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Philanthropie et banque privée : un destin en commun à imaginer

Publié le 15 février 2011 par Sia Conseil

« Distribuer son argent avec efficacité est aussi difficile que le gagner »
Bill Gates, lors de l’inauguration de sa fondation « Bill and Melinda Gates »

Philanthropie et banque privée : un destin en commun à imaginer
L’univers de la banque privée se réveille de la crise financière avec un gigantesque défi à relever : reconquérir la confiance des clients. Parallèlement, les inégalités dans le monde et les besoins des plus démunis dans nos sociétés n’ont jamais été aussi visibles que ces deux dernières années.

Ces deux constats post-crise, sans rapport apparent, portent en eux les germes d’un des enjeux majeurs de la banque privée pour la prochaine décennie : le développement et la structuration des services philanthropiques.

Pourquoi la philanthropie est-elle plus d’actualité aujourd’hui qu’hier ? En quoi la philanthropie concerne les banques privées ? Pourquoi ces deux secteurs ont aujourd’hui des enjeux croisés ?

La philanthropie couvre l’ensemble des processus de dons du secteur privé (entreprises et particuliers) en argent, temps, informations, biens, services, suffrages et influences dépensés pour le bien-être de l’humanité et de la communauté (intérêt général).

A lire la presse économique, la philanthropie n’a jamais été autant mise sous le feu des projecteurs que depuis la crise, et cela pour trois raisons. La première est le transfert croissant du financement de l’intérêt général entre le secteur public et le secteur privé. Depuis une dizaine d’année, les différents Etats européens, face à l’ampleur de leur déficit, ont compris qu’ils n’avaient plus les moyens de financer seuls les besoins nationaux et internationaux dans les domaines sociaux et culturels. Ces Etats ont donc créé des mécanismes fiscaux avantageux incitant les particuliers et les entreprises à s’engager en philanthropie pour financer des sujets d’intérêt général.

La seconde raison de cet intérêt croissant pour la philanthropie est le changement de comportement des donateurs, entreprises comme particuliers. Pour les anciens donateurs, faire un don était bon en soi, alors que pour les nouveaux, le don doit être efficace. Le philanthrope moderne type a fait fortune rapidement, a un état d’esprit entrepreneurial et entend d’une part rendre à la société une partie de ce qu’il a gagné et d’autre part s’investir dans les projets qu’il soutient. Son archétype est Bill Gates, qui a créé la fondation « Bill and Melinda Gates » avant son quarantième anniversaire et dont la dotation est aujourd’hui de plus de 35 milliards de dollars. Il y a aujourd’hui une forte demande de la part des particuliers les plus fortunés de s’investir en philanthropie, aussi bien dans les pays anglo-saxons (ce qui est une tendance ancienne) que dans les pays européens (ce qui est plus nouveau).

L’augmentation croissante des besoins des plus démunis, au niveau local dans les pays développés et au niveau mondial dans certains pays restés en marge de la mondialisation, explique aussi le regain d’attention des médias pour la philanthropie.

La philanthropie est un secteur dont les besoins de financement sont croissants et dans lequel nombre d’acteurs sont prêts à s’engager, riches particuliers comme entreprises. Tout l’enjeu de ce secteur réside donc dans sa capacité à se structurer pour faire se rencontrer la demande (besoin d’aide pour financer l’intérêt général) et l’offre (envie de donner des philanthropes).

Ce besoin de structuration a été mis en lumière par une étude de Scorpio Partnership en 2007 révélant que 90% des philanthropes européens expriment le besoin d’être conseillés dans leurs investissements philanthropiques. Ils sont en demande de conseils avisés leur permettant d’effectuer des choix pertinents. L’étude révèle aussi que la majorité de ces philanthropes sont prêts à payer pour disposer de ces conseils. Un immense marché s’ouvre ainsi pour les banques privées.

Par leur connaissance qu’elles ont des produits financiers, et par le public qu’elles touchent, les banques privées peuvent participer à l’essor de la philanthropie en proposant :

  • des produits d’investissement socialement responsables (ISR)
  • des investissements dans des projets philanthropiques ou des fonds philanthropiques
  • des conseils aux clients désireux de créer une fondation

Quels seraient les raisons des banques privées de s’engager dans ce secteur en pleine structuration?

Le thème de la philanthropie touche aux convictions profondes du client. Il permet d’engager un dialogue personnel sur une dimension aussi bien émotionnelle que financière. Ce dialogue peut participer à l’élaboration d’une relation de confiance entre un client, qui ne se résume pas à un portefeuille d’actifs, et un banquier qui ne porte plus le costume de vendeur de produits à forte marge. Ce dialogue permet à la banque d’approfondir sa connaissance des clients, et de le fidéliser en lui proposant une relation de long terme sur des projets durables.

Autre axe de travail à creuser pour les banques privées : la mise en réseau des donateurs. Les philanthropes, en particulier débutants, expriment le besoin de rencontrer d’autres personnes s’étant lancées dans l’aventure pour les épauler et partager leurs expériences. Du point de vue de la banque, la mise en relation de ses clients philanthropes représente une opportunité d’élargir son réseau de prospects. En France, BNP Paribas Wealth Management a bien compris cet enjeu et a créé en mai 2008 le cercle des philanthropes suite à la première édition du « Prix BNP Paribas de la Philanthropie ».

Pour le client, une banque privée prenant en charge ses investissements philanthropiques lui permettrait de disposer d’un guichet unique pour la gestion de ses actifs, aussi bien financiers que philanthropiques. Plusieurs études ont dégagé les raisons qui poussent les personnes fortunées à s’adresser à leurs banques privées pour s’investir dans des sujets philanthropiques : 1/ bénéficier d’avantages fiscaux ; 2/ besoin de conseil pour défricher la jungle des organisations philanthropiques ; 3/ envie de mesurer et de piloter efficacement les dons. La structuration, au sein des services d’ingénierie patrimoniale, d’une offre philanthropique visant à optimiser la fiscalité du client et le guider dans les méandres juridiques de la philanthropie prend ici tout son sens.

Aujourd’hui, les banques privées montent en puissance sur le sujet de la philanthropie, sentant le potentiel de fidélisation et de différenciation indéniable qui se cache derrière. Mais elles ne parviendront à jouer ce rôle pleinement qu’une fois qu’elles seront jugées compétentes sur le sujet par leurs clients. Cela passe par la formation des conseillers de gestion privée à une approche du client dans sa dimension humaine et pas seulement financière, et par la réorganisation de l’offre de produits et de services philanthropiques prenant en compte l’aspect fiscal, juridique et émotionnel du don.

Sia Conseil


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