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"L'éducation est un progrès social" John Dewey

Par Isleene
"Faites en des incultes et ils seront plus faciles à manipuler. Tuez l'esprit critique, ils se soumettront rapidement."
J'ai du retard sur les dernières annonces de Valérie Pecresse, je sais. Néanmoins, les dernières nouvelles me laissent aussi sceptique que révoltée alors je ne vais pas m'emporter ici, enfin pas desuite.
Ceci dit aujourd'hui, j'ai la flemme de faire un vrai billet de ma main.

Seulement voila, il y a deux ans, s'amorçait un mouvement de grève et de protestation au sein des universités contre la mise en place de la mastérisation.
Cette nouvelle lubie de nos politiques qui, sous couvert de "mieux former nos enseignants", laissait des milliers d'étudiants sur le carreau. Impossible de passer les concours sans un bac +5, obligation de financer deux ans d'études supplémentaires et des "master métiers de l'enseignement" faisant perdre deux ans à ceux qui auront le malheur de ne pas réussir les concours, parce que la spécialisation est telle qu'avec ça et bien tu ne fais rien, à part repartir en M1 faire de la recherche.
Parce que oui, il faut faire peur à tous ces étudiants qui présentent les concours, faire baisser les effectifs des candidats pour mieux faire passer la baisse des postes mis en jeu.
Luc Chatel pensait donc qu'il pouvait manager l'education nationale comme à l'époque où il était DRH dans une filiale de l'Oréal? Visiblement oui.
Mais au final, ce sont les étudiants qui trinquent, ce sont les élèves qui se retrouvent face à des jeunes profs lachés avec encore moins de formation pratique que par le passé.
A la lumière de cette "introduction", je vous copie içi la lettre ouverte de camarades de Sud Etudiant et du Collectif Stagiaire Impossible à l'attention de Luc Chatel et Valérie Pecresse publiée ce jour dans l'Humanité.
Lettre ouverte à Luc Chatel, Ministre de l’Éducation nationale, de la
Jeunesse et de la Vie associative et à Valérie Pécresse, Ministre de
l’Enseignement supérieur et de la Recherche

Monsieur le Ministre, Madame la Ministre,
Les effets désastreux de la réforme de la formation des enseignants, dite de la masterisation, mise en place depuis deux ans par vos deux ministères, se font sentir d’une manière de plus en plus évidente.
Malgré la très forte contestation dont elle a fait l’objet dès le printemps 2009, malgré l’opposition d’une large majorité des enseignants, des étudiants et des parents d’élèves ainsi que de leurs organisations syndicales et associatives, vous avez fait le choix de passer en force, ne tenant aucun compte des multiples avertissements concernant les risques que susciterait la mise en œuvre de votre projet. Aujourd’hui, alors que la réforme est appliquée depuis la rentrée 2010, l’heure du bilan est venue, et force est de constater que la situation est pire que ce que l’on pouvait craindre, tant pour les étudiants qui
préparent les concours que pour les fonctionnaires stagiaires qui les ont obtenus l’année dernière.
Les masters MEF (Métiers de l’Enseignement et de la Formation) ont été mis en place dans la précipitation et la confusion, sans cadrage national digne de ce nom, notamment en ce qui concerne les conditions de stages. En effet, si la réglementation nationale impose un stage en responsabilité de 108 heures au cours de la seconde année de master, elle ne dit rien de leur organisation pratique, ce qui se traduit par de fortes inégalités entre les étudiantes et étudiants des différentes académies. Par ailleurs, ces heures représentent à la fois un volume horaire insuffisant pour une formation de qualité et une charge de travail importante pour des étudiants qui préparent de front le concours ainsi que la validation du master, qui comprend des examens et la rédaction d’un mémoire.
Les maquettes des masters MEF élaborées par les différentes universités présentent déjà des différences importantes : certaines prévoient des stages plus ou moins « filés », sur une durée importante, en alternance avec les enseignements à l’IUFM alors que d’autres groupent le stage sur une période plus brève, empêchant une analyse et un recul par rapport à la pratique du métier.
C’est néanmoins l’organisation effective des stages, confiée aux recteurs, qui est le principal facteur d’injustice et d’inégalités entre les étudiants.
D’une part, cette mise en œuvre s’est faite, dans certains cas, sans tenir compte de ce que
prévoyaient les maquettes de master des universités : des étudiants se trouvent ainsi devoir manquer des cours pour suivre leur stage, faute d’une réelle coordination entre rectorat, université et IUFM. La question de la rémunération de ces stages est également traitée de manière très disparate selon les rectorats, avec des différences de traitement entre étudiants admissibles ou non au concours, et parfois en contradiction avec les engagements pris par les administrations. C’est ce que dénonçaient les étudiants de l’IUFM de Livry-Gargan en manifestant le 11 janvier devant le rectorat de Créteil.
D’autre part, les dates d’inscription aux concours ont été modifiées sans grande publicité, et notamment sans que les candidats recalés l’année précédente en soient convenable mentinformés : certains n’ont ainsi pas pu se réinscrire.
Considérez la détresse dans laquelle sont plongés ces étudiants, qui n’avaient pas prévu d’autres projets professionnels et universitaires pour cette année, et qui avaient investi énormément de temps, d’énergie et d’espoir dans la préparation de concours rendus de plus en plus sélectifs par la réduction constante du nombre de postes dans l’enseignement : diminution qui devrait reprendre selon le budget triennal voté au Parlement de 16 000 par an dès 2011.
La communication de vos deux ministères s’emploie à démontrer que ces nombreux problèmes devraient se résorber dans les années à venir. Or, il n’en est rien, puisque l’essentiel réside dans l’absurdité d’une formation en master se donnant pour objectif de préparer en même temps à un métier, à un concours et à la recherche. Cela n’aboutit qu’à une souffrance et à un épuisement accrus des candidats aux concours, qui n’a d’autre effet (ou objectif ?) que de décourager les vocations aux métiers de l’enseignement.
Mais les obstacles à l’entrée dans ce métier que dresse votre réforme ne s’arrêtent pas à la réussite au concours, loin s’en faut. Les enseignants nouvellement recrutés, pourtant bénéficiaires du statut de fonctionnaires stagiaires pendant leur première année, se voient désormais confier une charge complète de 18 heures de cours par semaine (contre la moitié auparavant), avec des classes à examen, et n’ont dorénavant droit qu’à un simulacre de formation professionnelle, réduite à des séances de promotion de la réforme, qui n’apporte aucune solution concrète aux questions qu’ils se posent dans leur pratique quotidienne du métier. Là encore, l’organisation de la formation au cours de l’année de stage a été décentralisée aux recteurs, ce qui aboutit à de fortes disparités entre académies. Le tutorat peut ainsi varier de 36 à 108 heures et la formation théorique de 60 à 160 heures. En supprimant tout cadrage national des conditions de déroulement de stage, vous avez fait le choix non seulement de placer les jeunes professeurs en grandes difficultés mais aussi de renier votre rôle de garants de cette égalité de traitement et de qualité de la formation des futurs enseignants pour l’acquisition des compétences nécessaires à la titularisation des stagiaires.
Les effets pervers que comporte la réforme pour les candidats dans la transition de la réforme se retrouvent dans nombre de témoignages.
L’injustice criante de l’affaire Hannah Nehlig-Burnouf reste encore présente dans les esprits. Alors qu’elle est admissible aux écrits du CRPE cette année, elle n’a toujours pas pu réintégrer sa deuxième année de master MEF. Un recours a été engagé avec notre soutien, mais la situation est pourtant loin de se débloquer, faute de clairvoyance et de démocratie dans l’organisation de ces masters. La plupart des étudiants, peu chanceux d’avoir tenté les concours en cette période de réforme, se voient renier tous les droits qui leur sont dus.
Enfin, ces trop nombreux dysfonctionnements dus à l’application de vos réformes refondant le système éducatif n’ont pour conséquences principales que des pressions psychologiques insupportables sur les enseignants et les personnels administratifs rattachés à vos ministères. Pour la première fois, le rapport de l’Inspection générale de l’Administration de l’Éducation nationale et de la Recherche (IGAENR) pour la rentrée 2010 fait état d’une tension palpable dans les services administratifs de l’Éducation dont le fonctionnement expose leurs agents à un « niveau de risque qui ne peut plus être méconnu ». Ces pressions et méthodes de management rigides se déclinent dans le service public par l’urgence des calendriers, la surcharge de travail, la perte de reconnaissance de son propre métier.
Les nouveaux enseignants, qui ont cru voir leur rêve réalisé lors de leur admission, doivent à présent préparer des cours pour différents niveaux alors qu’ils n’ont eu connaissance de leurs classes que peu de temps avant la rentrée. Ils doivent en outre suivre des formations chronophages mais sans utilité réelle pour les aider dans cette tâche. Ils n’ont souvent pas pu se loger à proximité de leur établissement, leur affectation n’ayant été communiquée que tardivement. On ne compte plus les cas de dépression, de congés maladie et de démissions.
Les conséquences de cette réforme sont insupportables, tant en termes de dégradation des
conditions de travail qu’en termes d’éducation des générations futures. Aujourd’hui, la réduction du nombre d’enseignants fonctionnaires ne passe plus seulement par la diminution des postes aux concours, mais par des méthodes encore plus pernicieuses : il s’agit de rendre la préparation des concours au sein des masters d’enseignement et la pratique du métier humainement intenables, pour favoriser les abandons de candidats avant les concours et de fonctionnaires stagiaires avant leur titularisation. Levons le voile sur ce scandale, sur ces carrières sacrifiées, sur ces vocations transformées en cauchemar, sur une sélection qui s’opère par la souffrance induite par la formation à un métier tant désiré.
Nous exigeons de vous aujourd’hui et par la présente, l’abrogation de tous les règlements instaurant la réforme de la formation dite de la « masterisation », et un retour sur les décisions prises par arrêtés des ministres de l’Éducation Nationale et de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.
Nous vous demandons de garantir par votre action le maintien du cadre national de formation et d’exercice des stagiaires de l’enseignement et des professeurs ; l’abandon des réformes en cours dans l’enseignement, l’enseignement supérieur et la recherche dont nous vous avons présenté les néfastes conséquences ; l’augmentation des postes des différents ministères concernés et dans l’ensemble du service public.
Si vous n'avez pas eu le courage de lire jusqu'au bout je comprends. Il y a parfois trop de détails purement technique et si cette lettre est à mon sens un coup d'épée dans l'eau, il n'en reste pas moins que le constat est juste.
"On" est en train de casser l'éducation nationale, et ce depuis des années, mais cette attaque est d'autant plus grave qu'elle s'en prend directement à la formation des enseignants. Car tout le monde le sait, un enseignant n'est pas qu'un reservoir de savoir dans sa spécialité, enfin ce n'est pas ça qui fait de lui un "bon prof".
Je dis "on" parce qu'au delà des élus qui ont adopté cette loi, nous sommes responsables de ne pas avoir été jusqu'au bout d'une contestation qui avait pour la première fois réussi à fédérer étudiants, enseignants et chercheurs.
Avec le recul il y avait du potentiel.
Avec le recul nous sommes aussi responsables de cet echec.
Il n'y a pas de vraie de conclusion à ce billet. Elle viendra peut-être le jour où on se décidera à sauver l'école ou au contraire à l'achever.
Mais j'ai envie de vous dire que jusqu'au dernier moment, rien n'est jamais perdu.

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LES COMMENTAIRES (1)

Par touil
posté le 10 mai à 22:58
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