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vieilles femmes exquises et vieilles détestables

Publié le 02 mars 2011 par Dubruel

 Maupassant, Le gaulois, 25 juin 1882) :

 Est-il au monde rien de plus adorable qu’une vieille femme qui fut jolie, coquette, séduisante, aimée, et qui sait rester femme ?

Près d’elle n’éprouve-t-on pas quelque chose d’indéfinissable, comme une sorte d’amour non pour ce qu’elle est mais pour ce qu’elle fut, une tendresse délicate, raffinée, apitoyée un peu, pour cette femme qui survit dans une autre, oubliée, détruite, que baisèrent des lèvres affolées, pour qui l’on rêva, l’on passa des nuits fiévreuses….

Ceux qui aiment vraiment les femmes, ceux qui peuvent voir sans frissonner les petits cheveux frisés des nuques, le petit duvet impalpable semé sur le coin des lèvres et le petit pli des sourires et l’insoutenable caresse de leur regard…doivent infailliblement adorer les vieilles.

La vielle n’est plus une femme, mais elle semble être toute l’histoire de la femme ; elle devient un peu ce que sont pour nous les antiques et beaux objets qui nous rappellent toute une époque ancienne.

La vieille ose parler de tout ; elle peut le faire sans être immodeste, impudique…C’est un charme singulier de causer longtemps, à mots un peu voilés mais librement avec une femme vénérable, de toutes les ivresses des cœurs et des sens….Parfois, elles jettent un mot cru, une image vive, une réflexion hardie, une plaisanterie un peu pimentée ; et cela prend en leur bouche une grâce poudrée de l’autre siècle.

…Elles sentent bon, d’une odeur vieille, comme si tous les parfums dont fut baignée leur peau eussent laissé en elles un subtil arôme, une sorte d’âme des essences évaporées. Elles sentent l’iris, la poudre de Florence d’une façon discrète et délicieuse

 

Mais toutes les vieilles ne sont pas telles.

Il en est d’abominables, celles qui ont suri. Et presque toujours les femmes qui ont été peu ou point aimées, qui ont vécu d’une vie strictement, étroitement honnête deviennent les vieilles grincheuses, les vieilles pimbêches grondantes et hargneuses, sorte de faux eunuques femelles, gardiennes jalouses de l’honnêteté d’autrui, machines à mauvais compliments en qui fermentent des âmes de vieux gendarmes.


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