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L'âme humaine et le socialisme, d'Oscar Wilde

Par Carolune

 

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Je dois la découverte de ce beau livre et de ce bel éditeur à un partenariat entre Blog O Book et les éditions Aux Forges de Vulcain : merci à eux !

Le livre s’ouvre sur une introduction brève mais très intéressante sur la vie d’Oscar Wilde : on nous rappelle sa vie de dandy, en décalage et en même temps aux prises avec son époque, mais surtout sa fin désolante : son amant l’encourage à déposer une plainte contre son père (de l’amant) qui avait déposé une insulte à son club (de Wilde…ça va toujours ?)…mais le père de l’amant était très influent, Wilde était un dandy aux marges de la société, et le père réussit donc à traîner Wilde de procès en procès et à le faire condamner à deux ans de travaux forcés…Wilde les fera, et mourra deux ans après son retour. Le rappel de cette histoire entre d’ailleurs vite en résonance avec les idées défendues par Wilde dans son texte et qui, à l’époque (et sans doute encore aujourd’hui !) sentent le soufre…

L’âme humaine et le socialisme, publié en  1891, est en effet une longue méditation de Wilde sur l’intérêt et les conséquences qu’aurait l’instauration du socialisme sur l’épanouissement de l’individu, et en particulier de l’artiste. Wilde commence par insister et développer ce paradoxe : le régime le plus communautaire qui soit doit être au service unique de l’individu, et non de la communauté. Il met en avant la primauté de l’individu, de son indépendance, de son pouvoir de création, et adresse une critique violente au peuple dans ce qu’il peut avoir de moutonneux, à la religion dans ce qu’elle peut avoir de prosélyte, et au principe de la propriété privée, qui n’a pour Wilde comme seule conséquence d’aliéner l’homme, de le faire crouler sous les fausses préoccupations et les fausses satisfactions, au détriment du développement de son individualité.  Il se concentre ensuite sur la question de l’artiste, sur son rapport au public, sur le caractère révolutionnaire de toute création artistique, n’hésitant pas à remettre violemment à sa place la norme commune.

On s’imagine bien à quel point ce livre est « antisocial », mais je l’ai trouvé pourtant profondément éclairant et revigorant : Wilde , n’attaque la pensée commune par mépris, mais par souci de liberté d’esprit…ce qu’il espère avant tout, ce sont les conditions de développement idéales pour la pensée et la création de chacun. C’est un brin idéaliste (par exemple quand il explique que dans sa société idéale toutes les basses tâches seront prises en charges par des machines), mais très juste, et surtout très actuel : 110 ans après, la technique a progressé, et pourrait permettre un épanouissement supérieur de l’humanité, et pourtant le propos de Wilde résonne comme s’il avait été écrit hier. Les pages sur l’argent et la propriété m’ont semblé à ce titre particulièrement brûlantes. En fait, Wilde ne plaide pas pour un socialisme à la russe mais pour une sorte de démocratie à la grecque – il parle lui-même d’un « nouvel hellénisme » - permettant le meilleur développement intellectuel et artistique, en laissant à l’homme tout le champ nécessaire pour soigner ses propres forces. Au niveau politique, cela semble bien sûr délicat, mais au niveau individuel, Wilde propose des réflexions très stimulantes pour chacun de nous. En bref, ce petit livre est encore aujourd’hui un vrai brûlot, magnifiquement écrit, fluide et enthousiasmant, à lire et à faire circuler !

Un petit mot enfin sur la qualité de l’édition : le format est original et agréable (plus étroit qu’un livre de poche « normal »), la couverture très chouette, reprenant des lettres-clés du titre façon test de Rorschach, le papier de belle qualité et l’impression très fine (avec une de mes polices de caractère préférées en plus !). Bref : un bel objet, que l’on a envie d’offrir à la fois pour son contenu et  son contenant… Je suivrai avec beaucoup d’attention les prochaines publications des éditions Aux Forges de Vulcain, et notamment leur collection "Essais", inaugurée par ce livre de Wilde.


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