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Segantini le sans papier

Publié le 16 février 2011 par Elisabeth1

ave-maria-transbordo.1297819390.jpg« L’art c’est l’amour enveloppé de beauté »

A la Fondation Beyeler, nous pouvons admirer les toiles et dessins de Giovanni Segantini (1858 –1899) né à Arco, au bord du lac de Garde, rattaché à l’Autriche à l’époque,  il vécut d’abord à Milan, après le décès de sa mère, chez sa demi-sœur Irène.
Au décès du père Agostino Segatini, cette dernière demande l’annulation de la nationalité autrichienne de Giovanni, sans demander toutefois sa naturalisation italienne. Il restera un sans papier toute sa vie. Il passe un temps dans un établissement d’éducation surveillée de Marchiondi. Puis il regagne Milan où il travaille comme peintre de décoration, tout en prenant des cours du soir, pour réaliser son rêve : être peintre. Appelé Segante par tous il ajouté le n à son patronyme et s’appelle désormais Segantini.
Très vite un critique et marchand d’art Grubicy s’intéresse à lui et sera son principal agent toute sa vie. Il peint un portrait de Léopolidina Grubicy, à la collerette blanche, portrait charmant de grande  bourgeoise qui assied immédiatement sa réputation.

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 Il fait la connaissance de Luigia Bugatti, dit Bice. Il s’installe avec elle à Pusiano dans la Brianza.
Des problèmes financiers, mais surtout le charme bucolique des montagnes de Savognin, incitent le couple à s’installer en 1886 en Suisse, dans les Grisons. Il élabore  des motifs à partir de la vie villageoise et alpine de grandes toiles qui représentent les habitants, des paysans de montagne, vaquant à leurs activités, comme dans « Vacche aggiogate » qui lui a valu une médaille d’or à l’exposition universelle de Paris. La haute montagne couverte de neige, mais encore éloignée, ferme l’horizon, par son dos la vache est parfaitement intégrée dans l’horizon. Avec les montagnes les sources sont un des motifs favoris de Segantini : elles jaillissent des Aples comme « une sève vitale » symbolique.

Segantini finit par s’établir avec sa famille dans le village de Maloja, dans l’Engadine, et passe les hivers rigoureux dans le Bergell. Il peint ses immenses tableaux en plein air, à des altitudes de plus en  plus élevées. Le légendaire Triptyque des Alpes, que préparent des études de grand format, constitue un sommet de son art. Cette ascension croissante fait accéder Segantini à un domaine où les montagnes lui font l’effet d’un paradis terrestre. Ses derniers mots ont été « voglio vedere le mie montagne » ( je veux voir mes montagnes ).

Giovanni Segantini  s’est fait connaître par ses tableaux de montagne et ses représentations de la vie, si proche de la nature, des paysans au milieu de leurs bêtes. Il a découvert dans le divisionnisme une forme d’expression artistique moderne qui lui permettait de rendre le rayonnement particulier des Alpes dans une lumière et des coloris nouveaux.

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Son oeuvre inspire la nostalgie d’une expérience de la nature intacte. Cette exposition célèbre en lui un précurseur de la peinture moderne,

La famille ayant négligé de le déclarer à l’état civil, vivant en Italie, cela l’empêcha de voyager pour défaut de passeport, l’exonéra de s’acquitter des impôts sur le revenu, n’ayant pas d’identité reconnue.  La nationalité suisse lui a été accordée après à titre posthume.

Papier crayon, papier carton. Son médium justement, c’est le papier, avec le crayon, la craie, le crayon conté, la mine de plomb, de charbon, la craie blanche, noire, de couleurs, le pastel, puis l’huile.

La première salle montre ce que l’on pourrait appeler Segantini avant Segantini, soit des tableaux peints à Milan, au début de sa carrière, avant qu’il ne commence à travailler dans une manière divisionniste, non par points de couleurs pures mais par traits fins juxtaposés. On y voit déjà plusieurs chefs-d’œuvre, comme Effet de lune, fortement inspiré par Millet mais dans une tonalité bien distincte, ou encore cette Oie blanche, qui renvoie à une toile de Soutine, memento mori, une  peinture pleine de liberté et d’élan.

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Une toile intrigante « La première messe » on y voit un prêtre debout sur un escalier baroque, semblant méditer, éloge de la dévotion ? Son oreille est curieusement aussi torturée que la moulure de la rampe.
L’exposition regroupe environ soixante-dix toiles et de magnifiques dessins datant de toutes les périodes de la création de cet artiste. Son parcours artistique s’ouvre sur des scènes de la vie urbaine et se poursuit par des paysages de lacs de la Brianza, au nord de l’Italie, parmi lesquels la célèbre toile « Ave Maria a trasbordo. »  peinte ou dessiné au crayon, avec une voile, ou dans un format différent, rectangle sur papier à la craie. Un famille silencieuse, assoupie même, traverse le lago di Pusiano, seuls les moutons s’inclinent vers l’eau, tout le reste répand une paix divine, l’harmonie avec la nature. La barque semble symboliser le parcours de la vie, entre naissance et mort, eau et ciel, tandis que le cercle de couleur

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concentrique qui s’élargit autour du soleil prête à l’action une sublimité cosmique. Le tableau impressionne autant par son audace formelle : la frontalité, la simplicité chromatique, l’éclat lumineux du soleil couchant, le reflet du principal motif dans l ‘eau. La même virtuosité somptueuse se retrouve dans les dessins au crayon.

Le célèbre Triptyque des Alpes représente sans conteste le sommet de la création de Segantini. Comme en témoignent ses titres programmatiques « La Vie – La Nature – La Mort », il prend pour thème l’intégration harmonieuse des hommes et des bêtes dans le cycle de la nature. On verra dans cette exposition de spectaculaires versions dessinées de ce triptyque. Vers la fin de sa vie, Segantini connaît également une notoriété internationale grâce à ses oeuvres symbolistes, dont La Vanità (La Vanité, 1897).

Ses autoportraits, à vingt jeune homme plein d’assurance, puis l’autoportrait délirant que la présence du sabre transforme en fantasmagorie, reflet des années difficiles ? Puis celui de 1893, l’artiste apaisé, sentimental. Puis celui de 1895, , avec un regard perçant, lecteur de Nietzsche il se considère comme l’annonciateur de vérités éternelles, d’où la poussière d’or qui orne son portrait.

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 Puis le dernier de 1898/99, pressentiment d’adieu, de mort , il est célèbre et lance le projet d’un panorama de l’Engadine pour l’exposition universelle de Paris, qui échoue. Il en reste le Tryptique  des Alpes, représentation de la divinité de la nature et du cycle de la vie.
On ne peut manquer le retour de la forêt, tableau inoubliable, emblématique, où il s’approche de la monochromie coloriste. Il représente un paysage enneigé, que traverse une femme qui tire son traîneau, chargé de bois mort. Symbole de la solitude ou même allégorie de la mort, le bois mort apparaît constamment au premier plan dans les toiles de Segantini, dont l’univers pictural est déterminé par le thème du cycle des saisons et de l’existence. C’est la couverture du catalogue de l’exposition.
Ne pas oublier l’Ore mesta, en 2 taille, puis au crayon.
Dans « mes modèles » Baba incarnait avant tout pour l’artiste un idealtype de toutes les figures féminines, bergères et jeunes paysannes.

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Les deux mères, Segantini n’a pu terminer sa toile, il est mort d’une péritonite, c’est Alberto Giacometti son ami, qui y ajouta la bergère et son enfant sur le dos, ainsi que le mouton et son agneau.
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Une image de Paradis, qui rassemble les éléments essentiels de l’art Segantini. Le soleil embrase la lisière des arbres, une brise légère souffle, D’une main Baba, la gouvernante de l’artiste retient le chapeau, les yeux tournés vers l’avenir, le firmament. Les moutons broutent en nous tournant le dos, tout ce concentre sur le regard, tout pénétré de divisionnisme, l’artiste décompose la matière en lumière et en couleur et atteint ainsi une force lumineuse proprement surnaturelle, c’est la toile de l’affiche, qui au premier coup d’œil semble naïve de simplicité.

Les vastes salles baignées de lumière du bâtiment conçu par Renzo Piano, avec leurs

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 échappées sur le paysage réel, mettent particulièrement bien en valeur la vénération de Segantini pour la nature, qui coïncide à maints égards avec la quête actuelle d’espaces naturels intacts.

Photos de l’auteur et courtoisie de la Fondation Beyler

jusqu’au 25 avril 2011


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