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Anorexie mentale

Publié le 16 février 2011 par Darouich1
1 – EPIDEMIOLOGIE
Classiquement, l'anorexie mentale est une maladie des pays occidentaux et riches (en tout cas à l'abri du besoin alimentaire), mais ceci semble être en évolution apparition de cas au Japon, Moyen Orient, Afrique (mais manque de données) peut être parallèlement à l'occidentalisation de ces pays. La notion classique d'une maladie des couches socio - économiques élevées n'est plus valable - toutes les couches sociales peuvent être touchées.
L'âge de survenue se situe entre 12 et 18 ans dans 95 % des cas, et majoritairement l'anorexie mentale survient chez des filles (- de 10 % sont des garçons).
La prévalence, chez l'adolescent de race blanche dans les pays occidentaux entre 12 et 18 ans est de 0,5 %.
L'incidence en France est de 2 à 8 cas pour 100 000 habitants par an. On note depuis 2 décennies une tendance à l'augmentation de la fréquence de l'AM.
II – DEFINITION
La définition de l'AM selon la CMI (Classification Internationale des Maladies établie par l'OMS) comporte cinq critères :
  • Perte de poids ou chez les enfants incapacité à prendre du poids, conduisant à un poids inférieur à au moins 15 % du poids normal ou escompté, compte tenu de l'âge et de la taille.
  • Perte de poids provoquée par le sujet qui évite les aliments qui font grossir.
  • Perception de soi comme étant trop grosse avec peur intense de grossir, amenant le sujet à s'imposer un poids limite faible à ne pas dépasser.
  • Présence d'un trouble endocrinien diffus de l'axe hypothalamo - hypophysogonadique avec, aménorrhée chez la fille et perte d'intérêt sexuel et de puissance érectile chez le garçon.
  • Ne répond pas aux critères A et B de la boulimie:
    A – épisodes répétés d'hyperphagie (au moins 2 fois par semaine pendant au moins 3 mois) avec consommation rapide de quantité importante de nourriture en temps limité.
    B - préoccupation persistante par le fait de manger avec désir intense ou besoin irrépressible de manger.
  • III - LA SYMPTOMATOLOGIE
    A - Triade principale : Anorexie, Amaigrissement Aménorrhée
    1 - Anorexie
    Il s'agit plutôt d'une restriction alimentaire témoignant d'un comportement perturbé. Ce comportement est souvent rationnalisé par la patiente (nécessité de perdre du poids, problème digestif, pseudo - allergie alimentaire), et peut être accompagné d'épisodes de boulimie, de manoeuvres purgatives (vomissements provoqués, prise de laxatifs), de potomanie.
    2 - Amaigrissement
    Plus ou moins rapide, il sera apprécié par plusieurs éléments :
    1/ Etude de la courbe de poids et de croissance: recherche d'une cassure.
    2/ Recherche de signes cliniques de dénutrition - altération de la peau et des phanères (peau sèche, squameuse, mélanodermie, ongles cassants, chute de cheveux), altération dentaire.
    3/ rétention hydrosodée (OMI)
    4/ hépatomégalie discrète
    5/ glossite
    6/ hypothermie
    7/ Calcul du BMI = Poids en Kg /Taille au carré en mètre ( 75 Kg / 1,77 x 1,77 ou 75/1.77/1.77
    Normalement, le BMI est compris entre 18 et 25.
    Surpoids si BMI entre 25 et 30
    Obésité si BMI > 30
    Maigreur si BMI < 18
    La dénutrition est importante en cas de BMI < 14 (il existe alors un risque vital).
    Hospitalisation fréquente pour BMI de 13 à 14.
    Risque de décès non négligeable si BMI < 11 (30 % des patientes).
    L'anorexie et l'amaigrissement ont ceci de particulier qu'ils sont NIES par la patiente car il y a distorsion de l'image du corps. C'est ce DENI qui est fondamental pour le diagnostic et qui permettra de faire la différence avec un amaigrissement secondaire à une pathologie organique.
    3 - Aménorrhée
    Peut être contemporaine, suivre, voire précéder l'amaigrissement.
    Elle se définit comme :
  • absence de cycle pendant 3 mois si les cycles étaient réguliers auparavant
  • absence de cycle pendant 6 moïs si les cycles étaient irréguliers.
    Elle est due non seulement à l'amaigrissement mais aussi à un dysfonctionnement hvpothalamo - hypophysaire,
  • B - Signes d'accompagnement
    1 - Signes physiques
    - bradycardie, hypotension
    - frilosité
    - lanugo
    - hypertrophie parotidienne chez les vomisseuses
    - RGO, constipation, retard à la vidange gastrique.
    2 - Autres troubles du comportement
    Outre les comportements alimentaires perturbés, il existe en général :
    - hyperactivité physique et intellectuelle (pratique intensive de sports, hyperinvestissement scolaire)
    pauvreté de la vie relationnelle blocage de la sexualisation,
    C - Bilan biologique
    Devant une suspicion d'AM, il faut faire un bilan biologique minimum pour éliminer un autre diagnostic et rechercher des complications.
    Ce bilan comporte :
    NFS VS, CRP
    Glycémie,
    Natrémie. Kaliémie, Créatinine
    Calcémie, Phosphorémie,
    Cholestérol
    Transaminases si le BMI est bas
    la VS est généralement basse en cas d'anorexie mentale : une VS supérieure à 10 à la première heure doit faire rechercher une infection, une inflammation. le bilan endocrinien n'est pas nécessaire au diagnostic : s'il était fait, il retrouverait un syndrome de basse T-3, un cortisol élevé, et une baisse des hormones ovariennes.
    IV - COMPLICATIONS POSSIBLES DE L'AM
    Elles peuvent être lourdes en terme de morbimortalité
    A - Complications cardiaques
    Possibilité de :
    ---- troubles du rythme cardiaque secondaire à des troubles ioniques
    ---- cardiomyopathie non obstructive si dénutrition importante (sans régression avec la guérison)
    B - Complications digestives
    1 - Les vomissements chroniques peuvent entraîner oesophagite, syndrome de Mallory-Weiss, syndrome de Boerhave : rupture oesophagienne secondaire aux vomissements.
    2 - Dilatation aiguë de l'estomac pouvant être secondaire à une crise de boulimie ou à une réalimentation forcée. Elle réalise un tableau d'occlusion digestive haute avec risque de rupture gastrique.
    3 - Syndrome de la pince mésentérique - le 3ème duodenum est coincé entre l'aorte et l'artère mésentérique, entraînant un tableau d'occlusion digestive haute.
    4 - Hépatite. Pancréatite
    C - Complications neurologiques
    Diminution de la concentration et de l'attention
    Crise convulsive en cas d'hypoglycémie ou d'intoxication par l'eau
    Neuropathies : carentielles si dénutrition importante, ou atteinte spécifique du SP Externe.
    D - Complications osseuses
    L'ostéopénie est fréquente et peut se compliquer de tassements vertébraux, (notamment après 5 ans d'évolution).
    E – Complications biologiques
    Hypo ou hyper natrémie, hypokaliémie, augmentation de la créatinine (insuffisance rénale fonctionnelle), hypoglycémie, hypophosphorémïe, hypomagnésémie, hypercholestérolémie, hyperamylasémie.
    Anémie, leucopénie, thrombopénie.
    V - EVOLUTION ET PRONOSTIC
    A - Facteurs de mauvais pronostic
    Age de début très jeune (avant 10 ans) ou très tardif (après 20 ans),
    Longue évolution avant première prise en charge effective
    Association à une vraie boulimie ou au moins à des vomissements fréquents
    Forme limite avec un état psychotique
    Importance et rapidité de la perte de poids
    B - Evolution
    C'est une pathologie grave.
    Globalement :
    1/3 guérit,
    1/3 évolue sur un mode plus ou moins chronique
    1/3 s'aggrave progressivement
    Il y a 20 % de mortalité après 20 ans d'évolution (toutes causes confondues suicides, et complications somatiques).
    VI - LA PRISE EN CHARGE DE L'ANOREXIE MENTALE
    Elle est multidiciplianire et idéalement - au moins au départ - dans une structure spécialisée.
    A - Annoncer le diagnostic
    Annoncer le diagnostic en parlant bien d'AM sans dramatiser ni minimiser, en précisant qu'il s'agît d'un trouble du comportement. Indiquer qu'on se porte garant de la sécurité somatique à moyen et long terme. Définir les critères de gravité et les énoncer. Indiquer rapidement qu'il s'agit d'une prise en charge "à plusieurs et de longue durée".
    B - Traitement psychiatrique
    Aucun médicament n'a fait la preuve de son efficacité. Le PROZAC" a été utilisé dans les associations avec la boulimie.
    La psychothérapie qu'elle soit ambulatoire ou en hospitalisation programmée, sera toujours dans un premier temps une psychothérapie cognitivo - comportementale (consensus pour ce type de psychothérapie) avec possibilité dans un deuxième temps d'ouverture vers d'autres approches psychothérapiques : analytique, arthérapie, thérapie à médiation corporelle.
    C - Suivi des AM au long cours
    Sachant que la prise en charge est toujours longue et sera toujours bipolaire, (un somatîcien et un psy) quel peut être le rôle du MG ? Assurer des consultations régulières avec des objectifs de poids, de modifications du comportement, examen clinique à chaque consultation : courbe de poids, surveillance de critère de gravité.
    1 – Diététique
    Tenue d'un carnet alimentaire (pour certains)
    Repérer les blocages et les évitements alimentaires
    Restructurer l'alimentation autour de repas normaux avec des aliments à haute densité calorique
    Supplémentation type CLINUTREN°, supplément non hyper protidique mais hyper glucidolipidique.
    2 - Sur un plan médicamenteux
    Pas de stimulant de l'appétit (sans intérêt), ni d'hormones thyroïdiennes (dangereuses sur, le plan CV).
    Peu de place pour les médicaments à visée digestive sauf MOTILIUM° pour les grandes vomisseuses.
    Si nécessité absolue de laxatif : pas de laxatif osmotique (risque d'augmentation des troubles ioniques) mais possibilité d'huile de paraffine, de fibres, de son.
    Selon les cas, supplémentation possible en potassium, phosphore, calcium, magnésium, zinc, fer, vitamine.
    Traitement oestroprogestatif : dans un but contraceptif et pour prévenir l'ostéopénie (si aménorrhée supérieure à 2 ans), en sachant que l'hypercholestérolémie liée à l'AM n'est pas une contre - indication.
    LES SITUATIONS D'URGENCE
    Sans se laisser piéger par l'aspect squelettique d'une patiente sans critères de gravité réelle, et sans se laisser rassurer par le déni de la patiente, quels sont les critères d'hospitalisation urgente ?
  • Complications digestives à type d'occlusion haute, pathologie oesophagienne grave, vomissements avec inhalation.
  • Convulsions, diminution de l'attention et de la concentration, ralentissement idéatoire.
  • Bradycardie
  • 100, TA
  • Aphagie totale avec perte de poids rapide et non maîtrisable et malaises orthostatiques
  • Hypothermie < 35

  • Biologiquement
  • K
  • Na
  • 150 mmo/litre
  • Mg
  • Phosphore
  • Tous ces troubles peuvent être responsables de torsades de pointe
  • Hypoglycémies répétées avec glycémies
  • GB
  • Insuffisance rénale fonctionnelle (augmentation de la créat)
  • Augmentation des transaminases et des phosphatases alcalines.

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