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X contre Y : le match des générations*, ou comment nous sommes devenus accros à Internet

Publié le 14 mars 2011 par Evainlondon

(*et non des sexes)

Ce qu’il y a de bien, quand on travaille pour un cabinet de conseil « en management » (dénomination qui m’a toujours semblé énigmatique), c’est que même en n’étant pas cool du tout, comme moi, on arrive quand même à choper deux ou trois termes tendance au passage. Bon, ces tendances-là sont généralement le fruit de la méditation embrumée de consultants très très seniors à qui on a indiqué qu’ils feraient mieux de justifier leurs salaires en concevant quelques idées novatrices de ci de là plutôt qu’en annotant les tableaux Excel des petits grouillots comme moi ; autant dire que niveau coolitude, ça se pose là. Mais faisant feu de tout bois, je ne manque jamais d’exposer les dits concepts novateurs dans les dîners mondains lorsque je retrouve mes amis parisiens une fois par mois.

Ce mois-là, le terme que ressassaient les SuperConsultants, rendez-vous client après rendez-vous client, c’était « Génération Y ». Et si – corrigez-moi si je me trompe – la notion a depuis déboulé en France, à l’époque, nos SuperConsultants n’étaient pas peu fiers de discourir sur la meilleure manière de « manager » les « Générations Y », justifiant ainsi leur positionnement de spécialistes du « management » :

- comment leur donner envie de venir travailler pour votre multinationale à open spaces de 1 500 personnes par plateau

- comment les motiver une fois qu’ils ont découvert « leur » plateau (la signature email de l’un de nos clients contenant ainsi son « adresse » open-spacesque : E2.15.03, encore mieux que le matricule pour donner l’impression d’être irremplaçable aux yeux de son employeur)

- et enfin, comment réussir à les faire bosser autant que leurs aînés, mais sans la sécurité de l’emploi ni la garantie d’une retraite digne de ce nom.

Autant dire que le sujet captait toute l’attention de nos SuperClients.

Mais au fait, Génération Y, késaco ?

Je laisse les explications sérieuses à des publications plus crédibles que la mienne, mais mon interprétation de la chose tient en une phrase : jamais sans ma connexion. Smartphone, iPad, GPS, netbook, ordinateur portable et j’en passe, le représentant de la génération Y est sans cesse connecté. A quoi, à qui, je ne sais pas très bien, mais une chose est sûre, il est online.

X contre Y : le match des générations*, ou comment nous sommes devenus accros à Internet

A part pour faire mon intéressante, les cocos de la génération Y me laisseraient sans doute assez indifférente… si seulement je n’étais pas fiancée à l’un d’eux.

Si la date de naissance de la génération Y fait débat auprès des experts, je pourrais les renseigner, moi : il s’agit de LA journée qui sépare la naissance de Prince de la mienne. Nous avons beau être nés à deux jours d’écart, un fossé générationnel nous sépare ; tandis que Prince a les yeux audacieusement tournés vers le XXIème siècle, je me languis du XXème dont je n’ai toujours pas fait le deuil en digne « Génération X » (les ringards, quoi). Et les conséquences sur notre vie de couple abondent.

Disons les choses comme elles sont : Prince vit sur Internet. En arrivant au bureau le matin, il retrouve avec joie ses huit écrans, apparemment tous indispensables, et rebranche sa perfusion aux news Bloomberg 24 heures sur 24, au cas où les huit écrans n’y suffiraient pas. Lorsqu’il quitte le travail, son smartphone est là pour lui fournir les nombreuses informations susceptibles de lui avoir échappé pendant la journée, on ne sait jamais, des fois qu’il aurait travaillé. En rentrant au foyer, ô soulagement, il peut enfin consulter ses mails personnels, interdits d’accès à la banque dans un semblant de tentative de limiter les fraudes. 48 secondes après avoir démarré l’ordinateur, Prince nage dans la félicité virtuelle, face à cinq onglets différents, dont un site d’informations en hongrois (décidément, on n’est jamais trop informé, surtout lorsqu’on se limite aux gros titres), de la musique, un blog spécialisé dans les gadgets divers et variés, un blog pour le faire rire et un cours de finance en ligne (oui oui, ça existe).

Et moi, pendant ce temps ? Je râle.

Je râle parce que mes CD prennent la poussière, « mais à quoi bon lancer un CD puisque tout est sur spotify ? ».
Je râle parce qu’il a beau être 23h30, Prince traque encore l’info cruciale qu’il a dû rater sous la douche entre 23h15 et 23h25.
Je râle parce que j’ai l’impression que je suis sur le point de m’engager à épouser, non seulement Prince, mais l’attirail électronique qui l’escorte.
Je râle parce que skype, c’est bien, mais au lieu de jurer en hongrois (ce qui est quand même toujours poilant) parce que ça coupe pour la quatrième fois en dix minutes, Prince n’a qu’à décrocher notre bon vieux combiné.
Je râle parce que si on a décidé de ne pas acheter de télé, ce n’est pas pour se retrouver devant BBC iPlayer un soir sur deux – même si je dois avouer que leurs documentaires sont tout bonnement excellents.
Je râle parce que mes ouvrages d’histoire, fiches de cuisine, manuels de photo et autres beaux livres croupissent sur nos étagères, pendant que Prince surfe sur Wikipédia pour répondre à toutes les questions que je peux lui poser. « Ben oui, sur Internet, y a TOUT ». Imbattable, comme raisonnement.

Face à tant d’aplomb, je m’énerve, je hausse le ton, je menace de couper Internet pour la soirée. Rien n’y fait. Et pour cause : la vraie accro à Internet, c’est moi. La radio en ligne, les blogs de cuisine, les mails persos, les photos de vacances de parfaits inconnus sur Facebook, impossible de m’en passer. Et quand Prince rentre et se précipite sur l’ordinateur, me voilà désemparée : comment m’occuper ? Lire un vrai livre ? Un vrai journal ? Que j’aimerais en être capable… mais Internet semble déjà avoir fait trop de dégâts sur mes méninges. Lire pour de vrai, fournir un effort, alors que je peux flemmarder avec bonne conscience sur le site du Figaro en ne regardant que les images ? Et dire que je reproche à Prince de ne lire que les gros titres… cela constituerait presque un progrès pour moi.

Enfin, en attendant que Prince prenne la mesure de ma duplicité, je continue de râler. C’est encore ce que je fais de mieux.

Et vous, sur une échelle de 1 à 10, à quel point êtes-vous accro à Internet ?

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