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Ce dixième remaniement ministériel

Publié le 05 mars 2011 par Alex75

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Revenons sur ce dixième remaniement ministériel, symptôme d’une Ve République à bout de souffle et d’un régime réduit par le mandat présidentiel à cinq ans, qui semble conduire la France à une forme d’élection permanente. Comme l'analysait l'historien Marc Savina dans un récent édito, pendant trois ans, “Nicolas Sarkozy a su manœuvrer - d’ailleurs assez habilement -, donnant le change, créant le scénario”. Pendant trois ans, il avait une semaine d’avance sur tout le monde, et la presse cadenacée suivait, incapable d’anticipation. Cependant, tout semble montrer que Sarkozy a maintenant perdu la main, et court derrière une actualité, dont il n’est plus l’auteur, mais désormais un simple acteur pathétique. Mais l’autre élément important et le mouvement le plus spectaculaire de cette recomposition gouvernementale, c’est sinon le retour en majesté du « meilleur d’entre nous », qui apparaît comme le nouvel homme fort du gouvernement. 

Jacques Chirac l’avait baptisé ainsi, à la veille de la présidentielle de 1995. Mais à ne pas s’y tromper, cette citation passée à la postérité, doit cependant être pris au 1er degré, dans le sens étroit des élites politiques, économiques, médiatiques. Il est vrai, que de montagnes russes dans la carrière d’Alain Juppé. Il y a sept ans, on l’a dit mort politiquement. Mais Alain Juppé, l’homme au destin fracassé, opère son retour en grâce, après cinq ans aux oubliettes. Il apparaît comme le « sauveur » chargé de tirer le président aux abois vers le haut. Mais c’est un retour aussi au Quai d’Orsay, pour Alain Juppé, où il avait fait l’unanimité entre 1993 et 95. Avant la descente vertigineuse dans l’enfer de Matignon, la France dans la rue quelques mois après son arrivée, la réforme avortée et mal entreprise des retraites. Suivi du désastre de la dissolution de 1997, jusqu’à l’apothéose de sa condamnation en 2004, dans l’affaire des emplois de la ville de Paris. Son retour en 2007, au poste de ministre d’Etat, apparaissait ainsi comme un miracle, avant d’être écarté. Puis Juppé avait refusé le quai d’Orsay, car il savait qu’il ne pourrait supporter la tutelle élyséenne. Mais justement Claude Guéant quitte l’Elysée, pour la place Bauveau. Et le rapport de force est désormais en sa faveur. 

Sarkozy est aussi fasciné par son intelligence, et sa capacité de synthèse, que le fut en son temps, Jacques Chirac. Il le consulte et le consultera bien au-delà de ses compétences internationales. Car Alain Juppé, c’est un esprit de synthèse hors-du-commun. Mais aussi mis au service d’un conformisme bien pensant, rarement pris en défaut. On l’a vu, quand il a tancé Nicolas Sarkozy sur l’identité nationale, faisant la joie de la gauche et des médias, mais aussi quand il écrit un livre à quatre mains, avec Michel Rocard, où on ne sait plus qui tient le stylo. Ce même Alain Juppé qui avait émis de sérieuses réserves sur le retour de la France dans le commandement militaire de l’Otan décidé par Nicolas Sarkozy en mars 2009. Mais qui défend aujourd’hui, ce retour de la France, qu’il avait naguère condamné. Ce même Alain Juppé qui répétait aux médias, avec un rare aplomb « Je n’irai pas au gouvernement même si on me le proposait ! », avant d’abuser son monde et son électorat à la mairie de Bordeaux, le 14 novembre 2010, en entrant au ministère de la Défense. « La science du plus grand usage, est l’art de dissimuler » (Baltasar Graciàn, « L’homme de cour »). Et cet homme cultivé apparaît, sans aucun doute, comme un fin connaisseur de la pensée du brillant jésuite espagnol.

Fini le temps de l’amateurisme gouvernemental. C’est maintenant l’heure des vieux renards de la vie politique, semblant reconstituer l’Etat RPR à un an des élections présidentielles. L’ami de longue date, Brice Hortefeux, a été écarté définitivement - il jouera désormais un rôle au sein de l’UMP -, Michèle Alliot-Marie a été contrainte à la démission, les vieux amis et personnalités issues de l’ouverture, ont été définitivement écartés. Mais la grande victime de ce remaniement est aussi notre premier ministre. Au temps glorieux de l’hyper-présidence, certains avaient vu en François Fillon, une sorte de vice-président. Mais c’est lui désormais, qui a un vice-premier ministre, particulièrement encombrant…

   J. D.


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