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Les fondements de l’Education dans le monde

Par Alaindependant

[Extrait de http://www.alterpresse.org/spip.php?article211]

Depuis Hegel, on sait que l’homme s’est auto-créé à partir de son travail. L’homme objectif est le résultat de son propre travail. Marx a ainsi reconnu le grand mérite de la Phénoménologie de Hegel (in Manuscritos economico-filosoficos (p. 178. ) L’homme est un être naturel humain (p. 183) qui a conscience de son pouvoir de transformation de la nature, en même temps qu’il en fait partie : « La manière dont la conscience est et dont quelque chose existe pour elle, est le connaître. La connaissance constitue son unique acte. Ainsi, quelque chose existe pour la conscience, à mesure qu’elle connaît ce quelque chose » (p. 184)

Roger Garaudy, dans Clefs pour le marxisme (Seghers, 1977) a repris l’idée de l’unité contraire de l’homme et de la nature : « L’homme, comme animal, a des besoins qui à la fois l’unissent et l’opposent à la nature. Mais, à la différence de la nature, au lieu de s’adapter simplement à la nature, il la transforme par le travail. L’histoire humaine commence avec le premier outil, la première production des moyens permettant de satisfaire des besoins » (p. 104. C’est un legs de Marx qui avait présenté la différentiation de la sorte : « L’objet du travail est donc l’objectivation de la vie générique de l’homme. L’animal ne façonne qu’à la mesure et selon les besoins de l’espèce à laquelle il appartient, tandis que l’homme sait produire à la mesure de toute espèce et sait appliquer partout à l’objet sa nature inhérente : l’homme crée donc aussi d’après les lois de la beauté » (Manuscrits, cité par Garaudy, p. 105). Istvan Mészà ros reprend à son compte, la dialectique de l’homme naturel et de l’homme social : « les êtres humains font partie de la nature et doivent satisfaire leurs besoins élémentaires à travers l’échange constant avec la nature » (in Beyond Capital. Towards a theory of transition, 1995, p. 138). Le travail constitue donc la source originelle et première de la réalisation de l’être social, comme a dit Ricardo Antunes, la plate-forme de l’activité humaine, le fondement ontologique basique de l’omnilatéralité humaine (in Os sentidos do trabalho. Ensaio sobre a afirmaçao e a negaçao do trabalho, 1999, p. 167.) L’être humain a donc son origine dans le travail que Karl Marx a considéré comme le point de départ de la différentiation de l’homme d’avec l’animal. Les premières manifestations de la culture sont nées à partir de l’interaction de la téléologie ou finalité de l’acte de transformation et de la causalité ou potentialité contenue dans la nature.) Mais, ces éléments culturels ont besoin d’être transmis et renouvelés pour la survie de l’espèce. En ce sens, l’éducation poursuit l’acte de transformation de la nature à travers la science et la technologie, et reproduit l’institution sociale historiquement née à partir de l’appropriation privée des richesses produites.

La culture ainsi produite n’est pas étrangère à la politique considérée à la fois comme synthèse de l’ensemble des expériences vécues dans une société donnée, et expression des relations de force, des tensions et conflits selon des comportements des groupes sociaux différents. Saviani a noté une « étroite relation entre l’éducation et la conscience que l’homme a de lui-même » (p. 47.) Selon lui « plus adéquat est notre connaissance de la réalité, plus adéquats seront les moyens dont nous disposons pour agir sur elle. (..) promouvoir l’homme signifie le rendre chaque fois plus capable de connaître les éléments de sa situation afin de pouvoir y intervenir en la transformant dans le sens de l’élargissement de la liberté, de la communication et de la collaboration entre les hommes » (p. 49). L’homme est donc à la fois producteur de culture et produit de la culture. Or, le fondement de la culture est nié dans l’éducation, à savoir que la pédagogie est plutôt essentialiste (intellectualiste et individualiste), au lieu d’être basée sur la production et la reproduction quotidiennes des travailleurs. En ce sens, il considère l’éducation comme un instrument de lutte, laquelle conception se nourrit de la vision gramscienne de l’hégémonie : « toute relation hégémonique est nécessairement une relation pédagogique » (p. 3.) Autant dire que l’éducation ne peut être aussi envisagée en dehors d’une préoccupation politique : « se préoccuper de l’éducation signifie se préoccuper de l’élévation du niveau culturel des masses ; signifie en conséquence, admettre que la défense de privilèges (essence même de la posture élitiste) est une attitude insoutenable. Ceci, parce que l’éducation est une activité qui suppose l’hétérogénéité (différence au point de départ et l’homogénéité (égalité) au point d’arrivée » (p. 6). Aussi pense-t-il qu’on doit toujours se poser la question suivante : quel type d’homme nous prétendons obtenir à travers l’éducation ? (p. 41)

C’est dans cette perspective que nous envisageons l’aspect économique de l’éducation. Dans le cas où la pratique éducative se soucierait peu des problèmes sociaux dans lesquels elle s’opère, elle s’oriente vers la conservation des structures économiques existantes. C’est dans cette société mue par l’éthique du gain que l’éducation perd de sa spécificité pour devenir une marchandise ; et le fait que cette marchandise ne soit pas à la portée de tous les individus, inspire la notion de droit à l’éducation si chère aux idéologues du capital. Alors, ceux qui sont formés dans cette vision de l’éducation, le sont pour ne pas mettre en question la dénaturation du fait éducatif. Or, l’éducation est un bien commun auquel tout le monde devait avoir accès.

L’aspect politico-idéologique de la pédagogie a porté Pistrak (Fundamentos da escola do trabalho) à affirmer : « Le travail est un élément intégrant de la relation de l’école avec la réalité actuelle, et à ce niveau il y a fusion entre enseignement et éducation. Il ne s’agit pas d’établir une relation mécanique entre le travail et la science, mais de les prendre comme deux parties organiques de la vie scolaire » (p. 50) Pistrak voit dans le travail à l’école, un moyen de résoudre le problème de l’intellectualisme : « Le travail dans l’école, comme base de l’éducation, doit être lié au travail social, à la production réelle, à une activité concrète socialement utile, sans quoi elle perdrait sa valeur essentielle, son aspect social, en se réduisant, d’un côté, à l’acquisition de quelques normes techniques, et de l’autre, à des procédés méthodologiques capables d’illustrer ce détail-ci ou ce détail-là d’un cours systématique » (p. 38). Lénine, au premier congrès de l’Enseignement (25-8-1918), avait contribué à montrer la relation pédagogie-politique : « Dans toute ligne éducative, il nous paraît impossible de conserver l’ancienne conception d’une éducation apolitique ; il nous paraît impossible de placer le travail culturel en dehors de la politique » (cité par Pistrak, p. 23) Autant dire qu’à travers la discussion sur le rapport Education-Politique, c’est toute la construction du capitalisme qui est en jeu : la dichotomie travail intellectuel/travail manuel sert à renforcer les rapports de domination et d’exploitation ; et la conscience de nombreux citoyens est formée en ce sens, sans qu’ils aient une possibilité de critiquer ce mode de reproduction de la société inégale, injuste et inhumaine.

[...]

Port-au-Prince, le 15 août 2002.

Jn Anil Louis-Juste Professeur Université d'Etat d'Haïti


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