’enseignement. Les deux se complètent mais l’éducation est à la base de tout et est, de mon point de vue de la responsabilité des parents ou à défaut d’école dont l’éducation est intégrée comme une matière à part entière.

J’en sais quelque chose, lui dis-je, me mettant debout et tournant autour de mon fauteuil, mais tout est mélangé, on confond les mots. Je suis intimement convaincu que la majorité des parents confondent éducation et enseignement. Tout comme on confond vérité et réalité, la vérité est ce qui est vrai pour moi mais par forcément pour l’autre alors que la réalité est ce qui existe effectivement.

Se levant à son tour et prenant la pose du philosophe dont les idées se bousculent, oui Didier, nous sommes face à un déficit d’éducation prodigieux et non face à un déficit d’enseignement. Si j’étais plus jeune je créerai une école d’éducation. Une école où on apprendrait à penser, à débattre, à développer des valeurs. Une école avec une partie des cours où les enfants et les parents seraient présents ensembles. Les enfants, nos enfants ont besoin d’un cadre, ils ont besoin d’avoir en face d’eux des adultes, vrais, des modèles, des sources d’inspiration. C’est cela qui les nourrit, les fait grandir et leur apporte de la sécurité et de la fierté d’être eux.

Relever ce déficit d’éducation est crucial pour les années à venir, pour faire face aux changements qui vont s’annoncer.
Ce n’est plus seulement le rôle des femmes.
Femmes et hommes convaincus de cela doivent se retrouver autour de ce projet d’éducation es enfants. Eduquer les enfants ce n’est pas répondre à leur demande d’avoir mais les conduire à être.
Être des femmes et des hommes avec des valeurs, fiers de ce qu’ils sont, possédant une estime d’eux mêmes.

C’est un vrai investissement pour construire une société qui se tient debout. Je vais plus loin dans ce modèle. Les familles dont l’un des parents s’investit dans l’éducation des enfants, au détriment peut-être de sa carrière professionnelle, devraient avoir des avantages fiscaux, des déductions d’impôts.

Les écoles éducatives que je distinguerai dans écoles d’enseignement devraient être financées ou subventionnées plus largement que les autres et les parents devraient pouvoir déduire 100% des frais de cette véritable éducation.

Utopique mon cher Didier ?
Le fondement d’une société, d’un pays, ses richesses, son avenir, son rayonnement, son développement, passent par l’éducation au sens étymologique du mot et les utopies sont parfois à l’origine de grands changements.

Il s’exprimait en levant les bras tel un avocat débattant de la sentence. J’aurai pu l’entendre dire :

Nous allons droit dans le mur monsieur le Président ! Sans éducation nous devenons une société d’esclaves ou de mercenaires. Le peuple n’est pas coupable, les gouvernements lui ont fait croire qu’il prenait l’éducation en charge ! Il n’en est rien ! Vous le savez monsieur le Président ! Les gouvernements ne sont pas des modèles, les gouvernements ne sont pas inspiration ni motivation. Nous devons défendre nos valeurs, notre culture, notre éducation, non pas avec des festivals et des fêtes publiques plus ou moins culturelles, mais en revenant au fond, à l’essentiel. Nous devons donner à nos enfants une éducation qui fasse d’eux des femmes et des hommes libres, libérés de la consommation, libérés du paraître.

En pensant cela je me disais aussi qu’un tel modèle allait sans doute à l’encontre des objectifs mercantiles des multinationales qui préfèrent manipuler des esclaves ou des mercenaires.

Alors que j’étais adossé à son piano sur lequel il jouait ses sonates avec à chaque fois tant d’émotions et de recueillement, en l’écoutant déclamer sa passion, je me mis à marcher vers lui.

Je vous comprends ! Et bien des situations et des exemples me viennent en tête, de ces personnes riches matériellement et pauvres d’éducation et inversement de personnes peu aisées mais tellement riches de qualités et d’éducation.

J’aime bien votre idée d’écoles éducatives. Passer d’un soit disant programme pédagogique à un programme éducatif qui soit ancré dans la réalité avec du contenu concret qui va au delà du savoir. Mais, je me permets un mais si vous me le permettez, et reprenant ma pensée je dis :

Ne pensez vous pas qu’un tel modèle va à l’encontre des objectifs mercantiles des multinationales qui préfèrent manipuler des esclaves ou des mercenaires ?

Toujours debout comme un ténor du barreau, il continua,
Le monde est en marche Didier, regarde bien l’histoire, regarde bien les comportements, les mouvances, regarde les problèmes des entreprises pour embaucher, motiver, encadrer, impliquer, créer, évoluer. Regarde le déficit ahurissant de l’encadrement, si elles-mêmes ne prennent pas cela en compte, elles vont disparaître, laissant la place à un nouveau modèle de management qui sera développé par des concurrents beaucoup plus éthiques qui généreront de l’éducation, de la fierté sincère, qui posséderont des codes de conduites respectables, des valeurs non négociables. Certains appellent cela du marketing éthique, du marketing durable, moi j’appelle cela de la conscience éducative, du management éducatif. Développer cette conscience éducative pour enrichir ses employés et se clients.

Le regardant avec une certaine fierté, les mains ouvertes comme recueillant un trésor je lui répondis :
Vous avez sans doute une fois de plus raison. Je dois constater que lors de mes conférences et de mes formations sur le leadership que vous connaissez, lorsque je rencontre des entreprises qui pensent et qui se posent les bonnes questions, le problème de l’éducation est central. Elles s’orientent inexorablement vers des formations pour éduquer leur encadrement et de leur futur encadrement. Elles intègrent de plus en plus cette notion d’éducation. Apprendre à débattre, apprendre à écouter, apprendre à motiver, apprendre à impliquer, apprendre à respecter, apprendre à partager des valeurs et à le faire avec ses employés et avec les clients. Je pense qu’on peut déjà faire une liste de celles qui sont déjà en chemin pour franchir cette étape.

Et je te le prédis dit-il en me pointant du doigt, je te prédis… tu verras que si les femmes s’accaparent cette dimension et la mettent en place, si les femmes comprennent cette dimension, elles deviendront à la fois les nouvelles muses et les nouveaux leaders.

- Sans aucun doute, mais laissez quand même une chance aux hommes lui rétorquais-je en riant. Il existe quand même des hommes qui s’engagent dans cette voie.
- C’est sur Didier, mais, statistiquement, je pense qu’ils iront moins vite et moins au fond des choses que les femmes.
- C’est à voir, le provoquai-je alors ! j’en connais qui sont bien allumés sur le sujet !
- On en reparle bientôt dit-il en écrasant son cigare. Je crois qu’il est l’heure de se coucher et il commence à neiger. Divine soirée !

Avec cette prestance qui le caractérise, il me proposa un café de départ. Il était effectivement l’heure de se quitter même s’il est de ces instants ou le sommeil ne vient pas, ou nous sommes tellement stimuler que nous y passerions la nuit.

Nous sortîmes sur le perron de sa maison, regardant la neige qui floconnait doucement.

Merci de cette magnifique soirée lui dis-je. C’est toujours extraordinaire de pouvoir échanger et débattre avec vous.
A bientôt, je le souhaite sincèrement ajoutai-je !

Rentre bien, sois prudent. On se reparle à mon retour de voyage, je pars quelques semaines en Afrique aider une association dont le but est d’éduquer les jeunes.

Décidément cet homme est increvable me dis-je en me dirigeant vers ma voiture. Quel bonheur de discuter pendant des heures sur les valeurs, l’humanité et les valeurs humanistes et quel cadeau que d’avoir des amis comme lui ou d’autres dans mon entourage.

Didier Reinach
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