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La crise au Bahreïn, plus dangereuse qu’en Libye

Publié le 18 mars 2011 par Copeau @Contrepoints

Par Andrew Rettman

Les spécialistes de la sécurité de l’UE s’inquiètent du fait que les émeutes chiites et sunnites au Bahreïn ont le potentiel de provoquer un affrontement entre ces deux courants religieux dans toute la péninsule arabique.

« Ce qui se passe au Bahreïn est une opposition entre sunnites et chiites, entre l’Arabie Saoudite et l’Iran. Il s’agit de grandes puissances se faisant face sur un petit territoire. C’est une situation explosive. Nous partageons les mêmes inquiétudes que les État-Unis et la Russie », déclare à EUobserver une source anonyme au sein de l’Union européenne ce mercredi 16 mars 2011.

« En terme de politique étrangère, il s’agit d’un enjeu énorme. Nous ne savons pas jusqu’où cela va aller », note une autre source de l’UE, à propos de la décision des États sunnites d’Oman, du Qatar, de l’Arabie saoudite, et des Émirats Arabes Unis d’envoyer des forces de sécurité pour réprimer les émeutes à Bahreïn. « Si l’Arabie saoudite et l’Iran s’impliquent ouvertement dans cette crise, elle pourrait être bien plus dangereuse celle qui se déroule en Libye. »

Le ministre suédois des Affaires Étrangères exprime lui aussi les mêmes inquiétudes sur son blog ce mercredi : « Alors qu’il n’y avait probablement à l’origine aucune ingérence iranienne, les opportunités pour l’Iran de tirer avantage de la situation augmentent indubitablement ».

Plusieurs pays de l’Union européenne, comme le Royaume-Uni et Malte, ont conseillé à leurs ressortissants de ne pas se rendre au Bahreïn, ou de quitter cette île le plus rapidement possible.

D’après l’agence de presse UK Press Association, le Royaume-Uni a affrété des vols commerciaux pour organiser des rapatriements de la capitale Manama ce mercredi. On ne sait pas combien de citoyens britanniques – la communauté d’européens la plus importante à Bahreïn – résident dans le pays. Mais au total, les 20 États membres de l’UE ont indiqué au bureau européen chargé de la coordination consulaire que 2.000 citoyens de l’Union sont encore sur place.

D’après un fonctionnaire de l’UE, « le problème c’est qu’il n’existe pas de vols directs vers l’Europe. Et tous les autres vols sont complets. D’après nos informations, il est difficile de se rendre à l’aéroport car quitter sa maison ou circuler sur les routes représente un très grand risque ».

L’atmosphère de tension vient après que des troupes bahreïniennes masquées aient tiré à balles réelles contre des manifestants, à la place de la Perle dans la capitale. Six personnes, dont trois policiers, seraient mortes dans ces affrontements, et des centaines d’autres seraient blessées. Durant la nuit, les forces de sécurité ont investi les domiciles d’activistes, capturant trois leaders de l’opposition.

L’Iran, le voisin à majorité chiites, a rappelé sont ambassadeur au Bahreïn, et le président iranien Ahmadinedjad a condamné les États-Unis, qui comptent une grande base navale dans le pays, pour avoir fomenté la répression avec l’Arabie saoudite.

« Les États-Unis cherchent à sauver le régime sioniste [Israël] et à réprimer les soulèvements populaires. Ainsi, il apporte son soutien à certains gouvernements », a-t-il déclaré, cité par des agences de presse nationales.

Un important responsable chiite en Irak, Moqtada al-Sadr, et le mouvement chiite Hezbollah au liban, ont également appelé à un soutien dans la rue aux manifestant du Bahreïn.

Les musulmans chiites représentent 70% des 1,2 millions d’habitants, mais le clan royal sunnite détient le monopole du pouvoir.

Sarkozy : Sauvez les « martyrs » de Libye

Sur le front libyen, le Conseil de sécurité de l’ONU réuni à New-York ce mercredi n’est pas parvenu à un accord sur la résolution proposée par les britanniques, la France, et le Liban, d’autoriser des frappes militaires contre le colonel Kadhafi. De nouvelles discussions et un vote sont attendus jeudi 17 mars.

La crise au Bahreïn, plus dangereuse qu’en Libye

(Illustration René Le Honzec)

La France estime que la proposition de résolution – qui « autorise les États membres à prendre toutes les mesures nécessaires pour faire respecter la zone d’exclusion aérienne » – pourrait offrir le cadre légal pour lancer des frappes immédiates sur les cibles du camp de Khaddafi.

« Ensemble, nous pouvons sauver les Libyens de leur martyr. Le temps se compte en jours, peut-être en heure », a écrit dans une lettre que s’est procuré EUobserver le président Nicolas Sarkozy aux puissances de l’ONU.

L’ambassadrice des États-Unis à l’ONU, Susan Rice, a indiqué que le président Barack Obama est prêt à envoyer des troupes au sol. « Nous devons actuellement nous préparer à envisager des mesures qui incluent, mais qui vont peut-être au-delà, d’une zone d’exclusion aérienne » a-t-elle déclaré à la presse à New-York.

Un expert français de la sécurité qui conseille les diplomates de l’UE et les services de renseignement a mis en garde contre des actions militaires en Libye qui pourraient avoir des conséquences imprévisibles.

« Si nous frappons Kadhafi, nous prenons le risque de créer un Afghanistan ou un Irak si vous préférez, à 500 km de nos côtes. Nous déstabiliserions un pays dont la structure ethnique est extrêmement complexe, et qui possède un stock d’armes très important. Nous créerions alors une zone de non droit », a déclaré cette source.

Traduction d’un article original de Andrew Rettman, publié sur le jeudi 17 mars 2011.


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