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Communauté internationale, puissance et Libye

Publié le 20 mars 2011 par Egea

C’est donc une coalition qui mène actuellement les opérations en Libye. On peut en déduire quelques analyses géopolitiques.

Communauté internationale, puissance et Libye
(source rtl)

1/ La légitimité de l’ONU : elle était indispensable et elle a été obtenue. Personne n’envisageait d’intervenir sans le blanc-seing de l’organisation, obtenu tant à l’assemblée générale qu’au Conseil de sécurité. La « communauté internationale », pourtant si décriée, marque ces temps-ci des succès non négligeables : c’est en effet, grâce à son soutien qu’A. Ouatarra existe encore politiquement, c’est grâce à elle que la coalition a pu lancer ses premières actions : on est loin du Kossovo où, dans des circonstances relativement similaires, l’OTAN avait dû agir sans l’accord formel de l’ONU. Remarquons immédiatement que ce succès doit être relativisé : bien que militairement présente en Côte d’Ivoire, l’ONU n’influe pas directement sur le cours des événements ; et militairement, elle est totalement absente de la crise libyenne.

2/ La marginalisation de l’OTAN comme de l’UE. Malgré tous les efforts de M. Rasmussen, l’OTAN n’est pas dans la boucle. Quelle remarquable ironie ! alors que le SG ne cesse de tout faire pour que l’alliance prenne du pouvoir, voilà qu’elle est mise de côté d’un commun accord entre Américains, Britanniques et surtout Français. Car tout simplement, l’OTAN a mauvaise presse en Afrique et au Proche Orient et il n’était pas sensé qu’elle apparût. Voici qui devrait relativiser quelques critiques qu’on avait entendues il y a deux ans, lors du retour français, quand à l’éventuelle perte d’indépendance de notre politique étrangère … et confirmer ce que j’écris depuis quelques années : ce retour n’est qu’un pari, parce que l’OTAN a tellement changé que la grammaire politique ne ressemble en rien à celle de 1966 ou de la guerre froide. Nous sommes définitivement entrés dans le 21° siècle.

3/ Il faudrait d’ailleurs le dire à Mme Ashton, qui décidément n’a aucune vision : lui dire tout d’abord que l’OTAN, en l’espèce, ne participe pas au partage des rôles ; qu’ensuite, l’UE pouvait être « admissible » comme sponsor de l’opération, et que ce mentorat n’obligeait en rien à monter un état-major quelconque « européen » ; que la répartition « OTAN = mili et UE = humanitaire » est d’un passéisme crasse ; et qu’il serait bon que des hommes d’Etat aient parfois un peu de vision politique… Accessoirement, cette coalition franco-britannique illustre que Mme Ashton n’est même pas la courroie de transmission de Londres…. On lira ce billet de Bruxelles2 où Nicolas Gros-Verheyde est encore plus virulent …

4/ A propos de courte vue, Mme Merkel paraît tâtonner, comme le note J. Quatremer dans « coulisses de Bruxelles ». L’obsession du débat politique intérieure est un déterminant crucial. De même, on comprend qu'avec une guerre en Afghanistan qui n'est pas populaire, et un ministre de la défense qui a démissionné juste après avoir lancé une réforme de la défense, il était sage de ne pas s'engager dans une nouvelle opération. Cependant, sans aller jusque là, d'autres voies paraissaient possibles. Mme Merkel semble encore marquée par son éducation est-allemande : un monde dont la grande politique est bannie, pour laquelle la puissance est un gros mot, et marqué d'un pacifisme foncier, qui la fait s’abstenir à l’ONU, alors qu’elle aurait pu jouer la solidarité avec ses alliés naturels (USA, GB, FR) plutôt qu’avec la Russie et la Chine : une déclaration d’intention aurait immédiatement précisé que « sur les principes, il faut être du côté des opprimés même si l’Allemagne ne participera pas aux opérations », et le tour était joué. Au lieu de quoi, l’Allemagne est déconsidérée et ses aspirations à un siège permanent au CSNU sont retardées…..

4 bis/ on observera d'ailleurs deux autres réactions, fort contrastées : l'Italie, au début fort discrète et encline à conserver ses "bonnes" relations avec Kadhafi, s'est finalement ralliée sans barguigner à la coalition. Le Turquie, en revanche, affiche un silence assourdissant : ni solidarité avec l'Occident, ni néo-ottomanisme appuyé, une position très en retrait, un attentisme critique..

5/ Tout ceci nous amène à une considération conclusive : l’importance de l’action des Etats et de la détermination, et l’appui sur les facteurs « antiques » de la puissance, et notamment ses moyens militaires. Ceci devrait, je le pense, suffire à répondre à ceux qui doutent de l’utilité, dans ce monde irénique et mondialisé, de conserver une force armée (cf. les débats qui ont eu lieu sur égéa….). Au-delà du principe, cela appelle à ne pas aller trop loin dans les économies……. Enfin, dans ce monde incertain, mélange de planétisation et de fragmentation, si l'Etat n'est, bien sûr, plus se seul acteur, on s'aperçoit qu'il demeure l'acteur prédominant de la scène internationale

6/ Par ailleurs, comme me l’écrit un correspondant : « Comment aurait on réagi si la "communauté internationale" n'avait pas voté et que les milices de Kadhafi avaient attaqué Benghazi? On aurait brandi l'inertie et la lâcheté de cette communauté. Cette action militaire est périlleuse et pleine d'incertitude et de probables effets pervers mais pour ma part je pense qu'il est tout à l'honneur de la France d'en prendre le leadership. ». Cela renvoie au billet de Vincent Jauvert sur le même sujet, de la même veine. Autrement dit : ce n’est pas gagné, mais quand l’honneur rejoint l’intérêt, on ne peut qu’approuver.

Pour conclure, on remarquera, avec un peu d'ironie, que Rumsfeld avait parfois des éclairs de génie, comme nous l'avons déjà remarqué sur égéa : c'est la mission qui fait la coalition. Ici, personne n'y trouve vraiment à redire..... Peut-être s'agit-il au fond de la nouvelle règle des relations internationales, une règle qui condamnerait, implicitement, OTAN comme PSDC..... ?

O. Kempf


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