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monde foliacé de multiples images spectrales

Publié le 05 mars 2011 par Lironjeremy
monde foliacé de multiples images spectrales

On dit dans certaines sociétés que la photographie vole un peu de l'âme de celui qu'elle prend pour sujet. Balzac confiait lui-même à Nadar une « appréhension vague » à se retrouver pris dans l'œil impitoyable et mystérieux dans la nuit duquel se prend la photographie : il lui semble que la photographie « surprend, détache et retient » une couche de lui. Et on connait pour soi ce sentiment d'être effectivement pris de biais, mis à nu ou dépossédé d'une part de soi lorsque l'appareil vous fixe profondément. Pour Balzac il semble que chacun soit « foliacé » de multiples « images spectrales » que l'appareil photo « détache » et « retient ». Peut-être envisage-t-il avec effroi au fond de lui l'extrême possibilité d'être après multiples poses pelé complètement, s'effaçant sur son vide à la manière d'un oignon. On sait aussi ce sentiment d'être dévisagé par un regard : comme si votre visage même vous était hotté, happé par l'œil de celui qui insiste.

L'image est une chose difficile à penser ; longtemps il a semblé que l'image pour figurer si fidèlement la chose devait lui en être consubstantielle. Image et chose, dans leur similitude, ne pouvaient être que deux manifestations d'une même chose. Alors pouvait-on agir sur la chose par l'image. Les prières s'accompagnaient d'ex voto peints, le vaudou réclamait des figurines et peut-être que les chasses nécessitaient-elles aussi leurs figurations rupestres afin de se conclure favorablement. Les exemples sont nombreux et il nous reste quelques superstitions tenaces vis à vis des images qui nous incitent à nous montrer prévenant envers les images d'être chers et à scarifier avec jubilation les portraits d'individus détestés. Pour autant ce n'est pas agir avec légèreté, sous l'effet d'une tradition solide et souterraine. Dans les faits, la réalité influence l'image qui la prend pour objet tout autant que l'image redéfinie la réalité, témoigne d'un pouvoir sur les choses. En un sens, l'image participe de la réalité. Image et réalité sont deux notions complémentaires pour manifester le monde. Des pans sans doute de plus en plus importants du monde se donnent sous la forme d'image. Le monde peut-être dans son entier se dresse comme une image. Longtemps avant Debord, Feueurbach notait : « notre époque préfère l'image à la chose, la copie à l'original, la représentation à la réalité, le paraître à l'être. » Et l'on se reconnaît aujourd'hui plus que jamais dans ce constat ajoutant en complément comme l'information et même la fiction sont pareillement préférées à l'expérience. Nous vivons indéniablement dans un monde d'images comme en une forêt de signes.

Comme ce regard photographique, les peintures de Maude arrachent un peu au monde comme à un document pour dans un même mouvement y apposer leur fiction.


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