Magazine Cinéma

Pas de bras, pas de cinéma ?

Par Borokoff

A propos de 127 heures de Danny Boyle 2 out of 5 stars

Pas de bras, pas de cinéma ?

En 2003, Aron Ralston, un ingénieur intrépide de 27 ans, part escalader le Blue John Canyon dans l’Utah. C’est dans ce canyon situé dans une réserve naturelle près de Moab qu’il est victime d’un accident grave. Tombé dans une faille étroite, il se retrouve le bras coincé sous un rocher. Après 5 jours passés dans la faille, il doit opter pour une solution radicale s’il veut s’en sortir…

Inspiré par une histoire vécue et le livre que le vrai Ralston écrivit quelques mois après avoir frôlé la mort (Plus fort qu’un roc, éditions Michel Lafon), 127 heures divise la critique à de nombreux points de vue. Prenant le parti de ne pas faire un documentaire, Boyle savait à quel point le pari était risqué et audacieux de raconter et de rendre vivante, par le biais de la fiction, l’expérience tragique que vécut Ralston dans ce canyon.

Son film est inégal, mais pas raté. Optant pour une caméra subjective au début du film et un rythme « speed » que renforcent des musiques légères contemporaines (Plastic Bertrand arrive plus tard), Boyle multiplie les points de vue pour filmer la même chose, en l’occurrence Ralston sur son vélo. Ralston (James Franco) est un jeune homme très sûr de lui et insouciant, qui n’a pas beaucoup de considération pour sa sœur ni sa mère à qui il n’a pas daigné répondre au téléphone avant de partir. L’ingénieur de 27 ans, équipé d’une caméra numérique, filme tout, à commencer par lui-même. On devine l’amour qu’il se porte.

Cette multiplication des points de vue pour montrer la même chose en début du film est peu justifiée. Certes, la préoccupation de Boyle, encore une fois, est de rendre exaltante l’expérience de Ralston, et de montrer l’énergie et la vie qu’il y a en lui, mais cette déferlante de couleurs vives, d’effets (ralentis notamment) et de plans provoque un effet inverse « zapping » un peu étourdissant pour le spectateur.

Le film, jusqu’à la scène de l’accident, est un peu bavard et a du mal à décoller, à rendre véritablement palpitante les aventures de Ralston, y compris sa rencontre avec deux jeunes filles perdues dans le canyon.

Mais un autre film commence lorsque Ralston se retrouve le bras coincé entre une paroi et un énorme rocher. Un autre film qui coïncide avec une autre manière de filmer, moins spectaculaire, moins pop et superficielle. Commence alors une œuvre beaucoup plus intimiste et profonde, marqué par la plongée de Ralston dans ses souvenirs amoureux et familiaux et des visions délirantes, hallucinées.

Ralston, comme cela s’est produit dans la réalité, décide de faire un journal filmé dans lequel il demande pardon à sa famille pour son orgueil mal placé. Ralston ne manque pas d’humour, et dans une des scènes les plus réussies du film, se met dans la peau d’un héros idiot invité à un show télé et qui réalise sa bêtise et son arrogance de n’avoir prévenu personne d’où il allait, ce qui condamne ses chances d’être secouru et retrouvé vivant.

Ce deuxième film qui commence est beaucoup plus prenant, parce que (pratiquement) dépourvu d’effets de mise en scène. Boyle, habilement aussi, évite de tomber dans le pathos. A mesure que Ralston s’épuise et se dit qu’il sent qu’il va mourir pitoyablement dans cette faille (il réalise qu’il faudrait 8 hommes solides pour le sortir de là),  il se souvient avec regret d’une femme qu’il aimait (Ah, Clémence Poésy…) mais qu’il a abandonnée, de sa sœur qu’il n’est pas allée voir à son mariage, de sa mère à qu’il n’a pas répondu au téléphone, etc…

De plus en plus envahi par des hallucinations, Ralston rêve de rédemption et croit voir dans cet épisode tragique qui lui arrive une sorte d’épreuve justifiée pour le punir de son égoïsme et du mal qu’il a pu faire.

On ne racontera pas comment Ralston s’en sort mais on s’étonne qu’il ne se soit pas évanoui. Ce qui est plus intéressant, ce sont les similitudes entre son personnage d’aventurier passionné de nature mais peu prudent et celui de Mc Candless (Into the wild) ou d’Everett Ruess (1914-1934). Ralston, à la différence de Mc Candless, n’a pas fui la civilisation, mais c’est un jeune homme épris de paysages et de liberté. Comme Mc Candless, Ralston se sentait très sûr de lui et de sa bonne connaissance du milieu naturel. Comme Mc Candless, il commit une erreur fatale. Ralston a peu de goût pour la famille et supporta aussi bien la douleur physique que Mc Candless. Ralston écrivit son nom et ses dates de vie et de mort supposée sur la paroi qui l’avait emprisonnée. Après la mort de Ruess (dont on ne connait pas les circonstances exactes), on retrouva deux fois la mystérieuse inscription NEMO (« personne » en latin) sur une paroi. Ces trois hommes partageaient-ils le même romantisme et un idéal de liberté peu en phase avec celui de leur époque ? La question reste ouverte…

www.youtube.com/watch?v=U7HEJQSA1S0


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Borokoff 641 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines