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Une augmentation peut en cacher une autre…

Publié le 24 février 2011 par Lecriducontribuable

Lorsque les élus locaux communiquent sur le niveau des impôts prélevés au profit des collectivités dont ils ont la charge, ils ont tendance à n’aborder que la moitié de la question. Pourquoi ? Tout simplement parce que les collectivités locales ne parlent que des taux d’imposition dont elles ont la maîtrise et non des assiettes sur lesquelles elles n’ont aucun contrôle. Or, l’assiette constitue la base à partir de laquelle le taux appliqué permet de déterminer le montant de l’impôt. En outre, si l’assiette équivaut en principe à la valeur locative cadastrale du bien, cela n’est que théorique car cette valeur n’a plus qu’un lointain rapport avec la valeur réelle du bien, faute de révision objective digne de ce nom depuis plus de 40 ans. Une réévaluation ponctuelle est seulement effectuée au coup par coup par l’administration fiscale lorsqu’elle entend parler de travaux d’amélioration de l’immeuble, que ce soit lors d’une vente ou en cas de permis de construire. Pour le reste, les valeurs cadastrales sont simplement réévaluées chaque année par le législateur, d’une manière globale, par application à tous les immeubles d’un taux de revalorisation censé représenter plus ou moins l’évolution du coût de la vie mais laissé au final à leur libre appréciation… Ainsi, le législateur a voté pour 2011 une augmentation forfaitaire des valeurs locatives de 2 %, expliquant qu’il choisissait délibérément un taux légèrement supérieur à celui de l’inflation afin de laisser un peu de mou aux collectivités locales. De son propre aveu, il espère inciter les collectivités, par une augmentation substantielle d’assiette, à ne pas augmenter leurs taux. Voire. Car les collectivités disposent d’une liberté quasi-totale dans la fixation des taux d’imposition. Des limites existent mais tellement larges qu’une commune a tout loisir d’être cigale ou fourmi. A titre d’exemple, le taux propre d’une collectivité ne peut simplement pas excéder deux fois et demie le taux moyen constatée dans le département ou au niveau national. Autrement dit, si le taux moyen de la taxe d’habitation est de 12 % au niveau du département, une commune pourra porter son taux particulier à 30 % !

Comme on le voit, la tactique du législateur consistant à augmenter l’assiette des impôts locaux pour que les collectivités n’augmentent pas les taux risquent donc d’être un vœu pieux. Les contribuables auront probablement les deux : le taux et l’assiette, impliquant une augmentation des impôts locaux nettement supérieurs à l’inflation… Si des élus suivent l’intention du législateur et ne touchent pas aux taux, ils voudront sans doute argumenter sur le fait que les impôts n’augmentent pas chez eux. Il faudra alors leur rappeler que ne pas toucher au taux revient tout de même à laisser l’impôt augmenter de 2 % par le jeu de la majoration d’assiette. Seule une baisse réelle des taux permettrait effectivement de ne pas augmenter l’impôt…

Au demeurant, une récente enquête d’un membre de Contribuables Associés a montré que depuis 10 ans, si les bases locatives n’ont augmenté que de 18 %, soit à peu près l’inflation, les impôts locaux ont augmenté globalement au niveau communal de 39,6 %. En jouant sur les taux, les élus locaux ont donc plus que doublé le niveau d’augmentation de leurs impôts par rapport à l’évolution du coût de la vie.

Il ressort d’ailleurs de la même enquête que presque aucune ville n’arrive à se contenter de la simple augmentation des valeurs locatives au fil de l’inflation puisque, sur 451 communes, seule Chartres descend sous les 18 % avec 17,7 %, la seconde commune la plus vertueuse étant Evreux avec 18,2 %. Quant aux villes les plus dispendieuses, la palme revient à Henin Beaumont, avec 95,7 % d’augmentation des impôts locaux en 10 ans…

La pression fiscale se fait donc de plus en plus au niveau local et non plus seulement au niveau national. D’ailleurs, les derniers chiffres publiés en 2009 par la Direction Générale des Finances Publiques sont éloquents :

Impôt sur le revenu : 55 Mds€

Impôt sur les sociétés : 51 Mds€

Taxe professionnelle : 33 Mds€

Taxe foncière : 29 Mds€

Taxe d’habitation : 16,5 Mds€

Recette locales non fiscales : 55 Mds€

On y voit une poussée des impôts locaux telle que la taxe foncière et la taxe d’habitation sont désormais presque aussi importantes pour les ménages que l’impôt sur le revenu. Cela montre que s’il est devenu politiquement difficile d’augmenter significativement l’impôt sur le revenu, la charge bascule sur les impôts locaux, ce qui permet de ratisser plus large puisque presque tout le monde a un toit. Quand le législateur annonce 2 % d’augmentation des bases d’imposition à la taxe foncière et à la taxe d’habitation alors que celles-ci représentent en 2010 près de 50 Mds€ de recettes, cela signifie mécaniquement 1 Md€ d’impôt en plus. Quand on sait que l’augmentation des bases s’accompagne en moyenne d’une majoration d’un niveau équivalent des taux, on peut estimer que c’est 2 Mds€ d’augmentation des impôts locaux qui attendent les ménages en 2011. Il n’est pas certain que le débat fiscal actuel y accorde toute l’importance que cela mérite…

Réforme(s) des impôts locaux

La disparition de la taxe professionnelle, ou plutôt sa transformation en « contribution économique territoriale » (CET), a modifié au passage la répartition des impôts locaux dus par les ménages, à savoir la taxe foncière et la taxe d’habitation. Désormais le « bloc communal » (commune et intercommunalité) et les départements sont les seuls bénéficiaires de ces taxes. Les recettes de la région deviennent pour leur part constituées par une fraction de la nouvelle CET et par les « IFER » qui sont le nouvel impôt dû par les entreprises de réseaux (énergie, transports ferroviaires, télécommunications…). En substance, les impôts locaux des ménages se répartissent en 2011 de la manière suivante :

-   Communes : Taxe d’habitation + taxe foncière sur le bâti + taxe foncière sur le non bâti

-   Intercommunalité : Taxe d’habitation (part anciennement dévolue au département) + taxe additionnelle sur le foncier non bâti

-   Départements : Taxe foncière sur le bâti (le département récupère au passage la part régionale) + droits d’enregistrement sur les ventes d’immeubles + taxe sur les conventions d’assurances

-   Régions : Elles perdent tout droit sur les impôts locaux des ménages.

Il est peu probable que ces transferts d’impôts d’une collectivité à une autre puissent être neutres pour les contribuables. Reste à connaître les conséquences réelles d’une réforme, qui inclut nombre d’autres mesures annexes relatives aux droits d’enregistrement ou à la perception des impôts locaux, comme par exemple les frais de recouvrement des taxes qui étaient versés jusqu’à présent uniquement au profit de l’Etat et qui, dorénavant, seront à partager avec les communes et les départements. Ces nouvelles répartitions pourront d’autant moins rester sans répercussion que c’est toujours l’Etat qui est en charge de la collecte de l’impôt. Le reversement d’une partie des frais de recouvrement aux collectivités locales ne peut donc que se traduire par l’apparition de nouvelles taxes additionnelles qui seront toujours plus facile à augmenter que de simples frais de recouvrement…

Une autre réforme est d’ailleurs en cours, celle des valeurs locatives. Actuellement à l’étude sur les locaux commerciaux, elle touchera prochainement les logements. Reste à espérer que cette réforme salutaire ne soit pas un prétexte elle aussi à de nouvelles hausses…

Olivier Bertaux

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