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La Peur Du « 21 Avril » Ou L’Impuissance Révélée De Notre Classe Politique

Publié le 09 mars 2011 par Sagephilippe @philippesage

Et voilà ! Ça vacille, cède à la panique, déjà que ça n’allait pas fort dans les états-majors. Il aura suffi de quelques sondages et bam ! On appelle au « rassemblement » à gauche, au « vote utile » ; on petit-déjeune à droite avec le honni d’hier, on dragouille le centriste, et allez donc ! … La raison de toute cette agitation : la peur. Celle d’un « 21 avril » à l’envers, à l’endroit, total, définitif.
La peur, cette mauvaise conseillère.
CharlieHebdo-28mars2007.jpgIl est, à ce propos, intéressant, ô combien édifiant, de constater que cet argument, ce chiffon qu’on agite, la peur, est utilisé pour tout, ou à peu près tout. C’est assez révélateur de la société dans laquelle nous vivons. Cette peur est tellement présente, quotidienne, que désormais le seul projet politique qui nous est proposé c’est : nous protéger.
Nous protéger des « flux migratoires », nous protéger de la « mondialisation » , nous protéger de la « violence », nous protéger du « chômage », nous protéger de tout en fait ...
Fut un temps, l’on nous proposait plutôt un avenir, des perspectives, un chemin, des solutions. Bref, de quoi s’enthousiasmer, se projeter. Et même si ces promesses (de lendemains qui chantent) n’étaient pas honorées, pas toujours, qu’elles se heurtaient à une réalité économique, à l’imprévisible, à la guerre, elles donnèrent force, espoir, volonté. Elles libéraient les énergies, comme on dit. Celles vives du pays.
En renonçant à cette voie, celle d’un projet d’avenir, véritable, pour nous proposer un programme, et un seul, consistant à nous assurer « protection », le politique nous incite à l’apathie, nous ankylose, nous enferme, mais aussi, nous infantilise.
Nonobstant, en assurant qu’il (le politique) va « nous protéger », il confirme, au fond, que nos peurs sont fondées. Et s’il nous dit : « N’ayez pas peur ! » c’est parce qu’il n'a pour seule ambition que de se présenter comme notre protecteur.
En vérité, cette attitude, démontre l’impuissance de notre classe politique. Si elle en est réduite à nous assurer « protection » et rien d’autre, c’est bien là, oui, une preuve (de plus) de son impuissance.
Ce premier constat est déjà bien inquiétant, mais si en plus, cette même classe politique cède à la peur, alors nous courons droit vers le séisme annoncé.
Or donc, cette peur qui saisit la classe politique, c’est celle d’un nouveau « 21 avril ». Peu importe dans quel sens, endroit, envers, il faut « se protéger » de cette éventualité. Non pas « nous protéger », nous le peuple, d’un « 21 avril », mais « s’en protéger elle », ne pas en être l’une des victimes. Ne pas être le cocu, le Jospin de 2012.
On aurait pu espérer que la vague sondagière (contestable ou pas dans la méthodologie, peu importe) incitât les différents partis, notamment les deux dominants, PS et UMP, à répliquer sur le plan des idées, des projets. Mais là encore, il n’en fut rien. Autre preuve de leur impuissance. Nous eûmes droit à des « petites phrases », des accusations, c’est de la faute à Sarkozy, c’est en grande partie de la responsabilité des socialistes, bref, nous eûmes droit à des gamineries. C’est à la fois indigne et désespérant. Et ça fait « peur » surtout. Cercle vicieux. Dont, bien évidemment, profitera une nouvelle fois, Marine Le Pen.
Mais comment se traduit-elle, cette peur d’un « 21 avril » ?
Par la réduction de candidats à droite comme à gauche. En « simplifiant » l’offre politique.
A droite, on prie M. de Villepin de ne pas se présenter. On appelle les centristes (Morin, Borloo) à la raison. L’argument ? Moins il y aura de candidats à droite, et plus Nicolas Sarkozy fera le plein de voix au premier tour. C’est beau, non, les mathématiques modernes ? [1]
Mais c’est exactement la même chose à gauche. François Hollande, visiblement paniqué, appelle tous les jours au rassemblement de la gauche, dès le premier tour. Il milite pour une candidature unique. Souvenez-vous, 2002, martèle-t-il, Taubira, Chevènement, et pour quel résultat ? Ne rééditons pas cette erreur. Sauf que, ce n’était pas une erreur. C’est juste que Lionel Jospin a raté sa campagne. Mais allez expliquer cela à quelqu’un qui a peur ! A ce point, qu’il en oublie les électeurs. Tout comme la droite les oublie, aussi.
Ce n’est pas en réduisant le nombre de candidats, que l’UMP et le PS, contreront le Front National. Je serais même tenté de dire : au contraire !
Certes, pléthore de candidats ne signifie pas grand-chose. Ce serait même une plaie pour la démocratie. En effet, 16 candidats pour une présidentielle, ça n’est pas sérieux. Il ne s’agit pas d’élire un député ou un maire, bon sang ! mais celui va présider le pays pendant cinq ans. 16 postulants pour une telle fonction, ça n'est pas crédible. Tout comme, au passage, il ne peut y avoir pléthore de candidats pour une Primaire, fut-elle socialiste ! Deux (voire trois) me semble être le maximum. Au-delà, ça relève plus du cirque, de la téléréalité qu’autre chose [2].
S’agissant d’une présidentielle, il est normal, me semble-t-il, que les différentes sensibilités politiques fassent entendre leurs voix. Ainsi, les centristes, les souverainistes, les écologistes, l’extrême-gauche, l’extrême-droite, le PCF, le PS, l’UMP ... L’on me dira que certains sont compatibles, solubles, certes, mais ça, c’est l’étape suivante, celle du second tour.
M. Hollande et M. Sarkozy souhaiteraient-ils que nous fassions l’économie d’un premier tour, ou d’en réduire drastiquement l’offre, au seul motif que, mon dieu ! Marine Le Pen pourrait les devancer ? Est-ce ça, la démocratie ? N’est-ce pas plutôt une façon de la confisquer au peuple ? Et d’ailleurs, cette façon d’agir, que révèle-t-elle, sinon, outre la peur, une méfiance envers le peuple ? Un mépris, d’une certaine façon.
Là encore, c’est Marine Le Pen qui en tirera gros bénéfice.
Ce n’est pas par la peur qu’on vainc, c’est par le courage. C’est en proposant un avenir, un projet, un chemin. Fussent-ils difficiles.
Ce n’est pas en faisant peur, qu’on gagne le cœur du peuple, c’est en démontrant sa puissance, sa volonté.
Ce n’est pas en infantilisant « les gens » qu’on conquiert leur confiance, mais en les élevant, ou – comme ce fut dit trivialement – « en les tirant vers le haut ».
Le peuple ne veut pas d’un protecteur, il ne veut pas être protégé, il veut qu’on l’entende et qu’on le respecte.
Le peuple ne demande pas mieux qu’adhérer à un projet. La peur, n’en est pas un. A fortiori, « les peurs ». Et à trop jouer avec, il est évident, voire inéluctable, que la sanction sera terrible.


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