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La roue de l’Histoire

Par Borokoff

A propos de Santiago 73, Post Mortem de Pablo Larraín 3 out of 5 stars

La roue de l’Histoire

Santiago du Chili, 1973. Dans un contexte politique pour le moins troublé, où gronde la révolte du peuple chilien contre le gouvernement d’Allende (1908-1973), Mario, un fonctionnaire chargé de retranscrire les rapports d’autopsie dans un Institut médico-légal, tombe amoureux de sa voisine d’en face, Nancy, une danseuse de cabaret…

Santiago 73, Post Mortem est la chronique d’une solitude. Un drame intime situé à la veille du coup d’Etat orchestré par le Général Pinochet (1915-2006) et qui amènera ce dernier au pouvoir, Allende se suicidant le 11 septembre 1973 (scène centrale de son autopsie).

De quoi parle Santiago 73, Post Mortem ? D’un homme noyé dans la monotonie de son existence et qui s’éprend d’une danseuse sur le déclin, sympathisante communiste qui nourrit peu de sentiments pour lui mais saura l’utiliser au moment voulu.

Au centre de Santiago 73, Post Mortem, la vie de Mario, décortiquée dans son quotidien, de ses journées à l’Institut à ses repas solitaires le soir à guetter par la fenêtre sa voisine. Pour décrire la routine de cette existence, le rituel de sa vie de vieux garçon, Pablo Larraín opte pour un dispositif visuel tout en plans fixes. La même idée était à l’œuvre dans le récent Octubre de Daniel et Diego Vega Vidal.

La mine grise des personnages, le teint blafard de Mario (Alfredo Castro) et l’atmosphère funeste en général qui imprègnent Santiago 73, Post Mortem sont donnés par l’utilisation d’objectifs russes de la fin des années 1970, de la même marque que ceux utilisés par Andreï Tarkovski. Pablo Larraín voulait que son film donne l’impression d’avoir été tourné à l’époque des faits.

La vie que raconte Santiago 73, Post Mortem est celle d’un employé anonyme dont le drame personnel rejoint la tragédie de l’Histoire du Chili et des milliers de victimes (et disparus) que fera le régime de Pinochet (1973-1990). Si le soulèvement du peuple comme les émeutes sont montrées en hors-champ, ce n’est pas le cas de ces visions répétées de montagnes de corps qui s’entassent à l’Institut, autour de Mario, victimes de la répression violente du régime de Pinochet.

Mais la vraie question du film, qui est le portrait d’un petit fonctionnaire pris dans un système où il n’a d’autre choix qu’obéir ou mourir, c’est qui est exactement Mario ? La grande réussite du film, c’est de construire un portrait moral de Mario assez fouillé pour entretenir le doute quant à sa réelle nature et son caractère. Mario semble étranger aux évènements qui l’entourent, comme si le chaos de la révolution ne l’affectait pas. C’est un personnage ambigu, à la fois victime (de Nancy, qui lui a fait miroiter des sentiments pour mieux se servir de lui) et traitre (scène finale).

Si Mario apparait comme quelqu’un de passif et qui ne se révolte jamais alors que les morts affluent de plus en plus nombreux à l’Institut (la scène où sa collègue hurle de dégoût devant un militaire le laisse dubitatif), il n’est non plus un lâche complet, sauvant une victime laissée pour morte, puis cachant à ses risques et périls Nancy derrière une armoire.

L’histoire de Mario est celle d’une vie brisée, annonciatrice de l’Histoire tragique du Chili de l’ère Pinochet.

www.youtube.com/watch?v=22puo4ixbFM


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