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Propriétaire à durée limité et taxabilité infinie

Publié le 05 avril 2011 par Copeau @Contrepoints

Propriétaire à durée limité et taxabilité infinie

Voilà enfin une nouvelle qui va réjouir ceux qui humidifient leur pantalon à l’idée d’une action vigoureuse de l’Etat. Pour résoudre l’épineux problème de l’immobilier sur Paris, la fine équipe de Bertrand Delanöe a trouvé une solution du tonnerre de Brest : proposer aux acheteurs de ne plus être propriétaires à vie.

Il faut bien comprendre une chose dans ce pays : si l’on veut réellement avoir une chance d’aboutir à un vrai paradis collectiviste, il faudra procéder doucement, comme pour la cuisson du crabe.

L’important est de retirer les libertés individuelles avec tact et doigté, en criant à chaque fois que sans ça, l’ultralibéralisme sans frein va boulotter de la solidarité, du tissu social, de la fraternité et qu’en conséquence, il faut s’unir, tous ensemble on peut y arriver, et abandonner les facilités bourgeoises d’une vie égoïste.

En fait, à chaque problème provoqué par l’Etat correspondra une solution proposée par l’Etat qui viendra accroître le problème et rendre son intervention toujours plus nécessaire.

Pour cette fois, on va donc établir un constat sanglant : le prix du m² devient délirant, les gens n’arrivent plus à acheter sans un apport personnel, et les conditions d’obtention de crédit sont scandaleusement étriquées. C’est lamentable. C’est inique. C’est discriminant. C’est, pour tout dire, anti-démocratique, anti-républicain, et je soupçonne même que c’est anti-pauvres.

maison en carton
Le constat est posé. On peut attaquer la solution. Et là, on fera tout en douceur. Comme une caresse délicate, un véritable Flanby gobé calmement qui passera direct du pot au gosier sans faire marcher les dents, on présentera l’Idée dans un mouvement de bras ample et souple, comme certains serveurs indiens lorsqu’ils présentent le plateau argenté sur lequel repose la facture à la fin d’un bon repas. C’est très simple : puisque devenir propriétaire semble attirer les convoitises, réduisons la durée du contrat. Au lieu de devenir propriétaire, vous allez devenir locataire de l’Etat, pendant 99 ans.

Vous payerez, bien sûr, les murs. Vous payerez, aussi, cela va de soi, la TVA sur la construction, ou sur la passation des titres de possession (on ne peut plus dire « propriété »). Vous payerez bien évidemment la taxe d’habitation, ainsi que la taxe foncière. Après tout, merde, vous possédez les murs pendant 99 ans ; vous êtes donc un bourgeois privilégié qui dispose d’un toit assuré ! Et enfin, puisque vous n’êtes que locataire, on adjoindra un petit loyer de gnagna milliers d’euros par an. Disons 1500 à 2000, dans un premier temps, mais ce chiffre n’est pas contractuel, la Mairie de Paris se réserve bien sûr le droit de modifier avec ou sans préavis les termes et montants de cet accord, seul le prononcé fait foi et toute ressemblance avec des situations ou des personnages futurs, présents, ou passés dans certains pays soviétiques serait purement fortuite.

Oh. On me souffle dans l’oreillette — que tout libéral reçoit en kit avec les mocassins à gland et ses premiers spare-ribs d’enfants communistes à griller soi-même — que cette idée révolutionnaire a déjà été tentée, notamment en Angleterre.

Et c’est vrai : la couronne conserve la réelle propriété du bien, et les habitants font des contrats de « possession » sur 99 ans. C’est très amusant que ce soit l’adjoint PS au maire chargé du logement, Jean-Yves Mano, qui propose lui-même cet exemple pour étayer son Idée lumineuse.

A bien y réfléchir, on comprend pourquoi le brave adjoint s’appelle Mano et pas Intellectualo. Il faudra lui expliquer, d’une part, que prendre, en France, exemple sur une monarchie, c’est plutôt mal vu. Sacré Mano.

En outre, il me semblait que, tout de même, la perfide Albion était régulièrement dépeinte comme l’enfer ultra-libéral qu’il est de bon ton de moquer et de vilipender. Pour un socialiste, prendre exemple sur un pays turbo-libéral et rédhibitoirement capitaliste, c’est plutôt couillon, hein, mon Mano ?

Enfin, je ne voudrais pas avoir l’air de trop faire mon malin, mon brave bivalve socialoïde, mais il t’aura probablement échappé que malgré ton Idée Lumineuse, les loyers à Londres et dans la banlieue de l’industrieuse City ne sont pas exactement redescendus dernièrement. Eh oui : ton exemple est celui d’un pays où les prix au m² sont plus élevés qu’à Paris. Sacré Mano.

C’est ce qu’on appelle un triple salto arrière carpé avec écrasement facial et perte complète de râtelier.

Domino
Cette idée est prodigieusement stupide. Elle est basée sur un prédicat remarquablement idiot. Elle est propulsée par un socialiste qui doit s’enorgueillir d’avoir les deux chiffres de son QI qui tiennent sur un domino.

Que tout aura été fait, par les thuriféraires de l’action étatique, pour que la situation soit exactement celle-là ne l’effleure pas. Il ne peut y penser : il n’est pas équipé pour. Le seul canal qui peut convoyer quelque chose dans les êtres frustres qui proposent des idées pareilles est celui qui permet au Flanby de tout à l’heure d’aller d’un orifice à l’autre avec un minimum d’étapes digestives.

Qui aura, précisément, accru la rentabilité de la spéculation avec les lois Scellier, Borloo, De Robien, j’en oublie ?
Qui aura imposé des normes (sécurité, écologie, consommation, etc.) toujours plus pointilleuses qui n’ont jamais pu faire baisser les coûts de construction ?
Qui aura distribué des prêts à taux zéro, endettant ainsi massivement certains Français qui n’auront eu d’autre choix que de spéculer sur la hausse de leur maison en carton pour arriver à s’en sortir ?
Qui aura imposé des plans d’occupation des sols ? Qui décide de l’habitabilité d’une zone ?
Qui ponctionne à chaque étape, de la construction à l’héritage, rendant l’ensemble de l’opération encore plus coûteuse ?
Qui impose toujours plus d’obligation sur les propriétaires, rendant ces derniers à ce points réticents à louer que, les mauvaises expériences aidant, les loueurs augmentent leurs tarifs pour ne récupérer que les plus solvables, les plus … sûrs ?

Mais ce sont les libéraux, bien sûr ! Ce sont les spéculateurs !

Puisque c’est Mano qui vous le dit !
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