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"il a le droit,lui...il est negre!" l'oeuvre metisse de wifredo lam (2)

Publié le 24 février 2011 par Regardeloigne

Lam590 . «Lorsque je quittai Cuba, nous dit Lam, j'avais l'inten­tion d'aller à Paris, de m'y installer. Madrid ne devait être qu'une étape sur le chemin. J'y suis resté longtemps, pour plusieurs raisons. D'abord, l'espagnol était ma langue, je ne savais pas le français. Puis je tombai amoureux, me ma­riai. La guerre civile, ensuite...».

De 1923 à son retour à Cuba en 1941, l'itinérance de Lam, de La Havane à Madrid et Barcelone, puis de Paris à Marseille, suscitée initialement par le désir de parfaire sa formation artistique, va suivre en parallèle le cours des événements politiques dans lesquels il se trouvera engagé : de l'avènement de la république en Espagne à la guerre civile, de l'occupation allemande de la France à l'exil de ses amis surréalistes en Amérique. Or, c'est à cette pérégrination, en partie for­cée, qu'il devra de nouer un dialogue fructueux avec un univers de formes qui mêle primitivisme et modernisme.

 

Débarquant à la fin de 1923, Lam était parti avec l'idée de se rendre à Paris en passant par l'Espagne, mais il restera quatorze ans dans ce pays, à Madrid d'abord puis à Barcelone.Son destin d’artiste va ainsi s’annoncer   sous la loi de plusieurs arrachements : à la famille, à la communauté ethnique, au milieu social, aux traditions esthétiques. Et ce n'était pas rien, pour un Cubain quasiment né avec l'indépendance de l'île à peine arrachée à l'Espagne, que d'aller se former au cœur même de l'ancienne métropole coloniale

Sans préjudice des considérations précédentes, nous ne sau­rions omettre certains événements de sa vie pendant son séjour en Espagne. Ils eurent parfois une influence considé­rable sur l'évolution de son art et de sa pensée.

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Lam ne cache pas l'accueil sympathique dont il bénéficia. Le Cubanito plaisait. «J'avais un charme physique», dit-il, et la preuve nous en est donnée par ce séduisant portrait qu'il fait de lui-même en 1924, l'an qui suivit son arrivée —un dessin au crayon sépia, respectueux de l'enseignement académique, bien établi, sans doute heureusement fidèle. Sa longue silhouette devait évoquer, pour les Madrilènes, les minces palmiers de l'île lointaine. Il apportait un air de Tropiques. A cela s'ajoutait le feu de ses propos sur l'art: «Je m'étais mis dans le ventre toute la Renaissance!» On l'invitait. Il eut des amis, entre autres déjeunes artistes, des écrivains, tel le grand Alejo Carpentier, un maître d'école, un curé .

Il quittait parfois la capitale, visitait la province. Dans les campagnes, il constata que la condition des paysans espagnols n'était guère supérieure à celle des travailleurs agricoles cubains. «Je retrouvais le climat colonial.» L'Espagne avait donc ses déshérités. Il se sentait de leur côté. MAXPOL FOUCHET.WIFREDO LAM 

 

 

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Pendant les deux premières années passées à Madrid, il partagera son temps entre l'atelier de Fernando Alvarez de Sotomayor, (où il  reçoit une formation académique ) mais aussssi l’Académie libre(où il rencontre un art plus moderne) et le musée du Prado .Puis il séjourne à Cuenca, avant de revenir dans la capitale avec Eva Piriz, qu'il épousera et dont il aura un enfant en 1929. Cette même année, Lam découvre les œuvres de Gargallo, de Juan Gris et de Picasso.

Profondément bouleversé par le décès de son fils et de sa femme, Wifredo Lam quitte Madrid à l'été de 1931 pour se rendre, à l'instigation du peintre Anselme Carretero, à Léon. Il y restera jusqu'à la fin de 1932, et exposera en avril, puis en mai, près d'une vingtaine de portraits et de paysages. De retour à Madrid, il partage les idéaux poli­tiques et culturels sur lesquels se fonde la nou­velle République espagnole avec, parmi d'autres, ses compatriotes, Nicolas Guillén et Alejo Carpentier, le Guatémaltèque Miguel Angel Asturias et l'Allemand Carl Einstein, (l’un des premiers découvreur de l’art « négre »).

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Trois ans plus tard, en juillet 1936, le déclenchement de la guerre civile l'amène à s'engager dans la défense de la république. Il réalise des affiches antifran­quistes et assure diverses responsabilités dans une usine d'armement. La manipulation de substances toxiques pendant la fabrication d'ex­plosifs ayant affecté sa santé, il sera envoyé au printemps de 1937 dans un sanatorium, aux Caldes de Montbui, près de Barcelone. Rétabli, il résidera dans la métropole catalane jusqu'à son départ pour Paris. Recommandé à Picasso par un sculpteur catalan Manolo Hugué,  il quitte  l’Espagne pour la France, au printemps 1938.

Cette première période de la vie de Lam verra  converger des phénomènes marquants pour sa formation. : le premier, d'ordre biographique, ajoute aux arrachements le   drame particulièrement douloureux  évoqué  précédemment: celui de voir l’année suivant son mariage et la naissance de son fils, l’enfant et la mère mourir de tuberculose. Ce double malheur le plongera dans un état d’hallucination  où il va vivre des scènes terribles. La profonde douleur de Lam sera exprimée dans ses nombreux tableaux de mère et enfant.

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La guerre, autre  phénomène marquant 

: Lam l'a vécue sur plusieurs territoires successifs. Ainsi, l'enfance cubaine de Wifredo s’était  déroulée dans un climat extrêmement troublé et sous le signe de frustrations politiques majeures. L’ile  n’y connait qu’une une indépendance limitée  par les Etats Unis . Cette indépendance factice est le résultat décevant  de la lutte menée depuis des décennies contre l'Espagne coloniale par le parti révolutionnaire, qui était parvenu à réunir les métis afro-cubains, les anciens esclaves noirs et une partie de la petite bourgeoisie éprise d'indépendance. La guerre omniprésente le rattrapera en Espagne, lorsqu'il s'engagera dans les colonnes républicaines pour la défense de Madrid. C'est alors qu'il acquerra vraiment une conscience politique sous l'influence de son ami Faustino Cordon, un médecin qui l'initiera à la pensée marxiste. Il  affrontera enfin, une fois encore, la guerre au moment de l'invasion de la France par les troupes hitlériennes et qu'il sera obligé de s'exiler à nouveau..

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Aussi les fastes du Prado décevront l’artiste à la recherche surtout d’une peinture contestataire  capable d'exprimer la violence et l'utopie dont il se sent lui-même travaillé de l'intérieur. Plutôt que de s'attarder devant le spectacle " de la peinture de cour », dont il perçoit la vacuité  derrière la beauté des tissus et le brillant des bijoux, il se familiarisera avec les mondes marginaux et fantastiques, entre terreur et millénarisme, des écoles du nord de l'Europe. Le Breughel du Triomphe de la Mort le retiendra particulièrement, comme l'image d'un monde fou de crimes et de douleurs.  Il y rencontrera surtout  les deux grandes figures de la période troublée de la première Renaissance  dans un monde partagé entre la croyance et le doute, tourmenté par les horreurs de la guerre et de la peste: Jérôme Bosch et Albrecht Durer. Chez eux, Lam puisera une interrogation sur le fantastique qui  constituera le fondement énigmatique de son œuvre  en articulant les forces religieuses des  cultes  africains  et syncrétiques, l’utopie, et  le surréalisme.

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À travers sa lecture des gravures de Durer comme L'Apocalypse, Melancolia  ou Le Chevalier et la Mort, qui sont ses préférées, Lam nous fait comprendre l'articulation jusqu'alors inimaginable qui sera au cœur de toute son œuvre. Il explique comment il pourra peindre, d'un même geste et sur une même toile, des figures qui appartiennent culturellement à l'univers du vaudou ou à la santeria, en même temps qu'elles se rattachent aux images d'une Europe angoissée dont il se sent non moins l'héritier. Derrière Bosch, Breughel ou Durer, il voit Schongauer, Callot et Goya, toutes les horreurs de toutes les guerres, sur l'horizon desquelles il se construit, à son propre usage, une tradition artistique indispensable pour comprendre le monde contemporain. Car les siècles ne comptent pour rien quand il s'agit de destin et de croyance. Lam est convaincu que sur ce plan, l'histoire n'avance pas et que toutes les périodes produisent la même terreur, raison pour laquelle son art s'inscrit dans une histoire dont il renouvelle les formes mais non pas l'essence. Lam ne s'interrogera pas, comme ses contemporains, sur la question de savoir s'il serait abstrait ou figuratif. Son recours à des figures fantastiques dépasse cette opposition.LAM TEXTES DE JACQUES LEENHARDT

De cette période espagnole on a signalé plusieurs œuvres caractéristiques.

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  Datés de 1925 et 1927, trois portraits de gens du peuple, des paysans peut-être. Trois oeuvres "classiques", appliquées, où se révèlent  une volonté de réalisme et le souci d'un témoignage social. Le visage de l'homme semble cuit et recuit par le soleil; une sorte de volonté agressive s'y décèle: les méplats sont fortement précisés par l'éclairage. Lam s'est complu à dessiner le lacis des rides, les sillons creusés dans la chair par les ans, le ravinement du temps pareil au creusement de la terre par les pluies, à son craquèlement par la violence solaire. Austères, expressives, elles rappellent  les premiers dessins de Van Gogh, ceux du pays noir des mines.

Par contre d’autres œuvres comme « le paysage de la ventas » ou la « fenêtre » qui n’est pas sans rappeler Matisse, révèlent  combien le peintre  s'est libéré de l'en­seignement traditionaliste. . Le dépouillement, atteint ici sa plus forte rigueur. Le "géométrisme" en arrive même à l'épure. Les courbes et les droites s'y répondent selon une alternance ré­fléchie. Les différentes composantes du tableau se réduisent à des signes linéaires, que Lam ne craint pas de souligner, d'accentuer. La verticale de la fenêtre à gauche, les hori­zontales appuyées du balcon, les obliques du carrelage, confèrent à la toile une dimension spatiale, non par les procédés de la perspective traditionnelle, mais par un gra­phisme qui la symbolise.

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Violence sociale et historique, comme dépouillement esthétique et formel voila ce qui va caractériser la recherche du peintre dans les années à venir :

L'art de Lam est intraitable, son imaginaire est violent, ses lignes sont des flèches et des angles perçants. Rien d'amène dans l'œuvre qu'il développera à partir de 1942. Dans l'après-coup de toutes les violences du temps, Lam se refuse à toute réconciliation. Et cependant, ce qui prime n'est pas l'aigreur mais plutôt un combat qui se développe sur l'horizon de la justice et de la lutte. Aujourd'hui l'art se trouve placé face aux fleuves de sang répandus par la guerre, à la douleur infinie des camps de concentration, aux morts inutiles dans des nuits sans matins, à la terreur, à la peur, à l'angoisse. Une fois encore, rien ne viendra abolir chez Lam cette prise de conscience tragique et combattante. Ni la paix revenue, ni la révolution cubaine triomphante, ni le confort acquis par un artiste dont la place est désormais reconnue, rien n'altérera la virulence de la blessure, la primauté de la conscience de lutte. De ce point de vue, la chronologie importe au regard de l'évolution des styles figuratifs mis en œuvre, non à celui de l'inspiration qui les nourrit…. JACQUES LEENHARDT OP CITE. 

 

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En 1938, Lam quitte l'Espagne pour Paris. Peu avant son départ, il rencontre Helena Holzer, qui deviendra sa femme en 1944. Sa rencontre avec Picasso, dans son studio de la rue des Grands Augustins sera  décisive .D’abord dans sa  sa petite chambre de l'hôtel de Suède, puis  dans son atelier à Montparnasse, il  produira à son premier séjour à Paris près de cent cinq peintures.

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Le séjour parisien (1938-1941) qui prend la suite de la guerre d'Espagne semble,en effet,  placé sous le signe de Picasso, chez qui Lam est introduit par une recommandation de son ami Manolo Hugué. A tous les motifs d'admirer son aîné sur le plan pictural s'ajoutaient les affinités politiques. Picasso défendait la cause des républicains espagnols. Il devait même, accepter la charge de directeur du Prado, et sauver ainsi de nombreux trésors artistiques.

« II est probable que Picasso a trou­vé chez Lam la seule confirmation à laquelle il pouvait tenir, celle de l'homme ayant accompli par  rapport au sien le chemin inverse : atteindre, à partir du merveilleux primitif qu'il porte en lui, le point de conscience le plus haut, en s'assimilant pour cela les plus savantes disciplines de l'arl européen, ce point de conscience étant aussi le point de rencontre avec l'artiste - Picasso - au départ le plus maître de [ces] disciplines mais qui a posé la nécessité d'un constant retour aux prin­cipes pour être à même de renouer avec le merveilleux ».ANDRE BRETON

Le peintre au faîte de sa célébrité, prend immédiatement le Cubain en amitié et l'introduit auprès de ses amis peintres (Braque, Matisse, Mira, Léger), de marchands et de critiques comme Kahnweiler et Zervos, et de poètes comme Leiris, Éluard et Tzara. Dora Maar, alors compagne de Picasso, le présente à Breton, avec lequel toutefois il ne tissera de véritables relations que deux ans plus tard, durant le séjour de Marseille.

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  Ce sera d'ailleurs elle qui prendra soin des tableaux confiés par Lam à Picasso au moment de quitter Paris. Lam prit donc place parmi ceux qui non seulement constituaient une incomparable  "avant-garde" de la pensée française, mais encore représentaient de l'esprit contemporain quelques-unes des démarches les plus avancées, les plus transformatrices de la sensibilité. Enfin Picasso eut le mérite de recommander son ami à un connaisseur sagace de l'art vivant, Pierre Loeb,et  qui consacrait sa galerie aux œuvres de peintres significatifs ou remarquables. Séduit par celles de Lam, il lui proposa un contrat, et c'est chez lui qu'eut lieu, du 30 juin au 14 juillet 1939, la première exposition parisienne de Wifredo.

J'ai participé à la guerre civile. Cela m'a donné une position critique que je n'avais pas avant. Quand je suis arrivé à Paris, après la chute de la République, je me suis mis à peindre ce qui avait le plus de sens pour moi. Et de façon automatique, comme disent les surréalistes, ce monde est sorti de moi. Cela veut dire que je portais tout ça dans mon subconscient et qu'en me laissant porter par la peinture automatique, à travers ce dessin non pensé où on ne sait pas ce qu'on va peindre, a surgi de moi ce monde si étrange1."

 

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Ce qui d'abord s'impose, dans les peintures exécutées à Paris par Wifredo Lam, c'est l'unité du caractère, si marquée, que l'on peut parler de "série", ou mieux encore d'une "époque". L'enjolivement facile est absent. Le peintre écarte l'anecdotique, le circonstanciel. Il n’y a pas tant des sujets que des thèmes récurrents dont  le principal est la maternité.

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C'est sans doute autour de la conception du portrait que se situent les enjeux les plus importants des années parisiennes.

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  Sauf exceptions, l’ensemble se compose de  figures .Celles-ci, pour la plupart, ne se présentent pas de trois quarts ni de profil, mais de face, obéissant à une décision de frontalité de manière à renforcer l'aspect hiératique de la figure... Elles emplissent la surface du tableau, ne lais­sant que des marges restreintes, occupées de temps à autre par des indications purement graphiques de perspective. Traitées parfois à l'huile, ce sont en général des gouaches. Lam va donc  passer d'une représentation moderniste de la figure féminine, objet principal de ses tableaux d'alors, à une technique de composition qui arrache à la figure toute marque de singularité ou toute référence à une circonstance particulière.

 

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On pourrait dire que si, chez Giacometti, la redondance du trait et son retour sur lui-même expriment la tentative de cerner au plus près la vérité d'une personne, chez Lam au contraire, la reprise tend à éloigner tout ce qui pourrait valoir comme singularité. Le visage de la femme se fait, au fil des tableaux, de plus en plus impersonnel, c'est-à-dire aussi, plus universel. Le seul élément qui inscrit de la variété dans ces " portraits " est le traitement des yeux : clairs ou foncés, ouverts ou fermés, parfois réduits à une simple barre horizontale, plus formelle encore. On voit défiler ainsi toute la gamme des regards élaborés par les peintres des avant-gardes : regards blancs de Modigliani, noirs des icônes byzantines chères à Jawlensky, anguleux à la manière des cubistes. Les yeux ne sont plus le miroir d'une psyché individuelle, mais l'équivalent d'un masque, la figure d'une humanité générique. Alors qu'habituel­lement le portrait capture l'universel dans les limites de l'individu, ceux de Lam tentent au contraire de faire prévaloir l'espèce sur l'individu. À force d'éviter le trait caractéristique qui rend chacun différend de son voisin, la peinture de Lam construit des unités de signification à vocation universelle qu'elle articulera Ce travail engagé dès les années parisiennes donnera toute sa mesure après la nouvelle rupture que constituera le retour aux Caraïbes en 1941.MAXPOL FOUCHET.WIFREDO LAM

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L'exclusion des détails n'est pas moins manifeste, souvent poussée à l'extrême. Ainsi l'aréole et la pointe des ne sont-elles pas représentées, et les seins eux-mêmes sont-ils seulement indiqués par des triangles par des pastilles rondes de couleur quasi uniforme. Quant au traditionnel modelé par les ombres, il est soit réduit au minimum, soit écarté, comme si le peintre le jugeait préjudiciable à la frontalité. L’effort de l’artiste est ainsi  entièrement  consacré à transformer la peinture en réalité plastique homogène, comme le cubisme s'y était, à sa façon, employé.

Au graphisme revient un rôle capital. Le trait du pinceau, large, appuyé, équivaut parfois à un cerne, cloisonnant les diverses parties. D'autres fonctions lui sont dévolues. Dans le Nu couché de 1939, son épaisseur dans le contour de la partie inférieure du corps, sa légèreté ou son évanouissement sur le contour du haut, donnent une équivalence du volume, du poids de la figure allongée; la signification du volume par un trait plus ou moins accusé, moyen déjà utilisé par Manet dans son Olympia, bannit le trompe-l'œil. Le trait, d'ailleurs, ne se borne pas à définir les formes, il devient une "valeur" en soi, de même qu'il lui appartient d'être, le cas échéant, un emblème de l'es­pace.

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Parentes  de  certaines  images  des  iconographies  anciennes ou primitives  ces figures incitent les commentateurs à les qualifier de "'hiératiques". L'adjec­tif naît spontanément sous  la plume.   Il leur convient.

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   En revanche,  nous  ne  partageons  pas  l'avis  de  certains,  plus exacts d'ordinaire, qui les jugent "inexpressives", ou propres à  montrer "une  tranquillité  apparente",  une "sérénité". C'est oublier nombre d'entre elles.  Outre que l'on songe, en face de telle Maternité, au deuil vécu par Lam en Espagne, on  participe  à  l'angoisse  qu'exprimé  la  gouache  intitulée Père et fils: le premier, au masque douloureux, semble serrer contre lui son enfant pour le protéger,  celui-ci vainement écarter un péril. Que penser du Désastre? Devant une tête coupée, à la langue pendante, posée à même une table, se tiennent deux femmes. L'une est comme pétrifiée. L'autre porte sa main droite à son cou, et de la gauche se cache les Lam, en France, n'oublie pas l'effondrement de la république espagnole. Cette tragédie l'habite. Son ami Picasso —dont l'oeuvre, d'ailleurs, est une chronique à la fois personnelle et collective— avait peint, en 1937, Guernica, insoutenable fresque de la souffrance, de la révolte, de l'espoir. Lam, en 1938, dresse deux figures de femmes d'une intensité pathé­tique, sous le plus explicite des titres: Douleur de l’Espagne.
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  Compte tenu de ses dimensions inférieures, l'oeuvre, ne craignons pas de l'affirmer, ne le cède pas en force à la première. Les deux personnages paraissent soudés par l'événement, reliés par une même conscience. Les lignes obliques conduisent, à travers une base déserte aux tons froids, vers l'emmêlement des bras. Les triangles tronqués des robes évoquent une décapitation générale, la rupture d'une montée, cependant que la chevelure à droite, effilée, suggère l'idée d'un poignard plongé de haut en bas, cruel. Les deux femmes sont représentées comme des témoins. Celle-ci, se rejetant en arrière dans un mouvement de recul, se voile la face, et les doigts tendus de sa main gauche désespérément invoquent on ne sait quelle puissance. Le visage incliné de sa compagne est tout empreint d'une tris­tesse apitoyée, méditative, intérieure. Couple inoubliable, poignant, où s'unissent le symbole et la réalité. Massif, puis­sant et sans faille, sculptural à sa façon.
Ainsi le peintre, grâce à l'économie des moyens, par une concentration dé­terminée, présente-t-il à notre regard une équivalence de ce qu'était le rôle du choeur dans la tragédie antique.. MAXPOL FOUCHET.WIFREDO LAM 

Les œuvres de cette époque, montrent donc chez Lam une volonté d'affronter les problèmes de son art.

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  Durant ses années parisiennes, le peintre parvient enfin à se placer résolument face aux débats sur l'art moderne, à ses thèmes et à ses techniques. Il se livre alors sur la toile à une vaste expérimentation stylistique dont son travail, riche et varié, porte le témoignage.Dès cette époque, Lam semble avoir trouvé dans la synthèse du cubisme analytique une manière de figurer qui convient à son expérience personnelle d'un monde fragmenté , contradictoire, tragique.

En 1939, ses  gouaches furent exposées aux Péris Galleries de New York, en même temps que des dessins de Pablo Picasso. On a très vite comparé les deux artistes, rapproché leur  deux manières (l’interprétation des visages par exemples), voire fait de Lam un simple suiveur de Picasso. Est ce  a dire qu’il y a une action directe de celui-ci (en évolution constante lui aussi) sur son ami ? Lam qui avait dit ressenti une véritable « commotion » lors de sa découverte de Picasso à Madrid devait plus tard circonscrire l’influence de l’artiste catalan.

«Mon monde l'a subie, parce que Picasso était le maître de notre temps. Même Picasso fut influencé par Picasso! Mais, en Espagne, quand je peignais des taureaux, je n'avais pas vu les siens. J'avais fait des peintures de style synthétique, tournées vers la simplification des formes, avant de décou­vrir les siennes. Nos interprétations plastiques se rejoignaient. Le tempérament espagnol, je le connaissais, j'avais vécu, souffert, dans son pays. Plus que d'influence, il faudrait parler d'une saturation d''esprit. Il n'y eut pas d'imitation, mais Picasso pouvait facilement habiter dans mon esprit, rien en lui ne m'était étranger.»

«En revanche, la confiance en ce que je faisais, je l'ai puisée dans son  approbation

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