Magazine Culture

Fin de la Guerre d’Espagne

Publié le 01 avril 2011 par Copeau @Contrepoints

Le 1er avril 1939, le général Franco dictait son dernier bulletin de guerre : « Aujourd’hui, captive et désarmée l’armée rouge, les troupes nationales ont atteint leurs derniers objectifs militaires. La guerre est terminée. »

Fin de la Guerre d’Espagne
La Guerre d’Espagne, comme le rappelle l’historien britannique Paul Johnson, a été l’événement du 20e siècle sur lequel le plus de mensonges ont été écrits. Et une bonne partie des mensonges qui concernent la Guerre d’Espagne se centrent sur la description de l’époque qui la précéda, à savoir la Seconde République – proclamée en Espagne il y a 80 ans –, qui est généralement dépeinte avec les vives couleurs du Jardin d’Éden, afin de faire ressortir plus clairement le blanc et le noir de la guerre civile espagnole, avec ses bons, très bons, et ses méchants, très méchants. La gauche et la droite, pour être plus clair, pour que personne ne s’égare. C’est ainsi que la majorité des gens, lorsqu’on leur parle de la Seconde République espagnole, se remémore l’image projetée par une historiographie sinistrement politisée : un régime de gauche qui parvint au pouvoir avec la mission de résoudre une série de problèmes ancestraux nés de l’incurie et des privilèges de la droite.

La propagande ne pourrait être plus grossière.

Tout d’abord, ce furent des hommes politiques de la droite espagnole classique, Alcalá-Zamora et Maura, qui unirent les républicains et les poussèrent à prendre le pouvoir en 1931. Et ils le firent non pas avec l’objectif de remplir de supposées « missions », mais bien pour instaurer une démocratie normale, avec une possibilité d’alternance entre la droite et la gauche, afin que la résolution des problèmes s’effectue selon un vote majoritaire. Maura et Alcalá-Zamora connaissaient l’inquiétant messianisme révolutionnaire de la gauche espagnole et ses dangereuses monomanies antireligieuses, mais ils pensaient pouvoir les neutraliser via l’établissement de libertés générales, d’élections libres et la participation active de la droite dans le processus républicain. Ces espérances raisonnables allaient recevoir très rapidement un terrible coup avec ce que l’on a appelé l’« incendie des couvents ».

Le 11 mai 1931, les éléments les plus fanatisés de la gauche lancèrent à Madrid une vague d’incendies d’édifices religieux, après une tentative d’assaut avortée contre le journal monarchiste ABC. Les incendies s’étendirent les jours suivants en Andalousie et au Levant, avec un bilan final de quelques cent édifices détruits, églises d’une grande valeur historique et artistique, centres d’éducation et de formation où des milliers de travailleurs et de fils d’ouvriers avaient reçu un enseignement de qualité, écoles salésiennes, laboratoires, etc. De même, des bibliothèques furent brûlées avec leurs centaines de milliers de volumes, parmi lesquels des incunables, des éditions originales de Lope de Vega, Quevedo ou Calderón, des collections uniques de revues, etc. ou encore les irrécupérables archives du paléographe García Villada, produits d’une vie entière de recherches. Furent également réduits en cendres des tableaux et des sculptures de Zurbarán, Valdés Leal, Pacheco, Van Dyck, Coello, Mena, Montañés, Alonso Cano, etc. Un désastre presque inconcevable.

Mais le plus révélateur fut la réaction du gouvernement républicain et de la gauche. Le ministre (et futur Président de la République) Azaña, considérant les incendies comme un acte de « justice immanente », paralysa toutes tentatives de mettre fin aux troubles en déclarant : « Tous les couvents de Madrid ne valent pas la vie d’un républicain ». La gauche, de manière générale, justifia les événements en les attribuant au « peuple », et en accusant la droite d’avoir « provoqué les travailleurs ». Une publication du parti socialiste menaçait : « Si les représentants de la révolution victorieuse ont pêché, c’est par une excessive indulgence envers les vaincus ». (Alors même que la gauche n’avait vaincu personne : ce furent les monarchistes eux-mêmes qui lui offrirent la République sur un plateau.)

L’Église et les catholiques protestèrent, mais pacifiquement. Cela ne calma pas la gauche, qui interpréta ce geste comme un aveu de faiblesse et maintint son attitude agressive. À l’encontre du bon sens, cette dernière continua d’accuser la droite de violence et d’intolérance et lui montra son mépris moqueur en soutenant – sans craindre de se contredire – que ce fut l’Église elle-même qui avait provoqué les émeutes afin de salir l’image de la République. À peine un mois après l’installation des républicains au pouvoir, la Seconde République espagnole portait déjà en elle les germes de la maladie mortelle qui allait l’emporter. Et cinq ans plus tard, ce ne seront plus seulement des bâtiments qui seraient brûlés, mais des milliers de religieux qui seraient cruellement torturés et assassinés.

C’est ainsi que, même si à la naissance de la République, nombreux furent les hommes politiques et les intellectuels espagnols qui désirèrent instaurer une démocratie libérale, l’initiative fut confisquée dès l’instant même de la rédaction de sa constitution par une gauche qui estimait que le régime était sa propriété exclusive et que la droite était une option politique sans légitimité pour exercer le pouvoir émanant des urnes. Aussi rapidement que commencèrent les incendies d’églises, de bibliothèques et de centres scolaires, la charte fondamentale fut imprégnée non pas de laïcisme, mais de haine de la religion. Pour donner un simple exemple, en 1933 furent supprimées les célébrations de la Semaine Sainte dans presque toute l’Espagne. Beaucoup plus grave, les quelques éléments libéraux que conservait la constitution furent réduits à néant avec l’approbation de la Loi de Défense de la République, qui permit au premier gouvernement de gauche d’interdire d’innombrables actes politiques de l’opposition, en plus de fermer quelques 100 journaux de droite.

Quant aux succès politiques des gouvernements républicains, rappelons que sous le premier gouvernement de la gauche augmentèrent les chiffres des grévistes, du chômage et même celui des personnes mortes de faim. La réforme agraire, étendard du programme de la gauche, fut exécutée avec plus d’efficacité par le gouvernement postérieur de Lerroux. Bien qu’en définitive, ce projet se solda par un cuisant échec. Par ailleurs, l’augmentation du nombre d’écoles publiques doit être mis en balance avec la fermeture des collèges religieux, mesure promulguée selon les critères du plus atroce sectarisme.

Durant la Seconde République, nombreux furent les secteurs politiques qui se soulevèrent contre elle. Bien sûr des monarchistes radicaux, Sanjurjo, etc. Mais surtout les anarchistes, durant toute la République, et, en 1934, après la victoire de la droite aux élections, la totalité de la gauche, menée par les socialistes, qui tenta un coup d’État avec lequel, comme l’expliqua très clairement le grand philosophe Salvador de Madariaga, « la gauche espagnole perdit jusqu’à l’ombre de toute autorité morale pour condamner la rébellion de 1936 ».

Vinrent les élections de 1936, les plus anormales de la Seconde République, qui donneront le pouvoir à la coalition des gauches du Front populaire. Parce que, de manière extraordinairement suspecte, le gouvernement du Front populaire ne publia aucuns chiffres officiels, encore aujourd’hui les résultats de ces élections ne sont que des estimations qui, selon les auteurs, peuvent varier d’un million de votes. Généralement, on estime que la gauche gagna plus de sièges, mais que la droite recueillit plus de voix. La question était : la gauche avait-elle suffisamment modéré ses instincts insurrectionnels ou utiliserait-elle son succès au service de la revanche ?

Dès les premiers instants du nouveau gouvernement de gauche, ses membres les plus fanatiques imposèrent leur loi à partir de la rue. Les auteurs de la sanglante tentative du coup d’État de 1934 furent élevés au rang de héros, retrouvèrent avec honneur leurs anciens offices ou charges et les entrepreneurs se virent obligés de les réembaucher, ce qui, dans beaucoup de cas, signifiait le renvoi de travailleurs pacifiques qui avaient été engagés pour remplacer les putschistes. On vit même une veuve forcée de reprendre les triomphants assassins de son mari. Recommencèrent immédiatement les incendies d’églises et les attaques aux sièges des partis de la droite. Le 25 mars 1936, le syndicat socialiste, l’UGT, organisa l’invasion simultanée et violente de 3.000 propriétés dans la province de Badajoz. La situation ne fit qu’empirer les mois suivants. Le 1er mai, défilèrent dans différentes villes à travers toute l’Espagne les milices paramilitaires gauchistes en uniforme et en formation.

L’insécurité généralisée paralysa l’initiative privée qui, pourtant, avait permis, lors des deux années du gouvernement de la droite, à l’économie de surmonter la crise apparue lors du premier gouvernement de gauche de la République. Augmentèrent ainsi rapidement le chômage et la misère. Toutefois, pour la gauche, cette situation n’avait rien à voir avec la violence déchaînée par ses membres, mais bien avec la méchanceté congénitale des propriétaires qui fuyaient avec leurs capitaux pour « saboter la République ». Ainsi, les révolutionnaires exploitaient le chômage pour exacerber chaque fois plus des masses désemparées et augmenter leurs exigences, dans un cercle vicieux que multipliaient les grèves et le chaos économique. En seulement cinq mois, on comptabilisa plus de 300 morts, des milliers d’incendies et d’attaques contre le domicile de membres de la droite, ainsi que d’immenses dégâts causés au patrimoine artistique.

Finalement, fut commis le crime qui allait sceller le destin de cette République. Après avoir été plusieurs fois menacé de mort par différents membres du Front populaire – lors de la séance parlementaire du 16 juin 1936, par Casares Quiroga, le Ministre de la Guerre du Front populaire, lors de la séance parlementaire du 1er juillet par le député socialiste Ángel Galarza ou encore le 13 juillet par la Pasionaria, député communiste pour les Asturies –, le monarchiste José Calvo Sotelo, un des principaux chefs de l’opposition au gouvernement du Front populaire, est assassiné par des membres de la Garde d’Assaut – la garde républicaine créée et dirigée par le gouvernement de gauche – et des militants socialistes. Après avoir pris d’assaut la résidence de Calvo Sotelo, les assassins l’emmèneront avec eux pour le tuer à l’intérieur d’une fourgonnette de police. Son corps sera ensuite amené et laissé au cimetière par les membres de la police républicaine elle-même.

Ce crime d’État et le silence complice du gouvernement républicain précipiteront l’Espagne dans la tragédie : quelques jours plus tard, le 17 juillet 1936, la garnison espagnole de Melilla, sous le commandement du général Franco, se soulèvera contre le gouvernement républicain mettant ainsi fin, cinq ans après sa naissance, à l’agonie de la Seconde République espagnole. Commença alors une guerre qui ne pouvait se conclure, hélas, que par une dictature, militaire ou « du prolétariat ».


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Copeau 583999 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte