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C’est à cette heure ci que tu rentres ?

Publié le 16 février 2011 par Juval @valerieCG

Nous apprenions hier qu’une femme, habituée des joggings très matinaux, avait disparu lundi matin. La nouvelle fut reprise dans tous les journaux et mes internautes - nota je gère des communautés de différents journaux - ne manquèrent pas, comme à leur excellente habitude, de donner un avis toujours pertinent.

“Comment son mari a-t-il pu la laisser sortir à cette heure-là ?”

“Faut être vraiment inconsciente  pour sortir seule avec tous les tarés qui trainent”.

“S’il lui arrive quelque chose, elle ne l’aura pas volée, pauvre inconsciente”.

“Les muscles du cerveau aussi il faut les faire travailler ! Pour une femme jogging dans un endroit isolé c’est risquer grave.”

Que ce soit dans les ruelles des centres-villes ou sur une route isolée à 4h30 du matin, on évite de se balader seule quand on est une femme.

99% des quelques milliers de réactions lues tendaient toutes à dire que cette femme n’avait pas à être dehors à cette heure là et, s’il lui était arrivé quelque chose, elle l’avait tout de même un peu cherché.

Inutile de vous dire, que le reste du temps, mes internautes trouvent que les islamistes sont des gens épouvantables et passent leur temps à les conspuer, en particulier en matière de droits des femmes. L’internaute est toujours très féministe pour les femmes vivant à plus de 5000 km de chez lui, pas pour les siennes.

J’aimerais donc savoir , réellement, quelle est l’heure décente à laquelle une femme peut sortir de chez elle, dans quels lieux, et dans quelle tenue.

Nicolas Sarkozy soulèvera-t-il le problème de fautes lourdes de la part des femmes, qui ne font rien qu’à se promener à des heures indues, dans des tenues aguichantes. (ah non c’est Berlusconi pardon, je les confonds toujours).

Est-il possible d’admettre que la liberté de circuler est un droit fondamental et qu’il n’y a rien d’anormal à faire un jogging à 4, 10 ou 17 h ?

Dans les années 60, Camille Paglia se demandait pourquoi, à la fac, les garçons avaient le droit de rester toute la nuit dehors, alors que les filles ne doivent plus sortir après 22 heures. On lui a répondu que c’était une mesure de protection contre le viol. Alors, les étudiantes ont répondu : “Donnez-nous le droit de risquer d’être violées.” Ça m’a choquée d’abord, mais, ensuite, je me suis dit que le viol n’était pas quelque chose de personnel, mais un risque que toutes les femmes prennent, un prix à payer pour la liberté et l’autonomie
Despentes, King Kong Theorie.

Il ne s’agit évidemment pas de tomber dans le fatalisme ; Despentes dit simplement qu’il est hors de question qu’on continue à empêcher les femmes de circuler librement parce qu’il “pourrait leur arriver quelque chose”.

Les statistiques sont formelles :
1. une femme court davantage de risques dans un lieu connu qu’inconnu
2. les hommes sont davantage victimes d’homicides que les femmes.

Autant donc, enfermer les hommes pour leur éviter des risques et conseiller aux femmes de s’approprier l’espace public apparemment moins dangereux que leur domicile.

Constatez que certains (ou certaines) poussent le vice à supposer qu’une femme ne doit pas être seule dans un lieu public la nuit. C’est un peu ce que Sarkozy avait déclaré avec sa loi sur le racolage passif ; des femmes avaient ainsi eu la surprise de se prendre des amendes pour racolage alors qu’elles rentraient de soirée dans une tenue jugée racoleuse.

Une loi, Président, une loi.


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