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RCI : extension du domaine de la lutte

Publié le 31 mars 2011 par Egea

A l'heure où j'écris ces lignes, A. Ouatarra contrôle le pays, mais la situation à Abidjan demeure confuse. Toutefois, le sort est maintenant quasiment assuré. Au-delà de la Côte d'Ivoire, on peut déjà mettre quelques éléments africains en perspective.

RCI : extension du domaine de la lutte

1/ Finalement, la stratégie "offensive" de A. Ouatarra a gagné. Gbagbo a toujours été en position de "tenir" quand Ouatarra, à partir d'une position initiale apparemment plus faible a pourtant réussi à transformer tous ses atouts :

  • la bataille symbolique : le suffrage lui a donné la légitimité, donc le soutien de la communauté internationale (lasse de s'être fait duper et reduper par le boulanger d'Abidjan : depuis, Versailles, on sait pourtant qu'il n'est jamais bon, pour un souverain, de se faire surnommer "boulanger"). Même l'UA s'est rangé derrière lui (on y reviendra).
  • La bataille financière : plus longue à organiser, elle était une stratégie de longue haleine, ainsi que je l'ai déjà évoqué. Dès la maîtrise des comptes, en février, on a senti l'affaiblissement de Gabgbo.
  • la bataille territoriale : même si Ouatarra a pu paraître cantonné à l'hôtel du Golf, il disposait pourtant de tout le nord du pays : cette réserve territoriale, incontestée par Gbagbo, lui a permis de constamment marquer son ambition de réunifier le pays. Au fond, il ne voulait pas être l'élu du nord, mais l'élu ivoirien.
  • la bataille irrégulière : avec l'organisation des "commandos invisibles" qui ont réussi à convertir, peu à peu, le rapport de force à l'intérieur d'Abidjan. Maîtrise d'Abobo, puis des quartiers contigus, puis incursions dans le reste d'Abidjan.
  • la bataille militaire, la plus courte, qui se déroule sous nos yeux depuis quatre jours, un peu plus longtemps sur les marges de l'ouest pour ceux qui suivaient les affaires : derrière l'organisation des forces, l'armement et l'entraînement de nouvelles recrues, probablement des conseillers extérieurs (africains, ne vous y trompez pas) et le soudoiement en douceur des oppositions localisées, éloignées d'Abidjan et observant le lent retournement de la situation, la Côte d'Ivoire tombe comme un fruit mûr, jusqu'à ce face-à- face de ce soir dans Abidjan.

Bravo, chapeau l'artiste, ce fut une "stratégie" bien pensée, et exécutée avec maestria. Impeccable.

2/ Surtout, il a su ménager l'avenir. En ne devenant pas le président du nord, mais le président de la RCI, il redonne l'unité au pays : il fallait entendre l'ambassadeur ivoirien expliquer, aujourd'hui, qu'il s'agissait de forces républicaines, qu'il fallait respecter l'intégrité de Gbagbo, bref, d'assumer une continuité républicaine pour comprendre le message : cette crise aura au moins permis de fabriquer une Côte d'Ivoire existant non pas "par rapport" à une indépendance, mais par rapport à sa propre histoire qu'elle aura su dominer, par elle même. Au fond, on est sorti d'une dialectique post coloniale, celle qui a tant prévalu depuis soixante ans. Le changement de président marque un vrai changement d'époque, et donc de rapport au monde.

3/ Ce qui est valable pour la Côte d'Ivoire est emblématique de ce qui se passe dans le reste de l'Afrique. La force rejoint la légitimité. Et ce qui arrive en RCI confirme ce qu'on a observé en novembre en Guinée Conakry, ou cette semaine au Niger. Surtout, il faut observer les troubles qui semblent naître, en ce moment, au Burkina-Faso : l'exemple vient du nord (Tunisie, Égypte, Libye, voir ce que je disais très tôt ici) et l'on sait désormais que c'est transposable en Afrique de l'ouest.

4/ C'est pourquoi il faut bien déplorer l'attitude passéiste de l'Union Africaine, fortement déstabilisée par ce qui est en train de se dérouler. Décidément, toutes les organisations collectives ont des difficultés à appréhender les brusques mouvements de l'histoire...

O. Kempf


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