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Structura Maxima

Publié le 26 mars 2011 par Zebrain

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Olivier Paquet

Flammarion “Imagine”, 2003

La Structure est un univers clos, ruche de Niveaux empilés au sein de la Paroi. Sa société est rigide, dominée par la rivalité de deux corporations : les Poutrelliers qui entretiennent les armatures de la construction, et les Vapeuriers qui distribuent l'énergie géothermique à toute la cité. Jehan, fils de Victor Mégare, Grand Maître de la Vapeur, s'en va rejoindre les Poutrelliers à la fin de ses études secondaires, et se retrouve au centre d'un conflit armé et sanglant. Mais alors que la Structure s'entredéchire, se pose la question de l'existence (vigoureusement déniée par le clergé) d'un monde extérieur...

  Le décor reflète l'esthétique de tous les films qui, depuis Brazil, peignent le futur aux couleurs de la rouille et du désuet, et la démesure architecturale des BD de Schuiten et Peeters. L'usage de la vapeur renvoie, comme un calembour conceptuel, à ce XIXe siècle tant prisé de tout un secteur de la SF et du fantastique français. Mais le contexte politique renvoie aussi à la Troisième République ; si les Poutrelliers, soumis aux aléas du vertige, sont mystiques et soudés autour des prêtres, les Vapeuriers sont des ingénieurs positivistes, élevés dans des écoles décidées à combattre l'obscurantisme. En faisant passer son protagoniste d'un groupe à l'autre, Paquet se garde de prendre position (même si son cœur est en fin de compte du côté de la science). Quand conflit il y a, il n'est pas du fait des grands chefs — des modérés qui se connaissent et s'estiment — mais des têtes brûlées de chaque camp, armées de certitudes dogmatiques et prêtes aux pires crimes pour parvenir à la tuerie qu'elles désirent.  Le roman suit les destins d'une audacieuse variété de personnages, pris dans des conflits politiques et personnels. Victor Mégare, le père, aurait pu être le personnage principal ; un accident industriel l'a transformé en demi-cadavre, reflétant sa personnalité bourrée de remords et d'hésitations (et ô combien attachante). Sur la fin du livre, le procédé imaginé par l'auteur pour rendre la main aux modérés manque un peu d'originalité (et emploie au passage un incongru cliché du roman d'aventures : tomber amoureux de la fille du chef...), mais découle de la logique du livre. Petit regret : que la question linguistique ne soit pas approfondie (référence au manifeste futuriste, le peuple de la Structure semble être de langue maternelle italienne ; elle est réprimée au profit de l'usage du français, sans explication. Les Mégare sont seuls à porter des prénoms français, cela prédestine-t-il à la grandeur ?). Et grand regret : que le ton soit souvent grandiloquent, laissant la part trop belle à l'intervention autoriale et à l'introspection des personnages. On y perd de l'empathie.   Cependant, comme le décor et les personnages sont complexes et réussis, ce premier roman très attendu vaut le détour.Pascal J. Thomas

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