Magazine Beaux Arts

Littérature égyptienne (31) - enseignement de ptahhotep : maxime 1

Publié le 19 mars 2011 par Rl1948

   Voilà donc quelque quarante siècles qu'un Egyptien, peut-être un savant, peut-être un philosophe, assurément un véritable lettré décida de laisser à la postérité un ensemble d'aphorismes, de préceptes moraux qu'il crut bon de placer dans la bouche de Ptahhotep, un vizir ayant vécu quatre cents ans avant lui, à l'Ancien Empire ; haut dignitaire de l'Etat, à l'époque déjà considéré comme un sage, ce qui permit à  notre auteur du Moyen Empire, en  excipant de cette pretigieuse figure du passé, d'offrir à son texte une crédibilité hors du commun.  

   Dans le prologue que je vous avais donné à lire le 19 février dernier, il présentait sa "caution littéraire" comme un vieillard que les maux inhérents à l'âge autorisaient à réfléchir sur l'avenir de la fonction qu'il avait assumée à la cour du roi Djedkarê-Isesi, à la Vème dynastie. Raison pour laquelle - nous sommes toujours dans un récit fictif - Ptahhotep était censé demander au souverain l'autorisation de passer la main, d'obtenir un "bâton de vieillesse" en la personne de son propre fils qui, ainsi, reprendrait le flambeau après avoir écouté et assimilé les normes morales, prescriptions autant que prohibitions, que son père lui inculquerait. 

     Pour le bon déroulement de l'histoire, le monarque ne put évidemment qu'entériner cette requête. Rappelez-vous ses paroles dans l'introduction :

   Enseigne-le donc sur ce qui a été dit auparavant !

   (...) Et l'obéissance le pénétrera, toute exactitude de pensée lui ayant été exprimée.

   

   Fort de ce royal consentement, Ptahhotep pouvait, selon notre auteur - actuellement toujours anonyme - entamer son Enseignement.

   Aujourd'hui donc, amis lecteurs, après la pause du congé de carnaval belge, je vous propose de découvrir la première des maximes. 

   Bien que dans le Papyrus Prisse, elle ne se présente pas vraiment à l'image de celles qui suivront, l'usage égyptologique veut qu'elle soit considérée comme faisant partie intégrante du corps même de l'Enseignement qui, dès lors, en compterait 37. Pour certains savants en revanche, dont Pascal Vernus, ce texte relève plutôt d'une mise en garde introductive, un petit préambule faisant suite au prologue ; ce qui, dans ce cas, signifierait que ces préceptes "ne" seraient que 36.

     Convenez avec moi que cette comptabilité ne constitue qu'arguties de spécialistes, sur la démonstration desquelles j'ai pris le parti de ne point m'attarder  ...

   Ceci posé, première maxime ou préambule, son rédacteur l'écrivit sur sa feuille de papyrus avec un calame et une palette probablement semblables à cet ensemble (N 3022), exposé dans la vitrine 1 de la salle 6 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre. 

Palette de scribe N 3022 (Photo C. Décamps)

   C'est ce texte que je vous invite dès à présent à la lire, à méditer et à éventuellement commenter à votre meilleure convenance ...

Début des formulations de belles paroles

Qu'a énoncées le prince, gouverneur,

Le père divin, aimé du dieu,

Le fils aîné de son corps,

Le directeur de la ville, vizir Ptahhotep,

En apprenant aux ignorants la connaissance

Selon les règles du bien parler,

En tant que chose avantageuse à celui qui écoutera,

Et carence pour celui qui passera outre.

Alors, il dit à son fils :

Ne sois pas suffisant à cause de ton savoir
Discute donc avec l’ignorant comme avec le possesseur de savoir.

On n'atteint pas les limites de la compétence.

Il n'y a pas d'expert qui soit pourvu d'une capacité-de-transfigurer qui soit à lui.

Une belle parole est plus celée que le feldspath vert.

On la trouve chez des servantes affairées aux meules.

 
(Vernus : 2001, 74-5 ; ID. 2010, 172)


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Rl1948 2931 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossiers Paperblog