Magazine Santé

Vivre sa dialyse

Publié le 30 mars 2011 par Melanieinfirmiere
Vivre sa dialyse  

« Demain je dialyse, et c'est la première fois ! Nécessité faisant,  il faut que je prenne, ou plutôt que je m'impose cette nouvelle vie. »

Ma vie… pas celle du bien portant que j'étais mais celle de l'insuffisant rénal chronique que je suis devenu et qui a nécessité il y a dix ans qu'une machine travaille à la place de mes reins. Une décennie entière de dialyse qui me permet d'être encore de ce monde aujourd'hui. Et pourtant, les premières questions que je me suis posées au départ étaient courtes mais concises : « que va devenir ma vie ? Comment vais-je l'organiser ? ». Et la question fatale : « Combien de temps me reste-t-il à vivre ? ». A l'annonce de la nécessité de dialyser, les questions fusent dans mon esprit et les réponses restent en suspens…C'est la grande inconnue… Les mêmes interrogations reviennent sans cesse jusqu'au jour J de la PREMIERE séance d'hémodialyse.

C'est la toute première fois. L'angoisse me tenaille mais je n'en laisse rien paraître ! Une grande inspiration, mes poumons se remplissent d'oxygène et j'entre dans le service d'hémodialyse. Je passe devant ceux qui sont déjà « branchés » et qui d'ailleurs n'ont pas l'air trop gênés avec leurs « tuyaux ». Ils ont même plutôt l'air d'être calmes et sereins. Très vite, je suis pris en charge par une infirmière qui me reçoit avec un grand sourire et qui déjà entame la conversation (La psychologie du relationnel est primordial pour le patient, et les infirmières sont aguerries à toutes les situations).

En deux temps trois mouvements, je me retrouve allongé et l'infirmière qui m'a accueilli commence déjà à œuvrer sans que je ne m'en aperçoive étant donné qu'elle n'a pas cesser de me parler. Elles sont comme ça les infirmières ! Futées au point de vous endormir ou pour les plus coriaces des patients, d'accaparer leur attention pour les piquer sans qu'ils ne sentent quoi que ce soit (ou si peu). Comparativement à l'idée que je me faisais de la ponction dans ma fistule artério veineuse, ce n'est pas si horrible que ça…D'autant que j'avais suivi les conseils en appliquant une crème anesthésiante ½ heure avant de me rendre à l'hôpital.

Eh bien voilà ! Je me trouve au même niveau que les autres… branché à une machine pour 4h. Après le « branchement », je fais la connaissance d'une nouvelle personne qui me deviendra vite familière. Il s'agit de l'agent de service : une gentille dame qui prend soin du bien-être alimentaire de chaque patient, et croyez-moi, ce moment-là à beaucoup d'importance. L'agent de service s'enquière de mes goûts et me sert un petit déjeuné qui, après la mise en place des  grosses aiguilles, me redonne du tonus et apaise mes premières angoisses.

 

La première heure est passée et ma charmante infirmière réapparait. Elle vient relever certains paramètres du générateur et par la même occasion me prend une tension artérielle. Elle a encore des mots gentils et s'inquiète de savoir comment se passe cette première séance de dialyse. Je suis admiratif devant tant de mansuétudes ! Mes inquiétudes sont déjà dissipées et je retrouve l'équilibre de mes facultés aussi bien intellectuelles que physiques. Mon regard balaye la salle où je suis installé et je commence à dévisager les voisins qui m'entourent : l'un d'entre eux regarde la télévision, l'autre me regarde à son tour et très gentiment me demande « alors c'est la première fois que vous dialysez ? Vous savez ici nous sommes une grande famille, on se connaît tous, et pour que vous soyez plus à l'aise nous pourrions nous tutoyer, si cela ne vous gêne pas bien sûr ! ». Comment ne pas restituer cet acte de bienvenue que par une réponse affirmative ? C'est un OUI profond qui sort tout droit du cœur.  La conversation est engagée, nous parlons de la pluie et du beau temps, la séance passe plus vite … La troisième heure est entamée et mon infirmière revient me voir. De nouveau, elle note ce que le générateur affiche, reprend ma tension artérielle, vérifie le branchement, et me demande si les aiguilles ne me gênent pas trop et si elles ne me font pas mal. Ma réponse est catégorique : NON ! Je n'irais pas jusqu'à dire que cela ne me pose pas de désagréments mais c'est tout à fait supportable.

Je trouve tout de même le temps long,  à tel point que lorsque j'approche du dernier quart d'heure, l'attente devient désagréable voire insupportable et j'ai hâte d'être libéré de tous les tuyaux afin de retrouver le havre de paix qu'est mon petit confort à domicile.

Après 4h, le moment tant attendu est là et j'entends l'infirmière me dire : « c'est fini, il est temps de vous débrancher ». Mon attitude change et voilà que resurgissent les questions : « comment cela va se passer ? Est-ce que ça va faire mal ? »… Jusqu'à ce que la raison l'emporte me convainquant que tout ira bien.

Méticuleusement, l'infirmière commence à retirer les adhésifs, soigneusement gantée et masquée. Adroitement, elle plie les compresses servent à la compression des points de ponction. Ce geste-là, elle le fait d'une main, alors que l'autre main est prête à retirer l'aiguille. Les gestes sont rapide mais combien maîtrisés, il a suffi de peu de temps et la première aiguille est enlevée et mise dans un container prévu à cet usage.

Le doigt sur la compresse, elle comprime la zone ponctionnée et d'un naturel, elle me dit « dans le temps il vous faudra comprimer tout seul, c'est tout simple vous verrez ».

La seconde aiguille rejoint très rapidement la première dans le container. Tout cela est fait avec dextérité et sans douleur, comme je le redoutais. Pour ce qui est du professionnalisme je ne peux dire que « Bravo » !

C'est à mon tour maintenant de me comporter comme ceux qui sont déjà débranchés, et qui, une fois debout se dirigent vers la balance pour la pesée. J'ai omis de vous le dire mais la balance pour nous, dialysés, est très importante : elle est le juge suprême, et pourquoi me direz-vous ? Très simple à comprendre (quand on le sait) : avant la dialyse vous êtes pesé et en fonction du poids de base qui vous a été donné par le néphrologue, le surplus de ce poids est enlevé par le générateur. A la fin, il apparait donc nécessaire de se repeser pour voir si nous avons atteint notre objectif, c'est-à-dire nous rapprocher le plus possible du poids de base.

La séance est finie OUF !! Me voilà libre… Je salue mon entourage, les infirmières présentes et très gentiment j'adresse un au revoir à mon infirmière.

Voilà ma première dialyse de faite, je reprends le chemin de la maison.

Je me dois ici de rendre hommage à cette infirmière qui fût présente lors de ma première séance de dialyse, en lui disant simplement : Merci  Martine.

Mais… Il n'y a pas que la dialyse à proprement parler qui est importante, il y a le reste et le reste ne demeure pas dans les méandres de l'oubli. Bien au contraire, le sujet que je vais aborder à présent relève du bon déroulement de la vie du dialysé. Nous rentrons dans la phase d'hygiène de vie, il faut impérativement suivre des règles qui représentent un atout majeur au quotidien du dialysé.

En tant qu'insuffisant rénal chronique, j'ai souvent entendu parler de l'alimentation…Et ce, encore plus depuis que je suis dialysé. Il est fortement déconseillé de manger les aliments riches en POTASSIUM. Le potassium pour le dialysé est à proscrire, il représente un danger mortel en cas d'absorption importante (il occasionne la tétanisation des muscles et par conséquent l'arrêt du cœur). Une liste des aliments les plus riches en POTASSIUM m'a été adressée par le médecin lors d'une consultation, mais elle peut aussi être donnée par la diététicienne ou les infirmières du service. Parallèlement, il m'a été expliqué que le PHOSPHATE était néfaste pour ma santé. Il est donc important de ne surtout pas négliger ces deux éléments capitaux.

Mais, il faut savoir que certaines dérogations sont les bienvenues, à savoir que  pendant la première heure de dialyse, nous pouvons manger (raisonnablement) des fruits ou du chocolat ou tout autre aliment riche en potassium car le potassium absorbé est éliminé pendant la séance de dialyse. Et cela, croyez-moi, est très appréciable !

Et si j'en viens à absorber une trop grande quantité de potassium (à l'occasion d'un copieux repas ou d'une cueillette gourmande de fruits de saison), j'ai la possibilité de « corriger le tir » en prenant ce médicament connu de tous les dialysés : le calcium sorbisterit, plus connu sous le nom de Kayexalate® et qui ressemble plus (quand on l'ingère) à du sablon…Mais au vu des risque encourus, il est quand même préférable d'en prendre, et surtout ne pas oublier de le faire.

Comme je vous le disais tout au début, je dialyse depuis 10ans et en toute bonne foi, je vais bien : on vie bien et longtemps sous dialyse. Tout ne s'arrête pas mais, au contraire, tout continu.  

 

Et la greffe ? LA question que tout insuffisant rénal se pose… Pour en parler, je préfère citer le témoignage d'un ami, greffé depuis 4 ans.

La voie Royale ?  Le choix reste malgré tout de votre côté, mais comment ne pas prendre une décision qui, il faut le dire, vous redonne accès à une vie nouvelle maisfaut-il déjà pouvoir y accéder. Il faut savoir que l'attente est longue, très longue… Dès lors que le néphrologue décide de vous inscrire sur la liste d'attente de greffe rénale, vous vous exposez à de multiples examens afin d'être « en conformité ». Quand le dossier est complet,  l'attente commence. La durée de cette attente est très relative : elle peut se compter en mois ou en années. Les demandes sont  nombreuses et  la pose d'un greffon (du rein de remplacement) se fait avec parcimonie.

Si vous avez la chance de recevoir un greffon, sachez le conserver longtemps et pour se faire, suivez à la lettre les recommandations de votre néphrologue et en particulier la prescription médicale qui, bien que drastique, reste vitale. Si vous ne vous comportez pas en adulte responsable et que vos prises de médicaments sont des plus aléatoires, vous avez de grandes chances d'avoir un « rejet ». Cette perte du greffon vous ramenera directement à la dialyse…

   « Une attitude que je retrouve et une sensation nouvelle » : tels sont les propos de mon Ami Jean-Paul, qui a eu lui la chance de pouvoir recevoir son greffon.  «C'est la première fois depuis 3 ans qu'il ne m'était pas arrivé d'avoir envie d'aller au pipi room, tu ne peux pas savoir comme cela fait du bien de se sentir à nouveau normal ». Drôle de réaction de sa part… Penser à son premier pipi room… Et pourtant Jean Paul  n'est pas le seul à avoir cette réaction.

   « Je suis un nouvel homme, tu t'imagines mal ce qui se passe en moi : je retrouve des tas de sensations que j'avais perdues. »

«  En vérité je revis mais il y a un côté qui reste gênant : le fait d'avoir en soi une partie du corps d'un autre. Je sais que cette sensation va se dissiper dans quelques temps  mais le fait est là pour l'instant et j'y pense… De moins en moins mais l'idée demeure ! Sinon, le plus embêtant c'est la prise des médicaments à heures régulières. A part ça, cette greffe est à mon avis, LA solution à l'insuffisance rénale »

Les années ont passées et Jean Paul se porte comme un charme et est un homme actif. Depuis le jour où il a tenu ces propos, il reste très évasif et n'aborde plus du tout le sujet. Je pense en connaître la cause : il reste discret, par respect à la condition de vie que j'ai par rapport à la sienne.

IL Y A UNE VERITE !

CELLE QUI SIED A CELUI  QUI L'ECOUTE

 

   JCL

[Témoignage d'un de mes patients, paru dans la revue Rein Echos n°10 de mars 2011]



Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Melanieinfirmiere 627 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine