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Portrait - Abdellah Taïa : une mélancolie arabe

Par Benard

25/02/2011

Première figure publique marocaine à avoir fait son coming out,Abdellah Taïarecevait en novembre dernier le prix de Flore pour son cinquième roman,Le Jour du roi(Le Seuil). Une récompense  symbolique pour celui qui, il n’y a pas si longtemps encore, vivait avec ses huit frères et sœurs dans une petite bicoque des quartiers pauvres de Salé.

C’était il y a quinze ans. Depuis, le décor a changé : Abdellah a quitté le Maroc pour la France, et s’est installé à Paris, dans le petit studio du côté de Belleville où il nous reçoit. Vingt-trois mètres carrés où il a entassé toute sa vie, et qui, comme il le dit si bien, parlent pour lui. Au milieu des piles de dvd, entre le Coran et un autel à Marcel Proust, la pochette vieillie d’un vinyle des années 80. En couverture : une Adjani, choucroutée et sur-maquillée, qui fait la moue. C’est le sourire aux lèvres qu’Abdellah Taïa se souvient de sa toute première rencontre avec l’actrice française :« Je devais avoir sept ou huit ans, c’était au moment de la sortie du film de Werner Herzog, Nosferatu, je l’ai vue en couverture du magazine Première. J’ai été fasciné par son regard, sa blancheur incandescente, elle avait l’air comme possédée… J’ai volé le numéro à mon frère et je ne l’ai plus quitté ». Isabelle Adjani avait vingt ans, elle était belle, mais pas seulement : née d’un père algérien et d’une mère allemande, elle incarnait aussi une nouvelle idée du pays de Montesquieu, celle d’une France libre et métissée.

Portrait - Abdellah Taïa : une mélancolie arabe

Une France vers laquelle l’adolescent des faubourgs de Rabat va se tourner un peu par hasard, parce qu’il veut faire du cinéma et que, comme un vieux reste de la colonisation, tous les films qui passent à la télévision marocaine sont doublés en français. Le raccourci est hasardeux et« le désir très naïf », mais qu’importe, Abdellah s’inscrit en littérature française à l’Université Mohammed V. Le fils de fermiers descendus du bled pour vivre l’eldorado rbati est plus que jamais décidé à apprendre le français,« cette langue de riches récupérée par les classes dirigeantes pour diviser le peuple marocain ». Sauf que voilà, chez les Taïa on ne parle pas français mais arabe, et Abdellah comprend vite qu’il n’a pas le niveau des gosses de riches avec lesquels il partage les bancs de la fac. Humilié, il se met à écrire, en français bien sûr, rien que pour lui, juste pour s’exercer.« Au final il se trouve que je suis devenu meilleur que les autres et que j’ai décroché une bourse pour aller finir mes études à Genève », lâche-t-il au détour d’une phrase, pas peu fier de cette petite revanche sur le destin, espiègle comme un gamin qui aurait réussi son coup.

Ses cinq romans, Abdellah Taïa les a écrits en français. En arabe ça aurait été trop facile ; lui, c’est dans la difficulté et la souffrance qu’il trouve son inspiration :« Si j’étais dans un rapport apaisé et simple avec la langue, je ne pense pas que je serais là. J’ai besoin d’aller au combat pour créer ». Son ami et fidèle correcteur, l’écrivainRené de Ceccatty, a raison :« Abdellah est un être déchiré ».

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