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Aux fils de, la patrie reconnaissante

Publié le 20 février 2011 par Variae

Quand on évoque le Paris pittoresque, on pense souvent à la butte Montmartre et à ses pentes améliepoulainesques ; le 5ème arrondissement et sa « montagne Sainte-Geneviève » n’ont pourtant rien à lui envier, et ont même le privilège de servir de conservatoire et de témoignage vivant de l’histoire politique récente de la ville. On l’oublie vite, mais Paris n’a pas toujours été associé à « Nuit blanche », « berges de Seine » et « vélib » dans les esprits : il fut un temps, pas si éloigné, où la capitale était la déclinaison microcosmique de l’Etat-RPR, avec les emblématiques Jacques Chirac et Jean Tibéri. Le deuxième est toujours là, intact, replié dans sa mairie d’arrondissement du Quartier Latin ; si l’on a de la chance, on peut même le croiser en liberté, de bon matin ou au crépuscule, patrouillant les rues flanqué de sa célèbre épouse. Depuis la funeste municipale de 2001 et l’auto-destruction de Philippe Seguin, on sait bien, à droite, que l’on ne fait rien à Paris contre le prince Jean. Les rumeurs envoient François Fillon, pour les prochaines législatives, dans la circonscription de ce dernier. Les mauvaises langues, quant à elles, ne peuvent s’empêcher de faire le lien entre ces rumeurs et la récente nomination de Dominique Tibéri – le fils de – en tant que, excusez du peu, contrôleur général économique et financier de première classe. Certains vont jusqu’à dire, en une de médias respectables, qu’il s’agirait de faire place nette pour le parachutage du premier ministre.

Aux fils de, la patrie reconnaissante

Tant mieux pour lui ? Oui mais voilà : ce poste au titre ronflant – et notamment destiné aux « fonctionnaires occupant ou ayant occupé un emploi de directeur général, de directeur ou de chef de service dans les services d’administration centrale placés sous l’autorité des ministres chargés de l’économie, du budget et de l’industrie, ainsi que les fonctionnaires occupant ou ayant occupé dans ces mêmes services un emploi de sous-directeur ou d’expert de haut niveau » – est attribué sur avis consultatif d’une commission. Commission qui en l’espèce a rendu un avis unanimement négatif, faisant même état de « l’absence de connaissances par l’intéressé des missions du corps et des compétences que requièrent ces fonctions ». Oups.

Là où les choses deviennent drôles – ou consternantes, c’est selon – c’est avec la question au gouvernement posée par le député socialiste Jean Mallot mercredi dernier. Reprenant les éléments résumés ci-dessus et initialement dévoilés par le Canard Enchaîné, il porte de très graves et directes accusations de népotisme à l’encontre du processus de nomination, et d’incompétence contre Tibéri Jr. C’est à François Baroin que revient la corvée de répondre, sous la mine sombre et fermée de François Fillon : premièrement, le corps de contrôle dont il est question a été créé par les socialistes et Laurent Fabius ; deuxièmement, ils en ont fait bénéficier des « familiers du pouvoir [de gauche] de l’époque » ; troisièmement, c’est la droite qui a travaillé à en améliorer l’encadrement et la transparence.

Pour qui sait lire entre les lignes (et on peut dire que l’écriture est grosse), ces propos, sans même discuter leur véracité, sont limpides : ils constituent purement et simplement un aveu et un discret lâchage de ceux qui ont organisé la nomination, et de celui qui en a profité. Jean Mallot parle clairement de favoritisme et d’inaptitude, François Baroin lui répond vous aussi, et plus que nous. On notera au passage qu’il inaugure ainsi un nouveau type de justification, variante sarkozyenne de la loi du talion : « si quelqu’un a déjà commis une turpitude, tu peux la réitérer, mais en faisant un peu plus attention ». Gageons qu’elle devrait connaître un beau succès devant les tribunaux.

La mairie du 5ème arrondissement a bien des charmes, dont celui de donner directement sur le Panthéon. Si un jour Dominique Tibéri y siège, peut-être devra-t-il changer l’inscription au fronton du bâtiment en vis-à-vis : Aux fils de, la patrie reconnaissante.

Romain Pigenel


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