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Qui a dit : Les magistrats sont des “pervers” aux “problèmes parasexuels” ?

Publié le 15 mars 2011 par Kamizole

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Je n’entends certainement pas dresser une couronne de lauriers – “d’épines” conviendrait mieux quand bien même Pâques sera-t-il fort tardif (fin avril) cette année – à cet australopithèque aussi mal dégrossi que mal embouché… Je lui dis d’autant moins merci que je croule littéralement sous le travail et sous une continuelle avalanche d’infos toutes aussi importantes les unes que les autres, du moins à mes yeux… Si vous avez un instant pensé à Nicolas Sarkozy – n’a-t-il pas traité il y a quelque temps les journalistes de pédophiles ? – je serais dans l’obligation de vous mettre un zéro pointé. Mais il s’agit bien entendu d’un de ses chiens de garde qui l’ouvre sans doute moins souvent que l’habituelle meute mais n’en sarkonne pas moins à chaque fois.

Je vous le donne en mille : il s’agit de Denis Tillinac que j’ai déjà éreinté dans ces colonnes. Je ne pouvais laisser passer un tel titre sans y aller voir DENIS TILLINAC - Les magistrats, des “pervers” aux “problèmes para-sexuels” (9 mars 2011) que vous pourrez lire sur le blog «bigbrowser» du Monde…

Or donc, invité par Pascale Clark sur France-Inter hier matin, ce proche de Jacques Chirac s’est cru autorisé à qualifier les magistrats de «pervers» s’agissant du procès des emplois fictifs de la Ville de Paris dans lequel l’ex-président de la République et ancien maire de Paris est impliqué… Ne pouvant être jugé tant qu’il était chef de l’Etat, le procès avait donc été remis jusqu’au moment où il redeviendrait un citoyen comme les autres. Il vient d’être repoussé une nouvelle fois, à la demande de l’avocat de Rémy Chardon – un des co-inculpés de Jacques Chirac dans cette affaire - qui a soulevé comme il se doit dès l’ouverture du procès (in limine litis) une «Question prioritaire de constitution-nalité» (QPC) – procédure permise depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et qui constitue bien évidemment une avancée considérable en matière de droits de la défense.

Petite ironie de l’histoire qui en manque rarement, l’avocat de Rémy Chardon n’est autre que M° Jean-Yves Leborgne (son nom ne vous dit peut-être rien mais il est également l’avocat d’Eric Woerth) alors que Jacques Chirac est défendu principalement par Me Georges Kiejman, lequel défendait avec acharnement les intérêts de Liliane Bettencourt…Il ne manquerait plus que M° Olivier Metzner (avocat de Françoise Bettencourt-Meyers) pour que la boucle fût bouclée, d’autant qu’il est également l’avocat de Dominique de Villepin, lequel fut paraît-il jugé dans la même salle d’audience. Le Landerneau politico-judiciaire est drôlement petit, n’est-il pas ?

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Le moins que l’on en puisse dire est que cette affaire est passablement embrouillée. Il y a même deux affaires distinctes qui ont été réunies et c’est sans doute cela qui pose problème pour le plus grand plaisir des avocats et sans doute de Jacques Chirac… M° Kiejman veut donner l’impression de n’y pas toucher mais ne convainc personne, en témoigne l’article de Bérénice Rocfort-Giovanni qui suit le procès et ses méandres pour le Nouvel Obs Le double jeu des avocats de Chirac (8 mars 2011) :

«Me Kiejman, avocat de Jacques Chirac, s’est, juste après l’annonce du report des débats dans le volet parisien, immédiatement défendu d’avoir joué un quelconque rôle dans le dépôt de cette QCM. Celle-ci émane de la défense de Rémy Chardon, ancien directeur de cabinet à la mairie de Paris, a-t-il martelé à l’issue de l’audience». Soit. Mais… «c’est avec conviction que la défense de Jacques Chirac a défendu son bien-fondé au premier jour de l’audience, par la voix de Me Jean Veil, autre avocat de Jacques Chirac. Et force est de constater qu’au final, elle arrange les intérêts de son client»…

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S’agissant de Jacques Chirac, il eût sans doute été nettement plus simple de le juger séparément dans l’affaire instruite à Nanterre concernant sept emplois occupés par des permanents du RPR dans la mesure où il restait le seul prévenu. C’est en effet dans ce volet des emplois présumés fictifs de la Mairie de Paris qu’ont été condamnés notamment Alain Juppé et Louise-Yvonne Casetta (la trésorière occulte du RPR dite «La Cassette» qui fut également poursuivie et condamnée dans une affaire de marchés publics où la Mairie de Paris avait “rançonné” un entrepreneur de maçonnerie). Mais comme je le démontrerais par la suite, l’affaire instruite à Paris eût été atteinte par la prescription, ce qui eût bien évidemment enchanté les co-inculpés de Jacques Chirac.

Comme le souligne le Nouvel Obs dans un article du 7 mars 2010 Le procès Chirac est suspendu à une question de procédure sur la prescription. La QPC porte effecti-vement sur la prescription des faits reprochés à Rémy Chardon, ancien directeur de cabinet à la mairie de Paris, lequel est jugé dans le cadre de l’affaire instruite à Paris, portant sur 21 emplois présumés de complaisance.

Je vous avouerais qu’ayant opté pour le droit public en maîtrise – où cette matière n’est pas enseignée – je suis loin d’être une as, s’agissant des règles de procédures. Le peu que je sais je le dois soit à des points étudiés dans le cadre de jurisprudences sur d’autres sujets, soit à des lectures ou aux renseignements que je cherche au coup par coup. La notion de «connexité» - qui semble avoir beaucoup d’importance dans cette espèce - m’était totalement étrangère. J’ai d’abord consulté Wikipedia pour y apprendre qu’elle est définie par l’article 203 du Code de procédure pénale (Légifrance) dont la lecture est fort instructive :

«Les infractions sont connexes soit lorsqu’elles ont été commises en même temps par plusieurs personnes réunies, soit lorsqu’elles ont été commises par différentes personnes, même en différents temps et en divers lieux, mais par suite d’un concert formé à l’avance entre elles, soit lorsque les coupables ont commis les unes pour se procurer les moyens de commettre les autres, pour en faciliter, pour en consommer l’exécution ou pour en assurer l’impunité, soit lorsque des choses enlevées, détournées ou obtenues à l’aide d’un crime ou d’un délit ont été, en tout ou partie, recelées».

Vous comprendrez donc aisément pourquoi Jacques Chirac – renvoyé devant la justice pour «détournement de fonds publics», «abus de confiance» et «prise illégale d’intérêt» - se défend comme un beau diable quand l’accusation «estime que les emplois en cause ont servi ses intérêts politiques et ceux du RPR, sans bénéficier à la municipalité» (…) et qu’il récuse l’idée d’un “système organisé” en prétendant au contraire ces recrutements recrutements “légitimes” et “utiles à la Ville de Paris”»… Il ne manque pas d’air !

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Mais intéressée depuis fort longtemps à cette question politico-judiciaire, je subodorais bien que derrière ces questions de connexité et de prescription se nichait de fait l’idée de faire tomber définitivement la jurisprudence constante (depuis un arrêt de 1967) de la Cour de cassation en matière «d’abus de bien social» (ABS pour les intimes)… d’où le recours au Conseil constitutionnel – pour autant que la Cour de cassation le jugeât utile. Et d’après ce qu’écrit le 9 mars 2011 Franck Johannès dans un article très didactique – la preuve, c’est que j’ai tout compris ! – du Monde : La Cour de cassation est peu disposée à transmettre la QPC… Il en détaille les raisons trois raisons principales :

1. D’abord, la Cour de cassation a déjà tranché la question de la connexité dans ce dossier en rejetant le 17 mai 2006 un pourvoi formé sur ce point par Michel Roussin – un des directeurs de cabinet de Jacques Chirac, actuellement poursuivi. Il ajoute que «Le dossier sur les emplois fictifs instruit à Paris a été sauvé de la prescription par sa jonction avec le volet de l’affaire instruit à Nanterre». Il faut en effet savoir que tous les actes de procédure (je ne rentrerais pas dans le détail) interrompent la prescription et qu’en outre, quand deux infractions sont connexes, un acte interruptif de prescription concernant l’une d’elles a nécessairement le même effet à l’égard de l’autre…

2. Ensuite, la Cour de cassation soutient mordicus sa jurisprudence sur la prescription de l’abus de bien social inaugurée par un arrêt de 1967 par lequel elle décida que «si le délai de prescription de l’action publique est habituellement de trois ans (…) les délits financiers et notamment l’ABS étant des infractions “dissimulées” – pas vu, pas pris – la prescription en la matière courait à compter de la date de la découverte des faits et non celle à laquelle ils avaient été commis».

Cela tombe sous le sens mais pour comprendre les ressorts dissimulés qui poussent constamment et depuis belle heurette les politiques à modifier ces règles de prescription – un magistrat relevant que «toutes ces tentatives se sont brisées contre la mobilisation du corps judiciaire» - je vous conseille à cet égard la lecture d’un autre article du Monde tout aussi instructif qui fait l’historique de ces vaines tentatives que les ministres de la justice successifs ne sont pas parvenus à imposer Modifier le régime de prescription de l’abus de biens sociaux, le cheval de bataille de la droite et du patronat. Il m’a remis en mémoire quelques épisodes, je me souvenais de l’essentiel mais n’ayant pas conservé mes archives papiers – trop encombrantes dans un petit appart ! – je n’avais plus les dates en mémoire.

Il ne vous aura sans doute pas échappé qu’en 2007, intervenant à l’occasion de l’Université d’été du Medef, Nicolas Sarkozy avait promis de changer les règles de prescription en la matière. Jusqu’à présent et à ma connaissance, il n’y est point parvenu et je doute qu’il puisse faire passer actuellement une telle réforme. Sa cote de popularité, déjà fort en berne n’y survivrait pas.

1. Enfin, la Cour de cassation refuse que le Conseil constitutionnel puisse avoir un droit de regard sur sa jurisprudence et s’insurge contre la volonté exprimée par deux décisions des 6 et 14 octobre 2010, qui se proposent d’examiner la constitutionnalité des “inter-prétations jurisprudentielles constantes” au même titre que celle des lois.

Le Conseil constitutionnel, outre qu’il rabaisserait la Cour de cassation en agissant comme une “Cour suprême” qu’il n’est pas (la Cour de cassation pour l’ordre judi-ciaire et le Conseil d’Etat, quand il statue en tant que juge administratif sont deux instances suprêmes composées de magistrats alors que quelques puissent être leurs qualités, les “Sages” du Conseil constitu-tionnel sont des personnalités politiques nommées par le président de la République, le président de l’Assemblée nationale et celui du Sénat…) outrepasserait les pouvoirs tels qui lui sont dévolus par la Constitution. Il risquerait d’alors tomber dans le “gouvernement des juges“, reproche fait à maintes reprises mais le plus souvent à tort par ceux qui étaient marris de ces décisions.

Il fait valoir en dernier lieu que Jean-Louis Debré est un intime de Jacques Chirac qui l’a nommé à la présidence du Conseil constitutionnel et que de surcroît un de ses frères – Denis Debré - est impliqué dans le volet parisien de cette affaire. Soit. Mais d’une part Jean-Louis Debré a déjà affirmé qu’il ne siégerait pas si le Conseil constitutionnel devait en délibérer et d’autre part, quand bien même ne suis-je pas du même bord politique que lui, je le crois fort volontiers assez honnête homme pour statuer en toute indépendance. C’est non seulement un juriste confirmé (il a été plusieurs années juge d’instruction) mais il avait réussi quand il fut président de l’Assemblée nationale à faire l’unanimité dans les rangs de la droite aussi bien que de la gauche, ce qui est fort rare.

Mais quoiqu’il en soit, pour l’instant le procès de Jacques Chirac est repoussé sine die et cette décision est très mal prise tant par les personnalités politiques de l’opposition que par l’opinion publique (il suffit de lire les commentaires sous les articles !). Beaucoup voyant dans le report du Procès Chirac : une justice à deux vitesses (Nouvel Obs du 9 mars 2009). Ainsi Arnaud Montebourg qui qualifie ce report de «recherche d’impunité par la bande» et estime que «L’on ne peut avoir une justice impitoyable pour les citoyens ordinaires dans la vie quotidienne et une justice clémente pour les citoyens exceptionnels que sont les présidents de la République». Notons que pour l’instant Jacques Chirac est le premier ancien président de la République à être envoyé en correctionnelle, certains qualifiant donc ce procès «d’historique»… Je vous passe les autres réactions des personnalités de l’opposition – du PCF au FN, en passant par le Modem - qui peu ou prou disent et dont la plupart ne manquent pas de citer Jean de La Fontaine (au moins, cela permet de retrouver ses classiques !) «Selon que vous serez puissant ou misérable les jugements de cour vous feront blanc ou noir»…

L’Editorialiste du Monde (9 mars 2011) Jacques Chirac ou l’impunité permanente… est particulièrement féroce pour l’ancien président de la République car s’il ne conteste pas la légitimité de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par un des accusés, il constate néanmoins que «si le droit est respecté, en revanche la morale démocratique ne l’est pas» et que «depuis bientôt vingt ans, Jacques Chirac bénéficie d’une immunité permanente en quelque sorte»… De bout en bout, avec autant d’acharnement que d’habileté, l’ancien chef de l’Etat aura donc été protégé des rigueurs éventuelles de la justice. Comme le symbole d’une justice à géométrie variable. Et comme un déni de démocratie de nature à creuser un peu plus le fossé de défiance qui sépare les gouvernants des citoyens».

C’est l’évidence même et c’est précisément ce que Denis Tillinac n’a visiblement pas compris :

“Les magistrats s’acharnent sur quelque chose qui n’a pas lieu d’être” (…) “Il est coupable de rien du tout (…), il y a avait une façon de financer la vie politique qui était artisanale (…) Les Français ne veulent pas voir un ancien chef d’Etat qui, estiment-ils, les a représentés dignement, humilié par des magistrats dont la jouissance et leurs problèmes parasexuels privés” (sic).

Je passerais sur la syntaxe déficiente - le “n” de la négation passant à la trappe - bien curieuse pour un écrivain… S’il écrit et pense comme il parle, ce doit-être du joli !

:)
- et sur la charge contre les magistrats - pourquoi des troubles seulement “para-sexuels” ? - antienne favorite de Nicolas Sarkozy et les fustiger comme de quasi maniaques sexuels vaut bien les «journalistes pédophiles», l’insulte tenant lieu maintenant d’arguments…

A preuve, la dernière sortie de Jacques Myard (Droite Populaire, quasi interface entre l’UMP et le Front national…) qui vient dernièrement de traiter de «bobos salopards» (sic !) les députés de la majorité qui ont – sagement – mis sous l’éteignoir la lubie de Nicolas Sarkozy sur l’extension de la déchéance de nationalité. J’ai l’air franchement conne quand je m’évertue à trouver des substituts au mot con qui est pourtant d’usage si courant qu’il n’est plus vraiment une injure et que je mets souvent juste la première lettre suivie de*** pour ne pas prendre le risque que Lait d’Beu fût censuré…

Denis Tillinac devrait être poursuivi pour “outrage à magistrats” d’autant que j’ai lu par ailleurs qu’il aurait récidivé sur d’autres antennes. Par ailleurs, il faudrait lui rappeler que nul ne doit contester une décision de justice… Surtout en de tels termes ! J’avoue qu’ayant été copieusement nourrie de commentaires d’arrêts ou autres articles de doctrine écrits par les meilleurs professeurs de droit dans les revues juridiques, lesquels sont parfois critiques envers les solutions retenues par les magistrats, il m’arrive parfois de l’être également. Mais Dieu me garde d’être injurieuse ! j’essaie d’être mesurée en pesant les arguments pour et contre comme je le ferais pour un commentaire d’arrêt ou une dissertation juridique où il faut les garder à égale distance.

Faut-il juger Chirac ? Les politiques sont divisés (Nouvel Obs du 7 mars 2011) telle est bien entendu en dernière analyse la question posée actuellement (et depuis longtemps) par la classe politique et l’opinion publique. Les positions des personnalités politiques «ne recoupent pas le traditionnel clivage droite-gauche» et s’agissant des Français, ils sont au moins aussi divisés : selon un sondage effectué le 7 mars, jour d’ouverture du procès, 56 % pensent que Jacques Chirac doit être jugé, ce qui ne constitue pas une franche majorité, convenons-en… Or donc, quand il prétend parler «au nom des Français» Denis Tillinac n’exprime l’avis que d’une relative minorité…

L’avis des Français aura-t-il changé depuis que le procès à été remis sine die ? Peut-être et cela risque une fois de plus de donner force munitions à Marine Le Pen qui n’en manque déjà pas !

Je partage tout à fait l’avis de François Hollande qui affirme : «Il faut qu’il y ait procès (…) Ce rendez-vous avec la justice est incontournable. Non pas par acharnement, non pas par vengeance, mais parce que des faits ont été commis et qu’il y a eu pendant plusieurs années, par la présence de Jacques Chirac à l’Elysée, une protection, une immunité liée à ce statut de chef de l’Etat. Et donc, nécessairement, cela devait venir après sa sortie de l’Elysée”. “J’ai de la considération pour Jacques Chirac, du respect pour la fonction qui a été la sienne comme président de la République. Donc je souhaite que la justice passe, mais avec équilibre et mesure“.

En revanche, Gérard Collomb, sénateur-maire PS de Lyon, est tout aussi à côté de la plaque que Denis Tillinac quand il déclare sur Canal + «Jacques Chirac, je suis comme les Français : je l’ai beaucoup combattu et puis en même temps aujourd’hui, j’ai une certaine tendresse pour lui (…) Aujourd’hui Jacques Chirac, son juge c’est l’histoire, c’est pas une cour»…

Je regrette mais le droit n’est pas une affaire de sentiments. N’y doivent y entrer ni haine ni la soif de vengeance – nous n’avons que trop vu l’acharnement de Nicolas Sarkozy contre Dominique de Villepin dans l’affaire Clearstream – ni le respect, l’amitié ou la tendresse. Quant au jugement de l’histoire, c’est trop facile. Pourquoi pas aussi le “Jugement dernier” ? La justice des hommes est certes loin d’être parfaite mais elle a le mérite d’exister hic et nunc.

Or, et n’en déplaise à Denis Tillinac, il ne s’agit pas de broutilles sur lesquelles l’on pourrait passer “l’éponge magique” chère aux rugbymen aussi facilement qu’il le prétend. Des faits très graves ont été commis. Parce qu’au-delà de Paris, c’était bien ce que l’on nomma à fort juste titre «l’Etat RPR» qui, en permettant de rémunérer sans travail effectif des permanents du parti de Jacques Chirac, lui donnait un avantage considérable sur les partis concurrents, faussant indéniablement le libre jeu démocratique.

Quant à prétendre «qu’il avait une façon de financer la vie politique qui était artisanale», soit Tillinac ment effrontément soit il n’a aucune mémoire.

Il oublie en effet que précisément à cause de scandales financiers liés au financement occulte des partis politiques par des entreprises, fut instaurée dès 1988 la première loi instituant le financement public des partis politiques représentés à l’Assemblée nationale et au Sénat et qu’en janvier 1990 – dans le cadre de l’affaire Urba (financement du PS) – la loi dite «Rocard» amnistia toutes les infractions liées au financement des partis politiques antérieures au 15 juin 1989. Je passe sur les lois postérieures que vous trouverez sur Wikipedia, bien utile pour se rafraîchir la mémoire sur les dates et autres détails.

En effet, et Denis Tillinac devrait s’en souvenir : cette amnistie fut une faramineuse connerie à laquelle je fus d’emblée hostile. Quand bien même eût-elle profité à l’ensemble de la classe politique, elle fut un véritable boulet que traîna fort longtemps le Parti socialiste, les plus acharnés étant le RPR. Sans même parler du désastre dans l’opinion publique, sur le thème «tous pourris» si cher à Jean-Marie Le Pen. Ne pas juger Jacques Chirac aurait le même effet dévastateur.

Il est manifestement coupable dans le volet de l’affaire instruit à Nanterre puisque pour les mêmes faits Alain Juppé fut condamné en 2004 par la Cour d’appel de Versailles à 14 mois avec sursis et un an d’inéligibilité. Il fut d’ailleurs remarqué à l’époque une certaine grandeur que Nicolas Sarkozy pourrait lui envier car il avait encaissé sans broncher, entendre sans impliquer Jacques Chirac.

A supposer que le procès puisse aller à son terme et que Jacques Chirac soit encore vivant lorsqu’il aura lieu et soit condamné – il encourt jusqu’à 10 ans de prison et 150.000 euros d’amende – à de la prison ferme, encore que cette hypothèse me paraisse peu crédible, je pense plutôt à un sursis, je ne serais absolument pas hostile qu’il fût dispensé de peine en raison de son âge et/ou de son état de santé.

La seule chose qui m’importe étant en effet que les faits qui lui sont reprochés soient jugés suffisamment graves pour être pénalement condamnés. Je pense qu’une grande partie de l’opinion publique serait tout aussi satisfaite par une telle solution. Il ne s’agit pas de vengeance mais de simple et équitable justice.

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