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Le Troupeau aveugle

Publié le 27 mars 2011 par Zebrain

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John Brunner

Robert Laffont, 1975

   Le richissime Bemberley fabrique, pour se donner bonne conscience, de la nourriture à base de manioc à destination des pays affamés. Mais celle-ci, empoisonnée par un dérivé de l'ergot de seigle, entraîne une vague de délires criminels aux conséquences désastreuses. Des accidents similaires se produisent ensuite sur le sol des États-Unis qui ne consomment pourtant pas d'aliments pour pauvres. Sabotage ou accident dû à la pollution ? Les trainistes, qui se réclament d'Austin Train, un pionnier de la lutte antipollution, se déchaînent. Peg Manckiewics, une journaliste ralliée à ses vues prend des risques pour le convaincre de sortir de ses années de silence afin de plaider la cause de la planète dans le show télévisé de la redoutable Petronella Page, lequel risque bien de s'achever en sa crucifixion. Dans cette fin de siècle apocalyptique la Méditerranée est une mer morte, tout le monde souffre d'allergies, le port du masque à gaz s'est répandu, l'eau du robinet n'est potable que certains jours.
  Roman polyphonique majeur, grouillant de personnages aux trajectoires entrecroisées, accumulant extraits d'ouvrages, tracts publicitaires, libellés d'enseignes à la façon des collages de Dos Passos dans Manhattan Transfert, ce livre est saisissant parce qu'il décline à tous les niveaux, sur un mode obsessionnel, les problèmes liés à la pollution. Un simple repas annonce une gastro-entérite, un déplacement confronte à la toxicité de l'air, le choix d'un costume est fonction de sa résistance aux saletés de l'atmosphère, un désir d'enfant renvoie au coût qu'entraîne son exposition aux pollutions.
  La réédition de ce vibrant manifeste pour une prise de conscience écologiste, quelques vingt-cinq années après sa parution, permet de voir combien Brunner avait vu juste même s'il avait prématurément noirci le tableau (c'était, après tout, son rôle) et même si quelques détails de l'ouvrage ont vieilli du fait de la banalisation du four à micro-ondes et de l'omniprésence de l'informatique (la journaliste tape à la machine). Détails qui comptent peu tant la vision, lucide et alarmiste, d'une planète saccagée, rendent indispensable la lecture de ce chef d'œuvre.

Claude Ecken


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