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Maupassant – Contes et nouvelles de guerre (Battaglia)

Par Mo
Battaglia © Mosquito - 2002Dans ce recueil d’une centaine de pages, Dino Battaglia adapte huit nouvelles de Guy de Maupassant, huit récits qui se construisent autour de tranches de vie se situant dans le contexte de la Guerre de 1870 qui a opposé la France aux Prussiens.Ces adaptations de Battaglia sont pour nous l’occasion de redécouvrir : Deux amis : nouvelle publiée en 1883 Saint-Antoine : nouvelle publiée en 1883 dans les Contes de la Bécasse L’aventure de Walter Schnaffs : texte rédigé par Maupassant en 1883 Un coup d’état : publié dans le recueil Clair de Lune en 1883 Boule de Suif : nouvelle qu’il a publié en 1880 La mère Sauvage : publié dans le recueil Le Gaulois en 1884 Mademoiselle Fifi : nouvelle publiée en 1882 Le Père Milon : nouvelle éditée à titre posthume en 1899 -Cet album a été publié pour la première fois en Italie en 1978. Pour situer fidèlement le récit, l’auteur utilise toutes les images qui lui sont restées à l’esprit lors d’un voyage en Normandie quelques années auparavant. Il faudra attendre 2002 pour qu’un éditeur indépendant (Mosquito) le publie en France.Je ne suis pas une adepte des recueils de nouvelles et je trouve que l’espace consacré à chaque nouvelle est parfois trop court. D’une dizaine de pages chacune (la plus conséquente en comporte 17), ces courtes nouvelles nous permettent de nous replonger dans les ambiances si particulières des univers du romancier mais l’espace (nombre de planches) n’est pas assez conséquent pour nous permettre de nous familiariser complètement avec les personnages. Bien que les dessins de Battaglia nous apportent une aide précieuse dans la représentation des ambiances et des décors (réelle profusion du détail) et font évoluer des personnages très expressifs (très mystérieux aussi), il y a une lourdeur dans le style de Battaglia qui m’a freinée. Un recueil très sombre, en noir et blanc pour l’essentiel (excepté Boule de Suif et La mère Sauvage qui sont en couleur) où l’homme est un loup pour l’homme. Une chappe de tension plane en permanence sur ces récit qui mélangent narration et dialogues, on ressent fortement l’insécurité provoqué par l’occupation allemande, tordant les rapports humains pour en faire quelque chose de laid. Enfin, l’agencement des planches n’est pas conventionnel. Dino Battaglia est dans la même démarche que son ami Sergio Toppi. Les propos que Thierry Groensteen pourraient ilustrer simplement cette démarche : ce sont des auteurs qui ont une « volonté de se libérer des contraintes de la mise en page traditionnelle pour faire avancer le récit autrement« . Cependant, je trouve que le style de Battaglia complique la lecture. Un grief que j’avais déjà rencontré pendant la lecture de Woyzeck : la technicité des agencement de visuels est réellement complexe. J’ai régulièrement du tâtonner pour trouver le sens de lecture adéquat (reprenant à plusieurs reprise la lecture de certaines pages). Une lecture fatigante qui m’a demandé beaucoup de concentration.Une analyse de l’œuvre de Dino Battaglia a été réalisée en 2009. Je vous avais déjà proposé le lien de ce travail de recherche lors de ma chronique sur Woyzeck, j’en extrais de nouveau un court passage afin de compléter mon avis sur cet ouvrage : Dino Battaglia mêle son univers à celui du romancier. C’est ainsi qu’il lui donne – chose la plus évidente – un point de vue déterminé : la narration omnisciente ne peut être représentée graphiquement, le dessinateur doit faire un choix. C’est un des principaux échanges entre les deux univers. De plus, Dino Battaglia joue sur les vignettes – qui représentent un temps plus ou moins long, indéterminé, dont l’écoulement est marqué par la gouttière (gouttière : vide qui sépare deux vignettes contiguës) – et leur agencement pour restructurer l’espace et le temps. Le fait qu’elles ne suivent plus une structure linéaire classique casse le rythme et le renouvelle. Les sentiments sont traduits visuellement : dans les Deux Amis – adaptation du conte de Maupassant – quand les deux personnages principaux, amis de longue date, vont être exécutés ensemble, pour montrer le fort lien qui les unit, Dino Battaglia les représente côte à côte sans figurer de séparation entre les deux bras qui se touchent, de sorte que leur état d’esprit visible physiquement. Tout le temps qu’il met à finir une œuvre n’est pas vain ; il ne veut rien laisser au hasard, il est méticuleux. La narration traditionnelle en vignettes est réorganisée. Les cadres habituels ne délimitent plus systématiquement les cases, la page s’exprime, elle est libéré de ses règles figées. L’artiste ainsi s’acharne contre une lecture monotone ; c’est alors qu’il se plaît à dessiner des scènes en négatif, créant un effet de surprise et symbolisant par moment le trouble ou l’aspect choquant du passage. En outre, la taille et la forme des caractères et des onomatopées est étudiée afin qu’elles se fondent au mieux avec ce qu’elles doivent représenter et exprimer. L’imagination fertile que Battaglia voue toute à l’art qu’il pratique par un trait unique et une méthodologie soigneuse, il la met au service de bien des romanciers. Mais in fine, quel est ici l’objectif de Battaglia ? Regrouper en un recueil des nouvelles choisies traitant de la guerre franco-prussienne ? Proposer un recueil illustrant les 7 péchés capitaux ?  Car il est effectivement possible d’affecter à chaque nouvelle du récit tour à tour la gourmandise, la luxure, l’acétie, l’avarice, la colère, l’envie et l’orgueil.Une lecture conseillée par Yspaddaden. Cette critique intègre donc le Challenge PAL SèchesJe partage également cette découverte avec Mango et les participants auxUne adaptation intéressante bien que ma lecture des nouvelles de Maupassant soit trop ancienne pour que je puisse en apprécier la fidélité. Je n’ai pourtant pas l’impression que l’œuvre de Maupassant soit  dénaturée. Comme beaucoup de lecteurs, je ne suis pas très adepte des recueils de nouvelles. Je regrette donc le caractère trop éphémère de ces récits et je n’ai pas pu les apprécier comme il se doit.Un court article sur L@BD abordant les différentes adaptations BD qui ont été faites des œuvres de Maupassant (article rédigé en octobre 2010).D’autres lecteurs en parlent, je vous propose donc l’avis de Voltaire et celui de Pascal Ory.Extrait :« Faut être stupide pour se tuer comme ça. Et dire que ce sera toujours ainsi tant qu’il y aura des gouvernements » (Deux amis).Maupassant – Contes et Nouvelles de guerreOne ShotÉditeur : MosquitoDessinateur / Scénariste : Dino BATTAGLIADépôt légal : avril 2002Bulles bulles bulles…Maupassant – Battaglia © Mosquito – 2002Maupassant – Battaglia © Mosquito – 2002Maupassant – Battaglia © Mosquito – 2002

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