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2012 : Sarkozy joue à DSK

Publié le 17 février 2011 par Juan
2012 : Sarkozy joue à DSKL'intervention télévisuelle de Nicolas Sarkozy du 10 février dernier fut le début d'une nouvelle étape dans sa stratégie électorale. Désormais, il ne prend plus la peine de cacher son statut de candidat. Ses séances de coordination du travail majoritaire deviennent des réunions de campagne ; et il tente de cliver le débat politique pour affaiblir l'opposition comme aux belles années 2005-2007. Il ne lui manque plus qu'une chose : cesser de mentir sur son éventuelle candidature.
Mobiliser
Officiellement bien sûr, rien n'a changé. Nicolas Sarkozy ne fera part de sa décision d'être ou de ne pas être candidat à sa réélection qu'en octobre prochain. Il nous l'a dit, l'air sérieux et le ton grave, le 12 juillet dernier. Depuis l'adoption de la réforme des retraites, il sillonne la France pour se montrer présidentiel, rassembleur, protecteur, et défendre l'image d'un homme qui n'aurait fait que son devoir et qui a autre chose à penser que de commenter la triste actualité sarkofrançaise. Sa tournée des voeux fut le point d'orgue de cette composition. Manque de chance, sa cote de popularité sondagière ne décolla pas. Pire, à force d'être absent de l'actualité chaude, il paraissait tantôt en retard, tantôt à côté des vrais sujets du moment. Mais depuis le drame de Pornic, tout a changé. Sarkozy a changé d'habit. Il cherche à nouveau le clivage. Comme en 2005-2007.
Mardi, Nicolas Sarkozy a ainsi lancé un débat sur le multiculturalisme, un ersazt du débat sur l'identité nationale qui se déroula de novembre 2009 à février 2010. Censée occupé le terrain électoral de l'extrême droite, cette précédente opération animée par Eric Besson fut un fiasco : de propositions sans intérêt en dérapages xénophobes publics, la manipulation tourna court, l'UMP perdit les élections régionales et le Front National se redressa. 
Cette fois-ci, le nouveau débat sur le multiculturalisme validé ce mardi par Nicolas Sarkozy n'est qu'une opération interne à l'UMP, l'une de ses conventions organisées par le parti présidentiel en vue du scrutin de 2012. Une nouvelle fois, il s'agit moins d'apporter des réponses à des problèmes (Sarkozy n'est-il pas au pouvoir ?) que de cliver le débat politique et ne laisser aucun champ libre au FN.
Nicolas Sarkozy cache très mal son statut de candidat. Il tient même ses réunions de précampagne à l'Elysée. Mardi matin, Fillon, Hortefeux et lui étaient présents à l'Elysée pour écouter Jean-François Copé dérouler ses propositions. Sarkozy, qui tentait voici encore quelques semaines de s'afficher « Président-rassembleur » a validé une série d'affiches pré-électorales aux slogans éloquents tels « Non aux multirécidivistes, oui aux jurys populaires ». La prochaine fois, signera-t-il le bon à tirer des tracts électoraux pour l'UMP ?
Le candidat Sarkozy a aussi validé deux des prochains thèmes de débats que l'UMP organise pour le scrutin de 2012 : multiculturalisme, mais aussi application des peines de justice. « C'était une bonne idée de parler du multiculturalisme. Il faut que l'UMP lance un débat sur l'islam. Moi, je veux aller plus loin: je ne veux pas de minarets, pas d'appels à la prière dans l'espace public, pas de prières dans la rue », a-t-il justifié.
La mobilisation du parti présidentiel passe aussi par la récente nomination de quelque 200 secrétaires nationaux, également validés directement par l'Elysée, juste avant la tenue du bureau politique de l'UMP mercredi. Tous les membres du gouvernement y figurent. Cette « armée mexicaine » est structurée en douze pôles, de l'organisation du parti aux différents périmètres ministériels.
Sonder
Qui dit campagne, dit sondages. En 2007 déjà, la boulimie sondagière de Nicolas Sarkozy avait fait merveille. En 2009, un rapport de la Cour des Comptes avait levé un lièvre : l'Elysée finançait clandestinement quelques 150 sondages d'opinion par an, commandés et pilotés par une cellule spéciale sous la houlette de Patrick Buisson. Depuis, le dispositif a été démantelé, ... et transféré à Matignon. Sarkozy reste gros consommateur d'enquêtes d'opinion. Sa position à l'Elysée, et l'abus qu'il en fait, lui donne un formidable atout sur tous les autres candidats.
La semaine prochaine, le candidat a invité les 20 panélistes de Paroles de Français, éditions 2010 et 2011 réunies. L'un d'entre eux a fait savoir qu'il ne viendrait pas à cette « mascarade ». L'Elysée a également commandé une étude qualitative sur la dernière prestation télévisuelle du patron. Les résultats, opportunément fuités auprès d'un journaliste conciliant, sont jugés positifs par Franck Louvrier. En quoi cette étude a-t-elle un quelconque rapport avec la conduite des affaires de la nation ?
On est effectivement en droit de s'interroger si de tels sondages narcissiques qui n'ont d'autres buts que la reconquête du pouvoir méritent d'être payés par le budget public.
Riposter
A l'Elysée, on se défend d'être derrière la dernière et ridicule attaque coordonnée contre Dominique Strauss-Kahn. C'est bien possible. Le directeur général du FMI a fait parler de lui depuis que son épouse a déclaré au Point voici 8 jours qu'elle ne souhaitait pas qu'il accomplisse un second mandat au FMI. Mais les attaques se ressemblèrent tant qu'il n'est pas interdit de penser que les sieurs Guéant et Louvrier se sont empressés de fournir quelques éléments de langage.
 Mais pour l'instant, la riposte n'est pas à la hauteur des scandales qui menacent le camp Sarkozy : Eric Woerth se débat seul avec les juges bordelais ; Michèle Alliot-Marie ne doit son salut qu'à la mise en cause parallèle de François Fillon. Le seul thème de riposte, politique, trouvée par l'UMP contre la gauche est une attaque en règle contre les ... 35 heures. Et encore, le sujet est évidemment mal abordé : l'UMP aimerait faire un sort aux 35 heures comme référence de calcul des heures supplémentaires....
Cliver
Exécution des peines, jurés populaires, multi-récidivistes, multi-culturalisme, et maintenant ISF, Nicolas Sarkozy retrouve enfin le chemin du clivage facile, électoraliste et idéologique. Sur l'exécution des peines et les multi-récidivistes, il a tenté d'instrumentaliser le drame de Pornic. L'affaire lui est revenu comme un boomerang, mais, obstiné, il ne semble pas lâcher le sujet. Jeudi dernier, il a sorti des statistiques invérifiables (la hausse de la délinquance violente serait due aux récidivistes et aux mineurs). Une presse complaisante s'excite à valoriser les tristes faits divers de meurtres et d'agressions sexuelles, qui ne représentent pourtant que 3% des atteintes aux personnes recensées chaque année.
Sur la justice, les sujets ne manquent pourtant pas : la délinquance en col blanc ; l'indépendance des magistrats ; les enquêtes sur Karachi, Woerth ou Wildenstein; ou les moyens de la justice. Sarkozy, jeudi dernier, s'est d'ailleurs joliment planté en livrant quelques chiffres : il a surévalué de 325 le nombre de magistrats en 2010, de 3621 celui des greffiers (il y en a moins qu'en 2002 !). Quant au budget général, le camp sarkozyste inclut les investissements pénintentiaires pour afficher de belles hausses depuis 2002.
Mardi à Montmirail, le candidat Sarkozy a fourni son dernier clivage du jour. Le Président des Riches, qui « refuse l'immobilisme » veut que ses députés-godillots suppriment purement et simplement l'Impôt de Solidarité sur la Fortune. Sa proposition est totalement idéologique, car économiquement injustifiable. Sarkozy la défend par la compétitivité franco-allemande, ce qui est au mieux de mauvaise foi, au pire complètement crétin : lISF a peu à voir avec le coût du travail... Qu'importe ! Plus c'est gros, plus ça passe. La suppression de l'ISF est le dernier cadeau attendu par le Premier Cercle et la bande du Fouquet's.
Meetings de terrain, validation du matériel de campagne, clivages médiatiques, ... bref, s'il n'était aussi actif, on le prendrait pour Dominique Strauss-Kahn ! Au final, Nicolas Sarkozy n'a plus qu'une chose à à faire : cesser de mentir et se lancer officiellement dans la campagne.
(Crédit illustration: CDPD )

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