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Pourquoi ?

Publié le 14 février 2011 par Bababe

  Pourquoi ?

C’était en France, nous fûmes un instant en Egypte,  l’hiver est très beau et la jeunesse du monde, bien admirable.

Pourquoi ?

Dans cette boucherie orientale d’une petite banlieue parisienne, les échanges
joyeux et le retour à la musique d’Oum Kalthoum mis à fond, montraient bien que
la joie du peuple égyptien qui vient de gagner sa révolution se fêtait au-delà
des frontières. Pour le décor,  Il suffisait peut-être de regarder les reflets
rouges du soleil couchant sur la Seine à côté,  pour se croire au bord du Nil.
 

C’est là qu’une petite surprise se mêla à la grande joie de ce très bel hiver
des peuples de Tunisie, d’Egypte et bien sûr du Darfour, appelée aussi le
printemps arabe.


 Quand dans cette ambiance, je réclamais ma facture, une jeune femme à la beauté
harmonieuse et à l’élégance simple, (apparemment une sénégalaise), tendit un
billet pour payer à ma place mes achats.


Toute étonnée, je lui demandais spontanément le pourquoi. Elle répondit
simplement : « parce que vous êtes comme ma mère ».
Par trois fois, mon « pourquoi » obstiné revenait. Et par trois fois,   même 
gênée que je ne capte pas la signification de son geste, c’est d’une voix
affectueuse et respectueuse qu’elle me répondait en m’associant tendrement avec
sa mère.
C’est seulement quand elle s’adressa à moi en wolof que se révélait que j’avais
perdu le réflexe traditionnel que j’aurais dû avoir : la remercier, puis la
bénir. (Encore heureux, je ne lui ai pas brandi un orgueil mal placé en lui
répondant : « j’ai de quoi payer mes achats ».
Je réalisais alors la beauté de son geste, et des frissons parcoururent mon
corps.
J’étais émue et confuse à la fois. Avec une douceur et une affection sincères,
je balbutiais enfin les formules et les expressions adéquates faites de
remerciements et de vœux.

 La gentillesse et l’air franc que dégageait son visage, firent que je
l’excluais de ceux qui, sur les conseils de leurs féticheurs vous « offrent »
des bouteilles de lait ou des paquets de sucre  en guise de sacrifice pour
conjurer un sort.  Encore que c’est mille fois mieux de sacrifier du lait ou du
sucre que de s’adonner à cet autre « sacrifice » qui consiste, pour le même
objectif, à enterrer un chat vivant, un petit muet de Dieu innocent.  
 

 Je préférais occulter ces coutumes africaines parfois cruelles pour ne garder
du geste de la jeune femme que la manifestation d’une forme de respect et
d’affection voués aux aînés, vestige d’une noble tradition ancestrale.


Ces explications gênantes écartées, je me concentrais sur  de cette jeune
personne  qui m’avait tant surprise. Tout comme les deux bouchers compatriotes
avaient mis de côté leur petite querelle consistant à  traiter l’un d’arabe
envahisseur du pays qui fut berbère de l’autre, pour savourer ensemble la joie
du peuple égyptien que je partageais aussi.
 

 Dans ce quartier grouillant, bruissant de klaxons et dégageant des senteurs et
des odeurs d’un monde mêlé, un peuple était en symbiose avec un autre peuple à
des illiers de kilomètres.
 Mon regard attendri suivit la jeune femme se dirigeant vers une voiture dont le
conducteur au volant semblait lire un journal. Il descendit et aida à ranger les
courses avant d’ouvrir la portière pour inviter la jeune femme à s’installer.
Sur leurs deux visages se lisaient l’affection et la tendresse partagées.


 Dès que la voiture eut démarré, je renouvelais au fond de moi-même les vœux.
Cette-fois-ci pour les deux.


 C’était en France, nous fûmes un instant en Egypte,  l’hiver est très beau et
la jeunesse du monde,  bien admirable.


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