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La complainte du condamné

Publié le 04 mars 2011 par Vogelsong @Vogelsong

“Et pendant que vous y êtes, si vous pouviez supprimer leurs subventions (aux associations antiracistes), cela ferait du bien au budget de l’Etat” – E. Zemmour aux élus UMP le 2 mars 2011

La conférence organisée par les réformateurs libéraux sur le thème “Les normes vont-elles tuer les libertés des Français ?” aurait tout autant pu s’intituler “La relativité des valeurs dans la France de N. Sarkozy”. À cette occasion, E. Zemmour a pu exposer toute la roideur de ses thèses. Profitant du contexte, condamnation récente et auditoire pleinement conquis, il s’en est pris à la Halde, l’antiracisme, et au politiquement correct. Dans une France plombée par une ambiance liberticide où il incarne la libre parole. Muselé, mais revêche, discriminé, mais debout, tel un résistant. Au vu du nombre de caméras sur place, la couverture médiatique de l’évènement, tout a été dit sur cette rencontre. À part peut-être, et paradoxalement, ses accents relativistes.

La complainte du condamnéOn pouvait lire l’épanouissement sur les visages d’H. Novelli et de J. -F. Copé. Une salle comble, des journalistes par dizaines, pour un séminaire qui n’aurait pas dû faire une ligne, une image en temps normal. Promotion plein régime, saturation des antennes, l’extase médiatique selon les canons de la communication droitière. Le député maire de Meaux, par contre, prit son air courroucé pour donner une leçon de démocratie à un journaliste trop entreprenant : “Heureusement que dans un État de droit, quand on est condamné et que (…) l’on répare sa faute, on n’a pas cette étiquette sur le dos toute sa vie. Quand même, ça suffit!”. Comme une évidence.

Pourtant autre son de cloche que lors de l’affaire d’A. Soumaré qui pimenta les élections régionales de 2010. Une tête de liste du PS avec un casier judiciaire. Dans la République irréprochable façon Sarkozy, impensable. J. –F. Copé, malgré les preuves et dénégations, continua (même après réfutations) de guerroyer : “Il y a tout de même des faits avérés…”.

En 2008, J. -M. Rouillan rencontra O. Besancenot en marge de la création du NPA. L’ex-membre d’action directe condamné à perpétuité pour deux meurtres donna une interview à L’Express alors qu’il était en liberté conditionnelle. Avec une tonalité politique, et sans reniement de son histoire. Cela mit (à tort ou raison) tout le landerneau politique en émoi. J.-F. Copé ne s’était pas privé d’accuser le “postier” du parti anticapitaliste d’employer “la même stratégie que Jean-Marie Le Pen il y a vingt ans, en ne reculant devant aucune provocation”. Relativisme…

Au-delà des prises de position de J. –F. Copé, c’est toute la posture de la droite qui suscite l’interrogation. Non pas qu’il soit interdit d’inviter un condamné. Bien au contraire. Ce qui interloque c’est la variabilité opportuniste de la posture face aux condamnés. Et de fait face aux victimes.

N. Sarkozy apprécie les victimes, partager leurs souffrances. Dans ce deal des émotions, il aime montrer son empathie avec ceux qui souffrent. N. Sarkozy plus que tout autre pratique le dolorisme politique, la victimophilie compassionnelle. Le 21 avril 2009 à Nice il proposera que l’on examine “dans quelles conditions on pourrait voir que la victime, elle aussi, a le droit à un avocat à la minute de l’agression qu’elle subit (…) Il n’est quand même pas extravagant de demander que la victime soit traitée dans la même condition que le délinquant”. Des lamentations télévisuelles jamais suivies d’effets. Mais la marque est là.

En Invitant E. Zemmour, les libéraux de l’UMP actionnent le ressort de la contestation à l’ordre établi, à la chose jugée, à la hiérarchie des normes qui sont prônées au sein même de ce parti. Les victimes du procès entre E. Zemmour et les associations antiracistes sont les associations antiracistes et par là même tous les discriminés. Alors que J. –F. Copé comme H. Novelli laissent entendre qu’E. Zemmour est une victime. Un penseur minoritaire que des forces tentent de faire taire. Une victime de l’État. Voire de la justice. Ou des forces immanentes de l’extrême gauche moralisante. Ou d’on sait qui…

L’aréopage UMP (qui se félicitent de la présence du journaliste penseur) auraient pu depuis dix ans qu’ils sont au pouvoir mettre en place une loi sur la liberté d’expression, type 1er amendement des USA. Au lieu de cela, ils organisent des célébrations de martyres… Dans un pays où ils sont aux commandes. Alors soit l’extrême gauche a infiltré tout l’appareil de décision, y fait régner une omerta orwellienne (comme le précise E. Zemmour déjà invité par N. Dupont-Aignan à l’Assemblé Nationale aux Etats généraux de l’indépendance en décembre 2010), soit le gouvernement organise lui-même les débats et les contre-débats. Un trust médiatico-politique pour occuper tout le terrain de ce qu’il reste de pensée dans la France d’après. Dans les deux cas, la démocratie souffre de carences fatales.

À point nommé, le 22 février 2011, l’INAVEM et le gouvernement organisaient “la journée pour les victimes”. Où étaient présents notamment les futurs ex-ministres M. Alliot-Marie et B. Hortefeux. Eux-mêmes “victimes” ou “coupables”… C’est selon.

Vogelsong – 3 mars 2011 – Paris

Zemmour s'égaye à l'UMP


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